Politique monétaire I/ Faits stylisés A/ L’indépendance des banques centrales a
Politique monétaire I/ Faits stylisés A/ L’indépendance des banques centrales a renforcé leur action contre l’inflation, leur permettant de fortement réduire les taux d’inflation durant la période de « Grande modération » jusqu’en 2008 : Après-guerre et jusqu’aux années 1980, période d’inflation importante qui va ensuite être modérée : Inflation annuelle 1973 – 1981 1999 – 2007 OCDE 10,9% 2,7% Modération de l’inflation est concomitante avec l’indépendance des banques centrales, qui devient la norme dans les années 1990 (ex. Loi du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France). Alesina, Summers, Central Bank Independence and Macroeconomic Performance, 1993 : corrélation entre indépendance de la banque centrale et maîtrise de l’inflation sur la longue durée. Modèle de l’indépendance s’appuie sur les théories des années 60 de critique la courbe de Phillips et de l’incohérence temporelle. Remise en cause de la courbe de Phillips (Friedman, 1968) met fin à l’arbitrage inflation/chômage et justifie l’objectif de stabilité des prix. + analyse des cycles dénonce les stratégies opportunistes de politiques monétaires expansionnistes des gouvernements. Le biais inflationniste d’une banque centrale non-indépendante conduirait à affaiblir les politiques économiques en ce que les agents ne trouveraient pas crédible les annonces d’une cible basse d’inflation. Woodford, 2003 : en cas d’indépendance, les agents économiques n’anticipent plus d’interférences entre la conduite de la politique monétaire et le cycle politique, ce qui renforce la crédibilité des banques centrales et donc l’ancrage des anticipations d’inflation. Mais l’action des banques centrales seule ne justifie pas la maîtrise de l’inflation, puisque la désinflation a également été constatée dans des pays ne disposant pas d’institutions monétaires solides et indépendantes (Rogoff, 2003). D’autres vecteurs : - Politique de désindexation des salaires sur les prix, en France en 1983 - DGT, Intégration commerciale internationale et évolution des prix à la consommation en Europe, 2011 : intensification de la concurrence par l’ouverture au commerce mondial a permis une baisse d’inflation de 0 à 0,25% /an depuis 2000 - Effets incitatifs de la mondialisation financière en imposant une meilleure discipline au marché B/ Face aux limites des outils traditionnels, les banques centrales ont mobilisé des outils non conventionnels, qui ont permis de dépasser la contrainte du taux zéro : Avec des taux directeurs proche de zéro, la politique monétaire conventionnelle a été mise en échec. On parle d’inefficacité de la politique de taux d’intérêt à la borne zéro (zero lower bound). Durant la crise de 2008, il aurait en effet fallu un taux directeur négatif // Pour R. Hall, 2013 : le taux d’intérêt réel qui équilibre les marchés des biens et des services aux USA était en 2008-2009 de -4%. Comme on avait un taux directeur à 0,1%, une inflation à 1,8%, le taux réel était de -1,7%, soit bien au-dessus du niveau d’équilibre. La politique monétaire se trouvait de facto très restrictive, en dépit d’un taux directeur très faible. D’où la mise en place d’outils non-conventionnels : - Assouplissement quantitatif pour alimenter le marché interbancaire par l’achat de titres : 1700Mds de titres achetés en 2009 par la FED / politique plus tardive de la BCE - Allongement de la maturité des opérations de refi, baisse de la qualité des collatéraux… - Instauration d’une politique de taux d’intérêt négatifs avec un taux de facilité de dépôt négatif à partir de 2014 pour la BCE FMI, The evidence is in on negative interest rate, 2021 : les effets des taux d’intérêt négatifs ont été bons sur l’assouplissement du financement de l’économie, tandis que les effets défavorables sur la rentabilité des banques ont été limités. La crise de 2008 a été une récession sans déflation grâce aux interventions monétaires mais le risque de déflation a été élevé, notamment en zone euro suite à la crise de la dette souveraine. Alors que l’annonce d’une politique de QE avait entraîné une baisse du taux de change de l’euro, de 1,4$ (2014) à 1,2$ (2018) – ce qui est favorable à l’inflation – le recul de l’inflation s’est renforcé en 2014 à cause de la baisse du cours du pétrole et des matières premières, et le déficit de demande lié au désendettement privé et public. C’est ce que Eggertsson et Krugman (2012) appellent le « paradoxe de la flexibilité » : lorsque l’économie connaît un processus de désendettement, une flexibilité accrue des prix et salaires ne facilite pas la reprise de l’activité économique, mais décuple au contraire les effets récessifs, en comprimant la consommation, entraînant une nouvelle hausse du chômage et une baisse des prix. La déflation n’accroît pas la demande, mais élève la valeur réelle de la dette