47 CHAPITRE 2 Essai de modélisation du calcul de l’empreinte marketing et de l’
47 CHAPITRE 2 Essai de modélisation du calcul de l’empreinte marketing et de l’espérance de vie d’une PME Gilles LECOINTRE Directeur scientifique des Universités de L’Économie PME Chargé d’enseignement et de programme à l’ESSEC Président-Directeur Général du groupe ICF-Intercessio Résumé L’essai proposé a pour ambition de poser les principes d’un modèle d’expérimentation qui serait à même d’appréhender et d’estimer a priori (selon un modèle probabiliste) l’espérance de vie d’une PME indépen- dante. Il part du principe de réalité selon lequel toute entreprise naît et meurt de la présence et de l’absence de clients. Entre ces deux moments, la PME cherche à survivre puis à se développer à travers une double lutte contradictoire pour attirer à elle des prospects et repousser ses concur- rents hors de son territoire de marché. Le modèle décrit propose une formalisation de ce « jeu de gagne-ter- rain » dont l’objectif est d’enraciner l’« empreinte marketing » de l’en- treprise, c’est-à-dire son identité singulière, son génome. Il s’appuie, le grand livre de l’économie pme 48 Introduction – Le client au cœur du dispositif Dans la presse économique mais aussi dans le monde académique, on s’intéresse beaucoup aux entreprises de croissance, on surveille de près la courbe de créations des « jeunes pousses », et on a les yeux de Chimène pour tout ce qui touche les NTIC (nouvelles technologies). Mais a contrario, alors qu’il s’agit pourtant de l’immense majorité du tissu entrepreneurial et social, on fait peu de cas des PME « normales ». Et, en particulier, celles qui, sur longue période, réussissent à maintenir leur ac- tivité et leurs emplois. Ce sont ces entreprises-là qui constituent la base, la véritable armature des économies territoriales. Il est donc utile de les considérer avec respect et d’en comprendre le « business model » pour paraphraser le jargon utilisé pour les « belles entreprises ». Qu’est-ce qui fait, en définitive, que des affaires indépendantes, ayant dé- veloppé des activités traditionnelles sur un territoire parfois limité, survi- vent ? Malgré l’usure du temps qui érode leur combativité de l’intérieur, malgré l’évolution de la concurrence et les crises économiques qui vien- nent saper de l’extérieur leurs fondements, elles restent debout parfois sur plusieurs générations. Pourquoi ? Poser cette question, c’est une façon de s’interroger sur les facteurs prin- cipaux qui interagissent sur la pérennité des entreprises. Autrement dit, pour durer, que convient-il de faire ? La première réponse qui vient de façon naturelle à l’esprit est la suivante : une entreprise dure autant que ses clients lui font confiance. Les entreprises pérennes seraient donc celles qui mettent au cœur de leur préoccupation, « le client ». Être avant tout au service du client, ce n’est ni nouveau, ni original, mais ce n’est pas si évident que cela quand on constate par ailleurs que beaucoup de grands groupes se sentent obligés aujourd’hui de faire de cet engagement une priorité affichée de leur politique. dans le choix et la définition des variables retenues, sur les études déjà réalisées et opératoires en matière d’évaluation d’entreprise (cf. modèle VALENTIN® in « J’évalue mon entreprise » chez Gualino éditeur). E s s a i d e m o d é l i s a t i o n d u c a l c u l d e l ’ e m p r e i n t e m a r k e t i n g e t d e l ’ e s p é r a n c e d e v i e d ’ u n e p m e 49 Le client doit être mis au cœur du dispositif, soit, mais comment ? C’est la bonne et seule véritable question. Comment les PME indépendantes font-elles pour « marquer » leur territoire de telle façon que leur zone de chalandise ne s’effrite pas ? – Les mécanismes de la captation de clientèle Dans la genèse de la construction d’une base clients il y a un aspect ori- ginel fondamental : le positionnement et l’attractivité du produit vendu qui vont déclencher le désir et l’acte de consommation. Dans cette relation qui s’établit entre l’entreprise et son prospect se noue un lien unique et particulier qui rapproche l’une à l’autre. Plus ce lien est bijectif (les besoins du client trouvant une réponse unique dans l’offre du fournisseur), plus l’acte d’achat est intense. On peut parler dans ce cas d’une forte affinité au sens marketing. Mais cette attractivité, cette intensité, ne suffit pas à expliquer la durabi- lité