Support de Cours d’Histoire de la Pensée Economique Dr Guillaume KOUASSI, Econo
Support de Cours d’Histoire de la Pensée Economique Dr Guillaume KOUASSI, Economiste, Enseignant-chercheur à l’Université Alassane Ouattara saintjomo@yahoo.fr / 09578681 Introduction générale Le terme « économie » désigne aujourd’hui en français à la fois un comportement individuel de gestion de ressources et un système de relations sociales les mettant en valeur. Cela résulte d’un processus historique, qui a combiné au long des siècles trois acteurs (la famille, l’Etat et le marchand), trois représentations (la nature, l’art et la science), trois champs (la morale sociale, les pratiques concrètes et la théorie pure). C’est dans la famille que l’économie apparaît chez les anciens Grecs, comme en témoigne l’étymologie du mot (de oikos, maison, et nomos, loi) : l’économie domestique porte sur les règles d’administration de la maison ou du domaine. Dès cette époque se pose la question de la similitude des règles s’appliquant à la famille (l’économique) et à la Cité (le politique). Si Platon les réunit, Aristote les distingue nettement : l’autorité du maître s’exerce sur des enfants ou des esclaves, et celle de l’homme d’État sur des hommes libres et égaux. En tant qu’elles concernent un mode d’acquisition, cependant, l’économie domestique et le gouvernement de la cité ont en commun selon Aristote d’être conformes à la nature ; s’y oppose le commerce orienté par le marchand vers l’enrichissement monétaire, à proprement parler contre nature. Les deux formes naturelles d’acquisition relevant de l’économique et du politique sont alors conformes à la morale sociale et s’opposent ensemble à « l’art d’acquisition », ces pratiques concrètes du marchand qui menacent et la famille et la cité. La constitution de l’État moderne et l’émancipation de la philosophie politique par rapport à une pensée scolastique influencée par Aristote conduisent vers la fin du XVIe siècle à l’émergence d’une « économie politique » qui justifie la continuité entre l’économie domestique et l’administration économique de l’État (aussi appelée « économie publique »). Le terme « économie politique » apparaît en 1615 dans le titre d’un traité d’Antoine de Montchrétien. Cette absorption de l’État par l’économie suscitera certes des résistances, mais elle s’impose d’autant plus au XVIIe siècle et dans la première moitié du XVIIIe siècle que les idées 1 économiques alors dominantes réhabilitent le marchand aux côtés de la famille et de l’État. C’est en effet à travers la relation entre le prince et les marchands que le mercantilisme pose la question de la richesse d’une nation. L’économie politique devient ainsi avec le mercantilisme une branche de l’art du gouvernement. Une dimension nouvelle de l’économie apparaît dans les années 1760, annoncée auparavant par Cantillon : la reconnaissance de l’économie politique comme science. À côté de l’expression habituelle, on trouve chez les Physiocrates français les termes « économie générale » et « science économique ». Leur chef de file François Quesnay écrit en 1765 à propos des rapports entre la législation et cette science de « l’ordre naturel des sociétés » : « La législation positive consiste donc dans la déclaration des lois naturelles, constitutives de l’ordre évidemment le plus avantageux possible aux hommes réunis en société […] Il n’y a que la connaissance de ces lois suprêmes qui puisse assurer constamment la tranquillité et la prospérité d’un empire ; et plus une nation s’appliquera à cette science, plus l’ordre naturel dominera chez elle, et plus l’ordre positif y sera régulier […] » (Quesnay, 1765). Cette approche nouvelle de l’économie politique, définie comme l’étude de la production, de la répartition et de la consommation des richesses dans une société, apporte avec elle deux caractéristiques qui nourriront ensuite les débats d’idées entre économistes. En premier lieu, la science économique vise à établir des principes, entendus, non pas comme des recommandations pratiques dans l’art d’administrer la maison ou l’État, mais comme des lois scientifiques de fonctionnement d’un système. Si l’économie politique est une science, la question de son rapport avec la morale sociale et avec l’art doit être repensée. La position soutenue à l’extrême fin du XVIIIe siècle par Jeremy Bentham exprime un point de vue qui restera dominant chez les économistes jusqu’au milieu du XXe siècle : « L’économie politique peut être considérée comme une science ou un art. Mais dans ce cas, comme dans d’autres, c’est seulement en tant que guide pour l’art que la science est utilisable. L’économie politique, considérée comme un art susceptible d’être exercé par ceux qui ont entre les mains le gouvernement d’une nation, est l’art consistant à diriger l’industrie nationale pour des fins vers lesquelles elle peut l’être avec le plus grand