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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 En Allemagne, des journalistes baissent leurs salaires pour embaucher une rédaction ukrainienne PAR THOMAS SCHNEE ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 25 AVRIL 2022 La rédaction de « Katapult Ukraine ». © Photo Thomas Schnee pour Mediapart Les journalistes de «Katapult», jeune média indépendant allemand qui monte, ont décidé de lancer une édition ukrainienne produite par des journalistes ukrainiens recrutés dans les deux pays. L’initiative a connu un succès immédiat et la publication est déjà financièrement autonome. Greifswald (Allemagne).– La rapidité et la radicalité de l’annonce ont tout de suite détonné dans la vague d’infos qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Deux jours seulement après le franchissement des frontières par les chars russes, la rédaction du magazine politique allemand Katapult s’est en effet lancée sans hésiter. Écouter l’article À un moment où, sans leur jeter la pierre, bien des rédactions allemandes les plus prestigieuses ne s’étaient même pas encore posé la question de l’aide à fournir aux collègues ukrainien·nes en exercice ou en exil. « Les collaborateurs de Katapult renoncent à 50% de leur salaire et engagent 20collaborateurs ukrainiens! Nous sommes en guerre en Europe. Il est temps de sortir de sa zone de confort. Katapult crée donc son propre journal ukrainien réalisé par des locaux», expliquait alors une annonce insérée sur le site internet de cette revue installée dans la petite ville de Greifswald, sur la côte baltique, à moins de 40km des désormais célèbres gazoducs germano-russes Nord Stream1 et 2. Doublée d’un appel aux dons, l’initiative «Katapult Ukraine»a tout de suite connu le succès. À ce jour, 270000euros et de nombreux dons matériels ont déjà été envoyés au siège de cette jeune publication pleine d’idées, par ailleurs déjà bénéficiaire et en expansion rapide. La rédaction de « Katapult Ukraine ». © Photo Thomas Schnee pour Mediapart « Nous avons créé Katapult Magazin à l’université il y a six ans, avec un groupe d’amis étudiants en sciences sociales et politiques. Notre marque de fabrique, c’est de traiter de sujets d’actualité de manière décalée, avec des textes associés à beaucoup de graphiques et de cartes, et plus souvent l’inverse. Aujourd’hui, nous avons un site d’info très réactif mais notre revue ne se lit que sur le papier. Avec un tirage trimestriel de 150000exemplaires et plus de 90000abonnés», explique avec fierté et jubilation Benny Fredrich, 34ans, fondateur et rédacteur en chef, qui perçoit, comme les 80salarié·es de l’entreprise, un salaire unitaire de 3300euros brut mensuels. « Benny ne touche plus de salaire du tout pour quelques mois. Pour ma part, j’ai réduit le mien de 10%. Si l’on compte toutes les contributions, nous arrivons effectivement à l’équivalent de 10personnes qui ont réduit de 50% leur salaire et 10personnes qui l’ont réduit de 25%», explique Max Rieck, devant le bâtiment en chantier que Katapult vient de racheter dans une banlieue de Greifswald. « La moitié du rez-de-chaussée sera occupée par un autre de nos projets, des appartements pour réfugiés, et l’autre moitié par une cantine. À l’étage, les deux rédactions, allemande et ukrainienne, travaillent Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 déjà en plein milieu du chantier, à côté de notre maison d’édition et des locaux pour un futur centre de formation pour journalistes-graphistes», explique Max, responsable des projets Katapult Ukraine et du foyer de réfugié·es. Si Katapult a pu choisir de «sortir de sa zone de confort» pour aider des journalistes ukrainiennes et ukrainiens, ces derniers n’ont pas eu l’option de garder leur vie d’antan. Venu·es d’Odessa, Kyiv ou Boryspil, Roksana Panashchuk, Marija et Phillip Shykolai et Bohdana Trachuk, journalistes et graphistes, ont cependant eu la chance de pouvoir rejoindre le projet de Katapult Ukraine à Greifswald. Ils composent la petite partie allemande de la rédaction ukrainienne. Roksana Panashchuk, rédactrice en cheffe de Katapult Ukraine « Avec mon mari Sergueï, qui est aussi journaliste et se trouve toujours à Odessa, nous avons décidé qu’il valait mieux que je parte. Vivre dans un pays en guerre sous les bombardements, c’est usant. On a peur pour l’autre, pour soi, pour tout. On s’énerve, on s’engueule, on tourne en rond, on est incapable de se concentrer», raconte Roksana Panashschuk qui, avant de partir par la Moldavie, a longtemps travaillé pour des médias ukrainiens, britanniques et suisses. Aujourd’hui, elle occupe le poste de rédactrice en cheffe de Katapult