04/07/2022 11:02 Transports - Mythes, fêtes et rites de la déraison dans la Rom
04/07/2022 11:02 Transports - Mythes, fêtes et rites de la déraison dans la Rome antique. Une archéologie du sens : sens perdu, sens recouv… https://books.openedition.org/pupvd/10328?lang=fr 1/31 Presses universitaires de Perpignan Transports | Mireille Courrént, Thierry Eloi, Ghislaine Jay-Robert Mythes, fêtes et rites de la déraison dans la Rome antique. Une archéologie du 04/07/2022 11:02 Transports - Mythes, fêtes et rites de la déraison dans la Rome antique. Une archéologie du sens : sens perdu, sens recouv… https://books.openedition.org/pupvd/10328?lang=fr 2/31 1 2 sens : sens perdu, sens recouvert, sens découvert, sens retrouvé Claude-Gilbert Dubois p. 161-185 Texte intégral « Faire la fête », suivant une expression courante, est, de nos jours et dans notre type de fonctionnement social, un acte de subversion dans une société fortement cadenassée par une logique de l’utilité, subordonnée au principe économique de rentabilité, soumis à son tour à une finalité de profit matériel et financier. C’est là le logos, la logique de l’univers du capital. Or, la « fête » brise les cadences du travail, par une parenthèse de repos (c’est un jour « chômé »), par une revendication de liberté (elle appartient, comme on dit, au « temps libre »), et éventuellement par une manifestation volontaire d’illogisme, de paradoxe, de déraison et de folie, qui est un pied-de-nez envoyé, pendant un temps déterminé, à la logique oppressive du quotidien. La question est alors de savoir si la revendication de rupture, qui est la caractéristique du temps festif, doit être récusée ou refusée, au nom du « toujours semblable » qui innerve la vie quotidienne, et du « toujours plus » qui est le moteur de la productivité. L’expérience montre que la nature humaine manifeste, consciemment ou clandestinement, un besoin d’échappatoire à ce « Dieu ! Que la vie est quotidienne », rengaine des jours sans joie1. Si on interdit cette indispensable fugue hors du commun des jours, la nature se venge, et la folie ou la déraison, dont on supprime les manifestations expressives sous forme ludique, pénètre avec 04/07/2022 11:02 Transports - Mythes, fêtes et rites de la déraison dans la Rome antique. Une archéologie du sens : sens perdu, sens recouv… https://books.openedition.org/pupvd/10328?lang=fr 3/31 3 4 fracas ou insidieusement, dans la logique sociale sous forme de folie réelle et d’actes de déraison réellement, et non symboliquement, déraisonnables. C’est ce que veut signifier, en particulier, la vengeance de Dionysos, quand il est interdit d’entrée dans la cité. Les Grecs, puis les Romains ont bien connu ce problème de la valeur thérapeutique et cathartique de la fête, dont l’existence est nécessaire au bon fonctionnement de la société. C’est pourquoi, face aux exigences de rupture, ils ont répondu par l’institution de ruptures officialisées, organisées et balisées de jours festifs. Face aux excès introduits dans les fêtes par la confusion entre le substitutif et le subversif, la représentation et ses dérives où les sens abusés prennent le symbolique pour du réel, entraînant des actes réellement dangereux de déraison, ils ont réagi, sauf cas extrêmes, par une régulation et une dérivation vers la représentation symbolique, un déplacement, plutôt que par une interdiction, une censure qui, ne pouvant le neutraliser, stimulerait plutôt le refoulé. Les sociétés modernes, celles du moins qui sont placées sous l’autorité gouvernementale du capitalisme moderne, ont essayé de réintégrer les fêtes dans le temps rentable de l’économie de profit, en faisant de ce qui est considéré par elles comme une survivance ou un archaïsme, un obstacle injustifié au rendement, des moteurs supplémentaires de consommation et des stimuli d’excédents du marché, sur le principe du « consommer plus pour produire encore plus ». Noël devient la vitrine de vente des enseignes lumineuses, des guirlandes en matière synthétique, des CD et DVD, et des jouets importés de Chine, le jour de l’An celui des SMS par Orange, Bouygues ou Telecom interposés, et des cartes postales en trois dimensions, et le jour de Toussaint a failli être remplacé par un Halloween artificiellement réinventé et exporté, activant le marché des masques en matière plastique colorée. Le problème est qu’il faudrait, pour la réussite de l’entreprise, que les consciences acceptent de se laisser réduire à un rôle de consommatrices d’objets éphémères, qu’elles abandonnent toute propension à cultiver 04/07/2022 11:02 Transports - Mythes, fêtes et rites de la déraison dans la Rome antique. Une archéologie du sens : sens perdu, sens recouv… https://books.openedition.org/pupvd/10328?lang=fr 4/31 5 6 *** l’ordre des valeurs symboliques, et que le pouvoir