avantage. » (Bentham, 1793). C’est une vision à la fois morale et pragmatique : le rôle des énoncés scientifiques en économie est d’éclairer les moyens de concilier des intérêts divers en vue d’accroître le bien- être collectif. Certes il peut être utile pour cela d’analyser les caractéristiques du comportement de l’individu dans la poursuite de son propre intérêt, mais cette étude ne se 2 justifie que dans la mesure où elle contribue à une meilleure connaissance des forces à l’śuvre dans la société et des conditions requises pour leur harmonisation : l’économie reste politique, a fortiori lorsque sa critique par Marx affirme le primat des classes sur l’individu et de l’opposition des intérêts sur leur harmonie. La « révolution marginaliste » des années 1870 modifie cette approche en faisant émerger un concept qui transcende en un comportement unifié tous les particularismes des acteurs de l’économie : celui d’agent économique. Cependant, l’économie politique anglaise, dont Alfred Marshall incarne la domination dans la discipline jusque dans les années 1920, perpétue la subordination de la science à l’art, et par là à la morale sociale. Isolé dans ce mouvement marginaliste, Léon Walras conteste cette hiérarchie et propose une trilogie découlant de sa définition de la « richesse sociale » comme « l’ensemble des choses rares, c’est-à-dire utiles et en quantité limitée » (Walras, 1874). Puisque leur rareté rend ces choses « appropriables », « échangeables » et « multipliables », l’économie politique peut être divisée en trois domaines distincts : la théorie de la propriété et de la justice, ou économie sociale ; la théorie positive de la valeur d’échange, ou économie pure ; la théorie de l’organisation de la production, ou économie appliquée. Les rapports entre ces trois domaines sont ainsi décrits par Walras : « Il y a une économie politique pure qui doit précéder l’économie politique appliquée, et cette économie politique pure est une science tout à fait semblable aux sciences physicomathématiques. […] À la rigueur, ce serait le droit du savant de faire de la science pour la science, comme c’est le droit du géomètre (et il en use tous les jours) d’étudier. Les propriétés les plus singulières de la figure la plus bizarre, si elles sont curieuses. Mais on verra que ces vérités d’économie politique pure fourniront la solution des problèmes les plus importants, les plus débattus et les moins éclaircis d’économie politique appliquée et d’économie sociale. » (Walras, 1874). La science économique est difficile à définir. Cela tient, sans doute, à ce qu'elle est beaucoup plus jeune que les autres sciences. Elle fait partie de l'ensemble des sciences sociales qu'on pourrait appeler sociologie, science qui elle-même n'est pas aisée à circonscrire avec précision. La science est savoir, c'est-à-dire connaissance. La science économique est loin d'être une science exacte, tant les divisions des économistes sont notoires et tant leurs prévisions font l'objet de contestations et de révisions. Par ailleurs, si la science économique évolue, on ne peut guère la créditer de découvertes majeures au cours de ces dernières années. La définition contemporaine de la science économique est la suivante : « L’économie est la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre les fins et les moyens 3 rares à usages alternatifs. » (Lionel Robbins, La nature et la signification de la science économique, 1932,). • Les débats fondamentaux qui la traversent (science économique) sont : o « D’un côté il y a ceux qui croient qu’à long terme le système économique s’ajuste tout seul, non sans grincements, gémissements et saccades, ni sans être interrompu par des contretemps, des interférences extérieures et des erreurs… o De l’autre, il y a ceux qui rejettent l’idée que le système économique puisse sérieusement s’ajuster tout seul. » (John Maynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936). • Et l’importance de l’enseigner historiquement réside dans le fait que : « Il est de fait que les erreurs fondamentales qu’on commet aujourd’hui en analyse économique sont plus souvent dues à un manque d’expérience historique qu’à toute autre lacune de la formation des économistes. » (Joseph Schumpeter, Histoire de l’analyse économique, 1954). Cette multiplicité de définitions de la science économique a été la conséquence de la diversité des courants de pensée économique à travers le temps. « Depuis l’antiquité, des réflexions économiques sont apparues d’abord en Grèce antique puis en Chine antique, là où une production marchande et une économie semblent avoir été développées en premier. Depuis 1800, différentes écoles de pensée économique se sont succédées : uploads/Finance/ support-de-cours-hpe-dr-kouassi-uicf.pdf
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- Publié le Jan 20, 2021
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