de la relation, la volonté de rester client. Il faut y ajouter la notion de proximité, celle qui reflète la connivence. Cette autre qualité se construit dans le temps et traduit la véritable « distance » qui sépare le client et son fournisseur. Ainsi, plus la distance est faible et plus l’intensité se maintient à son niveau de départ, plus le « couple » dure. Malheureusement pour l’entreprise, elle n’est pas seule sur son territoire de jeu et le bel équilibre qui l’unit à ses clients peut à tout moment être rompu par l’action de la concurrence. Le contre-feu à mettre en place consiste donc à utiliser tous moyens pour bouter les prédateurs éventuels hors de portée de nuire. Il convient de les maintenir à distance, par l’ensemble des outils marketing susceptibles de protéger le cocon à l’intérieur duquel l’entreprise se doit d’enfermer les besoins de ses clients. Telle est la deuxième dimension d’une stratégie de pérennisation d’une entreprise indépendante. – La juste mise à distance des clients et de la concurrence, véritable enjeu de la pérennité Une entreprise qui existe depuis longtemps est connue de son « milieu » de vie. Elle a une réputation bien établie. En fait, à y regarder de plus près, elle inscrit une véritable « empreinte » sur son territoire de chalandise, une espèce de génome de son identité singulière. Cette empreinte peut être appréhendée par bien des critères : les marques commerciales, la notorié- l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e 50 té, l’image de qualité et de sérieux, la quantité et la qualité d’attachement des clients, la spécificité des produits, la barrière d’entrée installée contre les compétiteurs… En tous les cas, si l’empreinte est profonde et « enracinée », l’entreprise a de fortes chances de déjouer l’épreuve du temps. Attirer la clientèle et repousser la concurrence telle est bien le passage obligé qui conduit l’entreprise à la pérennité. Il y a d’un côté une force cen- trifuge de conquête qui repousse le plus loin possible les limites extérieu- res de la zone d’influence de l’entreprise et de l’autre, une force centripète qui cherche, en sens inverse, à contraindre l’entreprise à se recroqueviller sur elle-même. À un moment donné un équilibre se crée et définit la part de marché de l’entreprise. Mais cet équilibre n’est pas durable, il est remis en question tous les jours. L’objet de la présente réflexion est de tenter de modéliser ce double jeu de forces d’attraction et de répulsion dont les distances et les intensités respectives vont induire la capacité d’une entreprise à être vivante long- temps. 1. La définition théorique d’un modèle d’empreinte marketing Comment, abstraitement, peut-on traduire la « formule » d’interactions qui s’exercent entre toutes les forces qui contribuent à agrandir le périmètre de l’entreprise, et celles qui luttent pour l’objectif contraire ? 1.1 Les variables en jeu Notre objectif consiste à expliquer et à « dimensionner » de façon objective la zone d’influence marketing d’une entreprise indépendante. Nous faisons ensuite l’hypothèse que la configuration de cette zone a pour principales variables explicatives, d’une part la capacité d’attraction et de captation de l’entreprise vis-à-vis de ses prospects possibles et d’autre part, la ca- pacité de la concurrence à venir contrarier ce projet vis-à-vis de ces mêmes prospects. Nous souhaitons par ailleurs rendre compte du fait que chaque force en présence est représentée par un double vecteur avec d’un côté la « lon- gueur » du lien reliant les acteurs et de l’autre, l’intensité (la tension) de ce lien. E s s a i d e m o d é l i s a t i o n d u c a l c u l d e l ’ e m p r e i n t e m a r k e t i n g e t d e l ’ e s p é r a n c e d e v i e d ’ u n e p m e 51 Par cette représentation, on veut traduire le phénomène observé dans la vie physique selon lequel plus un lien est court et tendu, plus l’effet de levier (en l’occurrence la pérennisation de la relation) est important. 1.2 Le modèle théorique Soit EM l’empreinte marketing d’une PME sur sa zone de chalandise D la variable désignant la distance (l’éloignement) entre acteurs I la tension du lien entre acteurs cl les clients co la concurrence t uploads/Finance/ part1-chap2.pdf
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- Publié le Jan 22, 2022
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
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