II Le Parisien II LUNDI 11 JANVIER 2021 60 L'ACTU 60 PARIS PAR CÉCILE BEAULIEU
II Le Parisien II LUNDI 11 JANVIER 2021 60 L'ACTU 60 PARIS PAR CÉCILE BEAULIEU DES EMPLOIS SUPPRIMÉS par milliers, ou en passe de l’être, et un avenir pour le moins in- certain. A Paris, même l’hôtel- lerie haut de gamme, qui ac- cueille touristes et clientèle d’affaires, fait grise mine. Pour les observateurs de la profes- sion, il pourrait s’agir du « plus grand plan social de son his- toire », bien que Paris compte encore 80 000 chambres d’hôtel. Pourtant, les hôtels, con- trairement aux cafés et res- taurants, n’ont jamais été con- traints à la fermeture depuis le début de la crise sanitaire et son cortège de restrictions, en mars 2020. Les « gros-porteurs », comme les qualifie la profes- sion — ceux qui comptent plus de 400 chambres (ils sont 13 à Paris) et sont adossés à de so- lides groupes financiers —, af- firment ne pas être épargnés. Fermeture du W Opéra, un 5 étoiles fort d’une centaine de salariés Etablissements en crise, em- ployés au chômage partiel depuis des mois ou emportés dans le tourbillon des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Certains concernent moins de dix salariés, d’autres menacent parfois jusqu’à la moitié du person- nel. Et la liste — non exhausti- ve — donne le tournis. suis pas très optimiste. L’éta- blissement est désert depuis des mois, et la direction envi- sagerait de ne plus le faire f o n c t i o n n e r q u e s u r 500 chambres, en se passant du personnel d’étage au profit de sous-traitants, si le besoin s’en faisait sentir. Je ne com- prends pas, on pourrait très bien continuer au chômage partiel, pris en charge par l’Etat jusqu’en mars et peut- être obtenir sa prolongation jusqu’en 2022… » Pour la CGT-HPE (Hôtels de prestige et économiques), rien ne saurait justifier cette vague inédite de licencie- ments. « Ces groupes ont fait des profits monstres pendant des années » « Les salaires des personnels, parmi lesquels 40 % sont au smic, sont couverts par l’Etat. Ces groupes, qui ont fait des profits monstres pendant des années, ont les reins assez so- lides et les aides nécessaires pour supporter la crise, d’autant que la reprise est as- surée à terme, assène Sébas- tien, représentant de l’organi- sation. Les Jeux olympiques de 2024 se profilent, et ces établissements afficheront à nouveau complet. » « Jamais nous ne négocierons sur la régression sociale », assène la CGT. Et chacun parle du cas de l’hôtel Hyatt Regency. La chaîne, comme les autres, ne répond pas à nos demandes. Mais un communiqué, en- voyé en septembre 2020, éclaire sur les intentions du groupe : « La crise qui a se- coué l’ensemble du secteur Dernière annonce en date, vendredi : la suppression de 167 emplois sur 351 à l’hôtel Westin Paris Vendôme (Ier), dont le service d’étage est amené à disparaître totale- ment, soit 81 personnes. Mais aussi 192 suppressions de postes à l’Hyatt Regency Paris Etoile de la porte Maillot (XVIIe), et 254 licenciements — après échec des négociations — au Méridien Etoile (groupe Marriott). Et encore 29 autres à l’Hyatt Louvre (Ier). Le W Opéra (IXe), un 5 étoi- les géré par le groupe Mar- riott, annonce sa fermeture et la cessation d’activité : une centaine de salariés dont une trentaine en sous-traitance, femmes de chambre et gou- vernantes, appelées à venir grossir les rangs des deman- deurs d’emploi. La Bérézina. Stéphane* est l’un de ceux qui craignent d’être emportés par la crise sanitaire. Employé depuis plusieurs décennies au Méridien de la porte Maillot, en tête des gros-porteurs pa- risiens avec ses 1 025 clés, cet homme, au chômage partiel depuis un an, redoute d’être sacrifié sur « l’autel du Co- vid », comme 253 de ses col- lègues. Soit la moitié des ef- fectifs. « En décembre, nous avons reçu sans la moindre explication un nouvel organi- gramme des personnels de l’hôtel… Enfin, ceux qui reste- ront ! lâche-t-il, amer. Et je n’en fais pas partie. Bien sûr, rien n’est acté, des négocia- tions sont en cours, mais je ne Vague de licenciements dans les hôtels Des milliers d’employés congédiés, des sous-traitants aux abois… le secteur connaît la plus grande crise de son histoire. a Nous avons reçu sans la moindre explication un nouvel organigramme des personnels… Enfin, ceux qui resteront ! Et je n’en fais pas partie. STÉPHANE*, EMPLOYÉ AU MÉRIDIEN DE LA PORTE MAILLOT (XVIIe) TROIS QUESTIONS À UNE CLIENTÈLE internationale absente, une masse salariale très importante, des aides insuffisantes et une fiscalité pesante. C’est ce cocktail qui