Secteur privé et développement humain au Maroc 1956 – 2005 MOHAMED SAÏD SAÂDI R

Secteur privé et développement humain au Maroc 1956 – 2005 MOHAMED SAÏD SAÂDI Résumé analytique .............................................................................................383 Introduction .........................................................................................................386 1. Le pari non tenu de la promotion par l’état d’une classe d’entrepreneurs shumpéteriens (1960-1982) ............................................387 1.1. L’état, promoteur du secteur privé marocain .......................................388 1.1.1. Un système varié d’incitations industrielles ...............................388 1.1.2. L’accès aux commandes publiques (7) ........................................388 1.1.3. La politique du crédit .......................................................................389 1.1.4. La politique des bas salaires .........................................................389 1.1.5. La marocanisation et le processus d’association – substitution du capital local au capital étranger........................389 1.2. Faible impact du secteur privé sur le développement (12) ................390 1.2.1. Les groupes économiques, noyau du secteur privé marocain ................................................................................390 1.2.2. Faible impact du secteur privé marocain sur le développement humain .............................................................393 2. Le secteur privé à la recherche d’un second souffle : réformes économiques et dynamisme entrepreneurial (1983-2005) ........................................................................................................395 2.1. Les réformes nécessaires sont mises en place ..................................396 2.1.1. Stabilisation macro-économique réussie ....................................397 2.1.2. Une libéralisation poussée des échanges extérieurs ...............397 2.1.3. Une déréglementation en voie d’extension .................................397 2.1.4. Un programme de privatisation en progression .........................397 2.1.5. Une flexibilité relative du taux de change ...................................397 2.1.6. Une amélioration relative de l’environnement juridique et financier de l’entreprise............................................398 381 gt3-6 381 25/01/06, 10:27:53 2.1.7. Une approche plus volontaire de la problématique de l’investissement privé ...............................................................398 2.2. Le comportement économique du secteur privé durant la période post-interventionniste ...........................................................399 2.2.1. Les stratégies différenciées des groupes privés marocains : voice, exit et financiarisation ..................................399 2.2.2. Une attractivité en amélioration, mais qui reste insuffisante ......................................................................................401 2.2.3. Des petits et moyennes entreprises fortement menacées par le nouveau contexte concurrentiel .....................403 2.3. Des résultats décevants en matière de développement humain ........................................................................................................407 2.3.1. Une croissance économique lente et volatile ............................408 2.3.2. Une faible croissance de la productivité ....................................408 2.3.3. Des problèmes persistants de compétitivité internationale .....................................................................................408 2.3.4.Des performances modestes en matières de développement humain (59).............................................................408 Conclusion de la deuxième partie .......................................................................409 Quelque perspectives en guise de conclusion .................................................410 Bibliographie ..........................................................................................................412 382 gt3-6 382 25/01/06, 10:27:54 383 Resumé analytique 1. Au Maroc, les choix socio-politiques et économiques retenus au début des années soixante vont placer le secteur privé et l’impératif de sa promotion au centre des préoccupations des décideurs publics qui estiment que le développement est tributaire de l’émergence d’une classe d’entrepreneurs et de ges- tionnaires compétents et de l’édification d’institutions appropriées. Ce choix ne se démentira pas tout au long des cinquante dernières années, même si les politiques et les moyens mobilisés à cette fin vont connaître des changements et des inflexions majeurs. De ce point de vue, on peut distinguer deux gran- des périodes s’étalant pour la première de 1960-62 à 1982 et, pour la seconde, de 1983 à 2005. L’élé- ment de discrimination majeur entre ces deux périodes réside dans le passage d’une politique interventionniste visant à créer les conditions d’émergence d’une classe d’entrepreneurs schumpéte- riens à une démarche plus libérale ou l’objectif est le retrait de l’État de la sphère économique, à travers la déréglementation, la libéralisation et la privatisation, au profit du secteur privé. Le rapport s’articule autour de ces deux périodes; il cherche à montrer à travers l’analyse des différentes mécanismes de promotion et du comportement économique du secteur privé que ce dernier n’a pas réussi à jouer le rôle de locomotive du développement humain. En conclusion, vue brève analyse prospective des scénarios d’évolution du secteur privé au Maroc est esquissée. 2. L’État marocain a joué tout au long de la période 1960-1982 le rôle de promoteur du secteur privé. Une politique multidimensionnelle a été déployée à cet effet, notamment un système varié d’incitations industrielles, l’accès aux commandes publiques, un traitement préférentiel en matière de crédit, l’adop- tion d’une politique de bas salaires, et le transfert d d’une partie du patrimoine économique et financier détenu par le capital étranger au secteur privé local dans le cadre de la politique de marocanisation. 