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Imprimé le 31/07/2014 http://moniteurjuris.fr/document/20-23615694 Contrats publics REVUE - n°140 - (DOSSIER) février 2014 Les risques d’une mauvaise évaluation des besoins Leslie Bonnieu Avocate Associée - Cabinet Charrel Et Associés La mauvaise évaluation des besoins peut constituer un risque au plan de la passation des marchés en favorisant notamment la présentation d’offres anormalement basses ou inacceptables. Il en est de même au stade de l’exécution où la mauvaise évaluation peut entraîner l’application de pénalités ou la passation d’un avenant. Enfin, les risques de nature pénale ne sont pas à exclure. L’ article 5 du Code des marchés publics impose aux acheteurs publics de déterminer avec précision, avant tout appel à la concurrence, la nature et l’étendue des besoins à satisfaire. En outre, le choix du niveau auquel les besoins sont évalués ne doit pas avoir pour effet de soustraire les marchés aux règles qui leur sont normalement applicables [1] . Ce principe fondamental, préalable, est pourtant parfois porteur de conséquences dommageables pour le pouvoir adjudicateur. En effet, la mauvaise évaluation des besoins peut constituer un risque tant au plan de la passation des marchés que de l’exécution. Elle est également constitutive d’un risque pénal. Les risques en cas de mauvaise évaluation des besoins en terme de passation De l’évaluation des besoins découle la rédaction du dossier de consultation des entreprises qui permet aux candidats de disposer de l’ensemble des éléments - qui ne doivent pas être contradictoires [2] - pour pouvoir déposer leur offre de la manière la plus optimisée. En effet, l’acheteur public traduit nécessairement son besoin au travers de son estimation, de spécifications techniques, des critères de sélection de candidatures et des offres, de la décomposition de son marché, de l’autorisation ou non des variantes... Si ces paramètres ne sont pas correctement traduits ou traduisent une évaluation de son besoin erronée, l’acheteur public peut se heurter à deux incidents au moment de la passation du marché : la présence d’offres anormalement basses et la présence d’offres inacceptables. Le risque lié à la présentation d’offres anormalement basses Bien que la présentation d’offres anormalement basses ne relève pas nécessairement d’une mauvaise évaluation des besoins, en période de crise, celles-ci ayant tendance à se multiplier [3] , une offre anormalement basse peut être la manifestation d’une mauvaise évaluation des besoins. L’ article 55 du Code des marchés public encadre, sur le fond et sur la forme, les justifications que doit apporter le pouvoir adjudicateur pour détecter une offre qui lui apparait anormalement basse. Elle peut prendre en compte des considérations tenant notamment aux aspects suivants : « 1° Les modes de fabrication des produits, les modalités de la prestation des services, les procédés de construction ; 2° Les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le candidat pour exécuter les travaux, pour fournir les produits ou pour réaliser les prestations de services ; 3° L’originalité de l’offre ; 4° Les dispositions relatives aux conditions de travail en vigueur là où la prestation est réalisée ; 5° L’obtention éventuelle d’une aide d’État par le candidat. » Ces dispositions très générales font l’objet de jurisprudences de plus en plus fournies aux termes desquelles les faisceaux à prendre en compte sont les suivants [4] : - l’écart moyen des prix constatés par rapport aux offres des candidats concurrents [5] ; - l’écart entre l’offre de prix et l’estimation prévisionnelle de la collectivité, pour autant que cette dernière soit sincère et présente un caractère réaliste [6] ; - la comparaison avec les prix habituellement pratiqués dans le secteur d’activité [7] ; - la comparaison avec les prix habituellement pratiqués par l’auteur de l’offre lui-même [8] , cette analyse peut combiner une méthode d’analyse globale et poste par poste [9] ; - l’analyse d’éléments intrinsèques de l’offre, et notamment la démonstration de ce que celle-ci est de nature à compromettre la bonne exécution du marché conclu sur sa base [10] . Ainsi, et dans l’hypothèse où plusieurs offres, seraient suspectées d’être anormalement basses, il convient également de vérifier si l’évaluation des besoins a été faite de manière satisfaisante, une erreur dans l’évaluation pouvant être source de production d’offres anormalement basses. À titre d’exemple, dans le cadre d’un appel d’offres relatif à du transport pour des véhicules de faible capacité dont le prix était fondé sur un prix au kilomètre incluant toutes les charges des transporteurs sur la base d’un plan de production estimatif fourni par le pouvoir adjudicateur, plus de la moitié des offres déposées ont été détectées comme anormalement basses. Au regard de la réponse faite par les opérateurs économiques, le pouvoir adjudicateur