rendrait inévitables les licenciements économiques dans les grands hôtels, selon Franck Trouet, délégué général Paris-Ile-de-France du Groupement national des indépendants (GNI) de l’hôtellerie-restauration. FRANCK TROUET Comment expliquer les plans de sauvegarde de l’emploi mis en place dans la plupart des grands hôtels parisiens ? L’activité totalement à l’arrêt ! Il n’y a plus d’étrangers, plus de business. A part quelques équipages de compagnies d’aviation, les clients ont totalement déserté. Les chambres sont vides. Et nous savons bien que même à la sortie de la crise sanitaire, il n’y aura pas de reprise immédiate. Les moyens accordés par l’Etat ne sont plus suffisants pour ces gros-porteurs qui emploient beaucoup de salariés. Alors, malheureusement, oui, les licenciements économiques interviennent. Le chômage partiel est pourtant pris en charge par l’Etat… Oui, mais il ne couvre pas 100 % de la masse salariale. Il y a beaucoup de reste à charge pour les hôteliers : le 13e mois, par exemple. Mais aussi les congés payés que les employés continuent de générer durant leur période de chômage. Certains de ces établissements ont jusqu’à 700 000 € à débourser chaque mois pour ce qui n’est pas couvert par l’Etat. A cela s’ajoute la fiscalité : « C’est inévitable même si ces groupes ont les reins solides » FRANCK TROUET, du Groupement national des indépendants de l’hôtellerie DR twipe_ftp Le Parisien III LUNDI 11 JANVIER 2021 III me plus grand hôtel Ibis de F r a n c e a v e c p l u s d e 700 chambres. Dix-neuf fem- mes et un homme, salariés de la société STN, étaient entrés en grève, la plus longue qu’ait connue leur profession, en- juillet 2019 : dix-huit mois pour obtenir la reconnaissan- ce de l’existence d’un contrat de travail entre eux, le groupe Accor, propriétaire de la chaî- ne Ibis, et l’hôtel lui-même. Devant les prud’hommes, en décembre 2020, après une audience rebaptisée « le pro- cès de la sous-traitance », les vingt femmes de chambres ont demandé à bénéficier du même traitement que les sala- riés d’Ibis. Et ont, tout au moins, obtenu de rester en chômage partiel. Mais jusqu’à quand ? C.B. 3 500 € par mois à presque rien… et j’ai des crédits en cours. Je réfléchis très sérieu- sement à une reconversion professionnelle : aucun espoir de pouvoir retravailler comme maître d’hôtel avant long- temps ! D’ailleurs, nous som- mes nombreux à envisager d’emprunter une autre voie. » Les femmes de chambre particulièrement touchées Quant aux femmes de cham- bre et aux gouvernantes en sous-traitance, elles sont les plus nombreuses dans les plans de sauvegarde de l’em- ploi (PSE) en cours. Elles sont également les plus vulnéra- bles, comme l’a révélé l’affaire emblématique de l’Ibis Bati- gnolles (Paris XVIIe), le deuxiè- d’ailleurs si grande dans leurs rangs, que nombre d’entre eux ont décidé de s’orienter vers une autre carrière profession- nelle. C’est à se demander comment les hôteliers feront pour recruter quand la reprise s’amorcera… » Les extras, qui ne bénéfi- cient même plus du statut d’intermittents, ont été les pre- miers, au début de la crise sa- nitaire, à devoir renoncer à leur emploi. Enzo, qui exerçait comme maître d’hôtel dans plusieurs établissements pari- siens, en sait quelque chose. Au RSA après avoir épuisé ses indemnités chômage, le tren- tenaire doit se faire aider par ses parents : « Heureusement qu’ils règlent mon loyer, sinon je n’aurais même plus un toit sur la tête ! Je suis passé de touristique et particulière- ment le secteur de l’hôtellerie nous a amenés […] à prendre un certain nombre de disposi- tions structurelles et fonction- nelles pour amortir la baisse de fréquentation qui s’annon- ce durable […]. Les incertitu- des qui, cinq mois après le dé- but de la crise, continuent à impacter le secteur touristi- que, ont amené les directions de nos hôtels à entamer des consultations avec les repré- sentants du personnel. » n * Le prénom a été modifié. LP/ÉRIC LE MITOUARD Paris (XVIIe), porte Maillot. Un plan de sauvegarde de l’emploi risque de toucher la moitié du personnel, soit 254 personnes. 167 emplois sur 351 sont supprimés à l’hôtel Westin Paris Vendôme (Ier). Tout le service d’étage devrait disparaître. a Heureusement que mes parents règlent mon loyer, sinon je n’aurais même plus un toit sur la tête ! Je suis passé de 3 500 € par mois à presque rien. ENZO, MAÎTRE uploads/Finance/ le-parisien-11012021-westin.pdf
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- Publié le Apv 29, 2022
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