3. Cette politique de promotion multiforme a permis au secteur privé marocain de renforcer les positions qu’il occupait au sein de l’économie nationale. Du fait de l’accès privilégié administratif de l’État, de la proximité du pouvoir politique et de la création de liens de coopération et de solidarité avec les diri- geants économiques étrangers, ce sont les grandes familles commerçantes et certaines propriétaires fonciers qui en ont le plus profité. De ce fait, la configuration du secteur privé va être dominé par le grand capital aux dépens des petites et moyennes entreprises familiales. Dans sa forme avancée, ce secteur sera organisé sous forme de groupes économiques animés par une ou plusieurs familles formant une coalition d’intérêt aux activités diversifiées (industrie, finance, immobilier, commerce, bâtiment et travaux publics, etc.). L’autre forme de structuration du secteur privé marocain est constitué par l’entreprise personnelle et familiale indépendante. Bien que doté d’importants atouts-flexibilité, plus grande motivation du travail du propriétaire-dirigeant –, ce type d’entreprises voit sa croissance forte- ment entravée par une structure financière fragile et un mode de gestion « familiste ». 4. Le comportement économique rentier du secteur privé s’est traduit par une faible contribution à la croissance économique, qui est restée modeste, (2,3 % entre 1960 et 1966, 3,5 % pour le plan triennal 384 1965-67, 4,3 % entre 1968 et 1972 et de 6,8 % durant le quinquennat 1973-77); et par des effets néga- tifs sur l’allocation des ressources et les prix. Plusieurs facteurs expliquent le faible dynamisme du sec- teur privé, notamment la structure sectorielle des taux de profit favorable aux placements à caractère spéculatif, l’étroitesse du marché intérieur, le risque socio-économique, etc. Les faibles performances du secteur privé en matière de développement humain sont attestées par la dégradation des secteurs sociaux (chômage et sous-emploi, déficit de logement, faible taux de scolarisation, médiocrité des services de santé...). 5. Les limites du modèle interventionniste de promotion du secteur privé ainsi que les changements struc- turels à l’échelle de l’économie mondiale se sont traduites par de profondes modifications dans les stra- tégies de développement et les politiques économiques poursuivies par les pays du Sud. Dans ce cadre, le Maroc a initié depuis 1983 une série de réformes économiques de grande ampleur destinées à édifier une économie de marche compétitive et tirée à la fois par l’exportation et le secteur privé, natio- nal et étranger. Les réformes ont porté, entre autres, sur la stabilisation du cadre macro-économique, la libéralisation des échanges extérieurs, la déréglementation des prix et des monopoles d’État, la flexibi- lité des taux de change, l’amélioration de l’environnement juridique et financier de l’entreprise et une approche plus volontaire de la problématique de l’investissement privé. 6. Face à ce nouvel environnement, le secteur privé a développé des stratégies différenciées. Certains groupes privés marocains ont opté pour une trajectoire stratégique combinant renforcement des posi- tions acquises et diversification « tous azimuts » (cas le l’Omnium nord-africain). D’autres groupes se sont redéployés vers le secteur bancaire et financier, délaissant les secteurs ou ils évoluèrent aupara- vant (cas de groupes Sopar et Finance.com). Enfin, une troisième catégorie de groupes a tout simple- ment cédé ses intérêts à des acteurs économiques plus puissants. L’amélioration relative de l’attractivité du Maroc s’est traduite un afflux d’IDE « investissement directs étrangers ») dont le stock est passé de 400 millions $ à 900 millions $ en 1990 et 5,8 milliard $ en 2000. Ces investissements se sont orientés principalement vers l’industrie manufacturière, les banques, les holdings et les télécommunications. Les petites et moyennes entreprises sont fortement menacées par le contexte concurrentiel. Certes, une nouvelle vague d’entrepreneurs semble avoir vu le jour à la faveur des opportunités offertes par l’accès quasi-libre au marché européen (industrie du prêt à porter). Toutefois ce dynamisme « entrepreneurial » reste fortement contraint par les faiblesses internes aux PME (gestion « familiste » à court terme, sous capitalisa- tion, sous-encadrement et manque de transparence financière), l’érosion des avantages compétitifs tradition- nels (apparition de pays concurrents ou les coûts salariaux sont plus bas) et de grandes faiblesses en matière de qualité et d’innovation. C’est dire que le processus de mise à niveau des entreprises marocaines pour faire face aux défis de la mondialisation et du libre échange accuse beaucoup de retard. 7. Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que la contribution du secteur privé au développement humain reste limitée. Ainsi la croissance du PIB reste lente et volatile, la productivité a tendance à bais- ser, les taux d’épargne et d’investissement sont insuffisants et le chômage est élevé, surtout en milieu urbain. 8. Une brève analyse prospective de l’évolution du secteur privé à l’avenir permet de dégager trois scéna- rios possibles. Un premier scénario consiste à poursuivre les réformes structurelles consolidant le modèle néo-libéral de gouvernance de l’entreprise dans l’espoir que la création de valeur pour l’action- naire permettra d’optimiser l’impact escompté en matière de développement humain. Le déclenche- ment de la de la crise asiatique, les taux de croissance décevants du continuent sud-américain – région 385 ou les réformes libérales ont été les plus importantes, la catastrophe argentine ou encore l’insuffisance des résultats économiques des pays les moins avancés ont montré clairement les limites d’un tel modèle. Un deuxième scénario consiste uploads/Finance/ secteur-prive-et-developpement-humain-au.pdf

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  • Publié le Apv 15, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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