et réduit la dépense des débiteurs. La politique de dévaluation interne laisse donc la dette inchangée et réduit les revenus. C’est ce que les pays « périphériques » ou du sud de la zone euro ont connu. Raison pour laquelle Krugman plaide pour une politique néo-keynésienne. Bien que l’inflation y demeure plus faible qu’avant-crise, les USA ont connu une brève phase de reflation à partir de 2016, entraînant une normalisation de la politique de la FED… La crise sanitaire a nécessité l’intervention massive de toutes les banques centrales qui ont acheté la vaste majorité des titres de dette émis par les Etats. Les effets de la crise économique et l’hystérèse devraient réduire la pression à la hausse sur l’inflation pendant quelques années… Mais les effets de long terme sur les facteurs structurels sont plus nuancés, et dépendront des effets d’internationalisation et de l’évolution démographique, non nécessairement déflationniste (Goodhart, Pradhan, 2020). C/ Ces politiques non conventionnelle ne sont pas sans risques pour la stabilité financière : La variation de la politique de la FED génère des externalités fortes pour les pays émergents. Les faibles taux et le QE ont injecté une grande quantité de capitaux dans les pays émergents, créant une pression haussière sur les taux de change. Avec la fin du QE américain en octobre 2014, les pays émergents ont connu une forte sortie de capitaux, une dépréciation des taux de change, entraînant un resserrement monétaire (ex. Brésil) défavorable à la croissance. BRI, Borio et Zabai, Unconventional monetary policies, 2016 : les politiques accommodantes de type « helicopter money » ont tendance à prolonger les phases de croissance faibles en retardant le nettoyage des bilans bancaires et en entretenant des crédits improductifs. D’autre part, cet excès de liquidité favorise le canal de la prise de risque : l’augmentation de la masse monétaire sans préjudice pour l’inflation signifie que des bulles financières sont en formation (cf. 2008) ! Borio rejette ainsi l’hypothèse de Schwartz selon laquelle la stabilité des prix renforce la stabilité financière ! Pour Borio, qui plus est, une politique de financement monétaire n’a d’intérêt que si le taux d’intérêt est nul, ce qui implique qu’une nouvelle phase d’expansion monétaire aurait un effet additionnel limité et qu’une telle politique requiert d’abandonner la politique conventionnelle de modification des taux d’intérêt. L’environnement de taux bas voire négatifs crée une pression sur la rentabilité des banques et assurances, dont certains ont commercialisé des contrats à taux garantis, et qui ont une marge nette d’intérêt très faible. Cela est compensé par la baisse des coûts de financement bancaire, la hausse des volumes de crédits, les profits sur les opérations obligataires liées aux achats d’actifs, et surtout l’amélioration de la situation conjoncturelle qui réduit les risques de défaut. Les effets néfastes du maintien de taux négatifs peuvent être durables (Brunnermeier et Koby, the reversal interest rate, 2017) : il existe un taux d’intérêt reversal, en-deçà duquel une baisse marginal des taux d’intérêt à un impact sur la rentabilité financière plus dommageable que n’est bénéfique l’effet stimulus. Ce taux dépend de la nature de l’actif et des taux appliqués. Il serait ainsi le taux minimum effectif. En ce sens, certains évoquent un taux d’intérêt reversal sur le plan macroéconomique (Banque centrale des Pays-Bas, DNB, Macroeconomic reversal rate, 2020). II/ Théories A/ La création monétaire et la demande de monnaie : La banque centrale peut contrôler la monnaie centrale en circulation. En achetant des titres, elle augmente la taille de son bilan et la masse de monnaie centrale en circulation ; en vendant des titres, elle la réduit. A la suite d’une augmentation de la quantité de monnaie centrale en circulation, se met en place l’effet multiplicateur du crédit bancaire : une banque peut accorder un montant de prêts excédentaires correspondant au montant de ses réserves excédentaires. Les banques commerciales contrôlent ainsi de facto le création de monnaie, dans la limite des réserves obligatoires exigées par la réglementation. La théorie quantitative de la monnaie indexe la masse monétaire (M) sur l’inflation et réciproquement. L’approche keynésienne affirme, elle, que la monnaie n’est pas qu’un intermédiaire des échanges, mais une réserve de valeurs : le taux d’intérêt va exercer une influence forte la demande de monnaie, puisque la détention de monnaie sera justifiée si son rendement anticipé est supérieur à celui des titres. M. Friedman a développé une vision monétariste nuançant le rôle du pilotage par les taux d’intérêt. Il va considérer uploads/Finance/ pe-politique-monetaire 1 .pdf
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- Publié le Nov 27, 2022
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