d’achat des consommateurs suive les courbes montantes des profits du capital. Il ne semble pas que ce temps soit désormais advenu. Notre mot français « La fête », en tant que substantif, s’exprime en latin par un mot rare et généralement employé au pluriel : feriae. Ce substantif a donné feria chez nos voisins, chez nous « frairie » dans certains emplois locaux, et l’adjectif « férié », usité presqu’exclusivement dans « jour férié ». Notre « fête » vient d’un adjectif qui désigne en latin le jour « férié », dies festus. Festus veut dire qu’on ne travaille pas ce jour-là ; c’est un jour chômé, qui n’est pas le propre de toutes les fêtes. Un compilateur latin, au nom approprié de Festus, dit que certaines fêtes étaient célébrées un jour chômé, et d’autres sans arrêt du travail quotidien : « aliae feriae erant sine die festo, ut nundinae, aliae cum festo, ut Saturnalia »2. Les premières sont plutôt des célébrations. Les vraies fêtes supposent une rupture dans la trame de la quotidienneté, un temps d’arrêt dans la chaîne des jours de travail. C’est la première qualité de la fête : la rupture du temps par le repos. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui « le temps libre », et la liberté du temps induit d’autres qualités de cette vie libre en marge de la vie habituelle. L’adjectif festus dérive d’un autre adjectif, plus ancien, qui en assure son armature : fas, « propice », ou « faste » au sens de « jour faste », dont le contraire est nefas, « qui porte malheur », « néfaste ». Les jours de fête sont des jours fastes, où l’on prie les dieux d’être favorables. Ce sont des jours de cérémonies propitiatoires, de prières faites aux dieux pour leur demander leurs faveurs. Fas est précisément en rapport avec le verbe archaïque et réservé, fari, qui signifie « parler solennellement » quand on est un dieu ou un personnage auguste. La parole des dieux, lorsqu’elle est donnée, devient fatum, le destin, qui est promesse d’accomplissement inéluctable. Les jours de fête sont des jours où les dieux donnent l’autorisation de faire ce qu’ils 04/07/2022 11:02 Transports - Mythes, fêtes et rites de la déraison dans la Rome antique. Une archéologie du sens : sens perdu, sens recouv… https://books.openedition.org/pupvd/10328?lang=fr 5/31 7 8 9 n’autorisent pas en temps normal, des dérogations au fatum, dans la mesure du moins de leur pouvoir. La fête, c’est, deuxième coupure dans le temps normal, après le repos, une liberté dérogatoire cautionnée par accord divin. Fas a fourni deux lignées d’adjectifs dérivés. La première est celle de festus (fête, festif, festival, festivité) dont nous venons de parler, qui induit repos et liberté. L’autre est celle de fastus, qui signifie « orgueilleux, présomptueux », avec des sens d’abord négatifs, qui se purifient progressivement en « fastueux », spectaculaire, grandiose, ostensible. La fête, c’est un déploiement de décors somptueux, de dépenses somptuaires. C’est une parade de dépenses et de spectacles : jeux, cirque, théâtre, banquets. Et puis ce sens retombe dans la négativité quand, par une nouvelle dérivation, on passe de fastus à fastidiosus. A la fin, tout cela est fatigant, fastidieux. La fin des jours de fête traîne avec elle une lassitude, une mélancolie. Elle finit par rendre « las comme après de grandes débauches », pour reprendre une expression de Flaubert dans son roman romano-carthaginois de Salammbô. Ainsi, l’histoire du réseau lexical qui désigne « la fête », dans la Rome antique, dévoile ses degrés divers et hiérarchisés de manifestation. Elle révèle tout ce qu’elle contient en elle de ludique et de festif (repos et liberté), de risques et de dérives (faste trop fastueux qui entraîne le dégoût comme dans les fêtes du Satiricon de Pétrone), mais aussi ses rapports avec la vie civique et nationale (elle se célèbre sur la place ou dans des lieux publics, en présence des autorités) et, au dessus de la cité, le lien qui l’unit au divin et au sacré (avec ses célébrations d’un dieu ou d’un événement surnaturel, avec ses rites propitiatoires et l’appel à la faveur des dieux). Les fêtes, qu’elles soient religieuses ou profanes, se centrent autour d’un personnage ou d’un fait mythique. Sous la république romaine, plutôt puritaine en ses débuts, on dénombrait déjà cependant 45 jours de fêtes religieuses et 60 jours de jeux publics. Sous l’empire, comme nous le révèle Ovide dans ses Fastes, il y eut jusqu’à 175 jours de jeux publics. De ce nombre considérable, nous ne 04/07/2022 11:02 Transports - Mythes, fêtes et rites de la déraison dans la Rome antique. Une archéologie du uploads/Finance/ mythes-fetes-et-rites-de-la-deraison-dans-la-rome-antique.pdf
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- Publié le Jan 19, 2021
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