Ukraine. « Nous avons recruté et fait connaître notre projet grâce aux contacts de notre équipe et sur un groupe WhatsApp. Katapult Ukraine collabore désormais avec plusieurs dizaines de pigistes et a embauché 20 journalistes. Quatre sont en Allemagne et les autres sont répartis sur le territoire ukrainien», détaille Benny Fredrich. Il revient précisément d’une semaine en Ukraine, où il est allé apporter du matériel à ses nouveaux collaborateurs et collaboratrices, essentiellement des ordinateurs et des gilets pare- balles. « Nous avons choisi pour l’instant de privilégier les récits de terrain et la photo, pour témoigner et montrer la réalité de la guerre», explique Roksana. On découvre ainsi des tranches de vie que l’on croyait impossibles, comme un mariage dans les ruines ou une incroyable séance de barbecue organisée par des habitant·es encerclé·es dans la ville dévastée de Marioupol. Il y a bien sûr aussi de terribles témoignages de fuites, de pertes et de mort. Et des articles qui documentent. Par exemple un point sur la question du déminage, ou l’état des centres-villes dans les régions délaissées par l’armée russe. Les articles et reportages sont publiés en anglais, allemand, ukrainien et/ou russe sur le site internet du journal. Une publication papier et un livre sur le «conflit en 100cartes» est en préparation. Un festival annoncé pour l’été « Nous avons évidemment des débats internes très intenses sur la neutralité des publications. Il est difficile de demander à quelqu’un qui voit ses concitoyens mourir sous les bombes de n’être pas dans le registre émotionnel et militant. En même temps, il y a des limites à ne pas dépasser sur le plan journalistique. Quand quelqu’un utilise le terme de “diable” pour parler de l’armée russe, on passe dans le commentaire, ce n’est pas acceptable. Nous avons dû nous séparer de deux collaborateurs pour ces raisons», explique Benny Fredrich. Il faut éviter les fake news (infox) qui pleuvent de tous les côtés, comme l’histoire de cet as de l’aviation ukrainienne abattu en mission mais qui, selon Benny Friedrich, n’a jamais existé. «La guerre de propagande que se livrent les deux parties russe et ukrainienne fait aussi qu’il y a des sujets qui sont difficilement abordables et que l’on préfère ne pas faire. Comme une interview de Denys Prokopenko, le commandant du régiment Azov qui se bat actuellement à Marioupol et se trouve au cœur d’une bataille de propagande», détaille Roksana. Quand l’opération Katapult Ukraine doit-elle s’arrêter? «Mais jamais. Nous travaillons pour durer», assure Benny Fredrich, qui explique qu’entre les dons et les abonnements, la publication est déjà financièrement autonome: «Mais nous savons qu’il y a encore beaucoup de travail pour structurer l’équipe, développer l’offre rédactionnelle et garantir les standards éditoriaux», explique le jeune éditeur, qui poursuit bien d’autres projets. Comme de planter Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 prochainement une «Forest of Fame» de 1500arbres, déjà sponsorisés par les lecteurs et les lectrices, afin d’améliorer l’empreinte carbone de Katapult Magazine. Ou celui d’organiser dès l’été le premier grand Katapult Festival, avec musique, grillades et débats sur l’Ukraine. Directeur de la publication : Edwy Plenel Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 24 864,88€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel (Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, François Vitrani. Actionnaires directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, Marie- Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, Société des Amis de Mediapart, Société des salariés de Mediapart. Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris Courriel : contact@mediapart.fr Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08 Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 90 Propriétaire, éditeur, imprimeur : la Société Editrice de Mediapart, Société par actions simplifiée au capital de 24 864,88€, immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS, dont le siège social est situé au 8 passage Brulon, 75012 Paris. Abonnement : pour toute information, question ou conseil, le service abonné de Mediapart peut être contacté par courriel à l’adresse : serviceabonnement@mediapart.fr. ou par courrier à l'adresse : Service abonnés Mediapart, 4, rue Saint Hilaire 86000 Poitiers. Vous pouvez également adresser vos courriers à Société Editrice de Mediapart, 8 passage Brulon, 75012 Paris. uploads/Finance/ mediapart 1 .pdf

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  • Publié le Fev 13, 2022
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