a décidé de déclarer la procédure sans suite et de relancer une consultation, l’évaluation de son besoin s’étant révélée erronée. À titre d’exemple également, dans le cadre d’un appel d’offres relatif à des prestations de service ayant pour objet l’entretien et les réparations des véhicules d’un service de ramassage d’ordures ménagères, marché à bons de commande avec minimum de 300 000 € par an, une offre avait été détectée par le pouvoir adjudicateur comme anormalement basse. L’entreprise a justifié ses prix au regard des stipulations très générales du CCTP n’imposant pas un entretien systématique, en proposant un entretien au plus proche des véhicules et que l’offre déposée concerne bien les pneumatiques, les lubrifiants, liquides de refroidissement, liquides de protection et pièces d’usure. Dans ce cadre, l’estimation des besoins n’avait pas assez été précisée selon le juge, ce qui a entraîné une difficulté de choix. Au regard de cette difficulté, le pouvoir adjudicateur, ne pouvant retenir cette offre mais non plus les autres, a décidé de relancer la procédure et d’adapter au mieux son cahier des charges à ses besoins. Il en sortira certainement un gain financier pour le pouvoir adjudicateur. Gain financier qui peut également s’apprécier au regard des offres inacceptables liées au dépassement de l’estimation. Le risque lié à la présentation d’offres inacceptables Dans l’hypothèse où les besoins ne sont pas correctement évalués et où l’estimation est la manifestation de cette évaluation, il peut s’ensuivre une difficulté lors de l’analyse du prix, une ou plusieurs offres pouvant être déclarées inacceptables car au-dessus de l’estimation. La notion d’offre inacceptable est définie à l’article 35.I-1) du Code des marchés publics [11] . Le Conseil d’État est venu préciser ce qu’il fallait entendre par offre inacceptable en raison de l’absence de crédits budgétaires suffisants dans une décision du 24 juin 2011 [12] . Ainsi, avant de pouvoir déclarer une offre comme inacceptable - et donc ne pas la classer - le pouvoir adjudicateur doit apporter la preuve qu’il n’aurait pas pu la financer. Quant à la notion de crédits budgétaires alloués au marché, le tribunal administratif de Paris l’a précisé dans une ordonnance de référé du 13 juillet 2011 [13] : « que les « crédits budgétaires alloués au marché » dont il est fait état dans cette disposition [ article 35 du CMP] correspondent au montant que le pouvoir adjudicateur envisage spécifiquement d’engager pour l’exécution du marché en cause et non à sa capacité budgétaire prise dans son ensemble ». Enfin, dans une réponse en date du 22 août 2013 [14] , le ministre de l’Économie et des Finances confirme la rigueur de la jurisprudence du Conseil d’État précitée : « Il n’est donc pas possible de déterminer un seuil précis à partir duquel le dépassement du budget alloué à l’opération pourrait être constaté quelle que soit la situation financière de l’acheteur. Le caractère inacceptable de l’offre est en effet directement lié à la capacité du pouvoir adjudicateur en matière de financement du projet d’achat : sous réserve que son budget soit compatible avec le montant de l’offre, le pouvoir adjudicateur, malgré la différence entre l’estimation du coût du marché et ce montant, a l’obligation d’accepter l’offre et ne dispose pas de la possibilité de la déclarer économiquement inacceptable. La supériorité du prix de l’offre au montant estimé du marché ne devient un critère justifiant une telle qualification que lorsque l’acheteur public est apte à démontrer qu’il ne dispose pas des crédits nécessaires ». En conséquence, le risque lié à une mauvaise évaluation des besoins et ne permettant d’écarter une offre inacceptable est un risque qui peut avoir de lourdes conséquences sur les deniers publics, l’application du jeu des critères dans l’analyse faisant qu’une telle offre pourrait finalement être l’offre économiquement la plus avantageuse. Au-delà de la procédure de passation, si celle-ci a abouti, une mauvaise évaluation des besoins peut entraîner soit une application de pénalités, soit la passation d’un avenant. Les risques en cas de mauvaise évaluation des besoins en terme d’exécution Le risque lié à l’application de pénalités Les pénalités sont des sanctions pécuniaires forfaitaires - sauf dispositions contraires particulières - qui se substituent aux dommages et intérêts et ont donc une double fonction de dissuasion et de réparation. Elles ne s’appliquent que si le marché le prévoit et si le fait à pénaliser est imputable au titulaire sanctionné. Depuis un arrêt du Conseil d’État du 29 décembre 2008 [15] , leur régime s’est fort rapproché des clauses pénales du droit privé compte tenu uploads/Finance/ les-risques-dune-mauvaise-evaluation-des-besoins-pdf.pdf
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- Publié le Mai 05, 2021
- Catégorie Business / Finance
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