Chap 18 – Etat-providence et protection sociale L’Etat-providence (E. Ollivier,

Chap 18 – Etat-providence et protection sociale L’Etat-providence (E. Ollivier, 1864) remplit les 3 fonctions de l’Etat que nous décrit R. Musgrave dans La Théorie des finances publiques (1959). Il se définit comme l’ensemble des interventions de l’Etat au-delà des fonctions régaliennes, visant à redistribuer les richesses et à assurer la protection sociale. L’idée est tout à la fois de soutenir la demande globale, d’assurer une justice sociale, et de maintenir une cohésion sociale. Toutefois, un tel Etat social coûte cher, et il est aujourd’hui remis en cause. Mais ne doit-on pas plutôt considérer que « le génie de l’Etat-providence ne doit pas être dénigré pour ce qu’il coûte, mais protégé pour ce qu’il rapporte » ? (E. Laurent, Le bel avenir de l’Etat-providence, 2014) I- Avant l’Etat-providence : A) Les premières formes d’aides aux indigents : -Société précapitaliste : aide assurée par une « solidarité mécanique » (E. Durkheim, De la division du travail social, 1893) comme corporations ou associations d’entraide -Poor Laws (1601) puis loi de Speenhamland (1795) à la suite de la croissance démographique et de la paupérisation croissante. Mais critiques de Malthus (entretien de la pauvreté et de l’assistance, favorise la paresse, freine le développement de l’industrie). Polanyi (1944) : la loi empêche marché du travail B) Industrialisation et question sociale : L’industrialisation accroit énormément les inégalités et sécrète une pauvreté de masse, ce qui fait gronder les masses populaires qui tendent à hisser le pavillon de l’insurrection. C’est la « question sociale ». La peur des « classes dangereuses » (L. Chevalier, 1958) est grande mais les mesures dérisoires. Mais cela évolue petit à petit : âge minimum travail enfants 8ans (21 mars 1841), Caisses pour la retraite et les accidents (1868), inspection du travail (1874), HBM (1894). C) La naissance de l’Etat-providence ? -Allemagne : Craignant la montée du SPD et voulant mettre la classe ouvrière de son côté, Bismarck se fait le précurseur d’un véritable système de protection sociale reposant sur une logique assurantielle, cad payé par les cotisations des travailleurs : assurance-maladie (15 juin 1883), loi sur les accidents du travail (6 juillet 1884), assurance vieillesse et invalidité (22 juin 1889). -France : on s’inspire du solidarisme de L. Bourgeois (Solidarité, 1896). On est entre l’assurance et l’assistance. Assurance avec la loi sur les accidents du travail (1898), assistance avec l’assistance médicale gratuite (1893), l’assistance aux vieillards et infirmes (1905), l’assistance aux familles nombreuses (1913). -RU et USA : Old Ages Pension Act (1908) pour les vieillards indigents (assistance) puis assurance chômage et maladie pour les ouvriers agricoles (National Insurance Act, 1911). Aux USA, Social Security Act (1935) sous F-D Roosevelt (assurance pour les retraites et assistance provisoire) II- La naissance de l’Etat-providence dans le monde occidental : Remise en cause des dogmes libéraux : seul l’Etat « est en mesure de rétablir les équilibres fondamentaux » (J-M Keynes). Idée de Beveridge était de maintenir la demande (« loi psychologique fondamentale » de Keynes). Le cercle vertueux de la demande se met en place, la redistribution étant alimentée par la rétroaction positive. La hausse des salaires exige des efforts permanents cad des investissements de capacité, donc progrès technique, donc déversement vers le tertiaire. Cela permet la stabilité et la réduction des inégalités. A) Rapport Beveridge et naissance du welfare state : -Le Rapport Beveridge (« Social Insurance and Allied Services », 1942) vise à créer un système universel de protection sociale financé par l’impôt, cad la solidarité collective de la société. -Au RU, mise en place du welfare state. Aux USA aussi avec la Great Society sous L-B Johnson (Medicare en 1965, Medicaid en 1967). Les pays scandinaves encore plus, avec des services publics largement gratuits (donc forts impôts). En France, P. Laroque (4 octobre 1945), conserve logique assurantielle bismarckienne (cotisations sociales des travailleurs) : SMIG (1950), minimum vieillesse et 3 semaines de congés payés (1956), assurance-chômage (1958), SMIC (1970), 5 semaines de congés payés (1982), RMI (1988), couverture maladie universelle (CMU, 1999). B) Les 3 mondes de l’Etat-providence (G. Esping-Andersen) : 3 idéal-types selon le degré de « démarchandisation » (Les trois mondes de l’Etat-providence, 1990) cad la capacité à vivre décemment sans travailler. Libéral (assistance) : faible Corporatiste (assurance) : moyenne Social-démocrate (universaliste) : fort III- La crise de l’Etat-providence : A) La contre-attaque libérale lors de l’âge d’or de la protection sociale : -Hayek, La route de la servitude (1944) : la négation des libertés économiques et de la « catallaxie » au nom d’une finalité prétendument vertueuse conduit à la servitude -Friedman, Capitalisme et liberté (1962) : réduction rôle l’Etat obligatoire pour atteindre la liberté économique et politique. Thatcher séduite, opte pour « une prise en main par chaque individu de sa situation » via le workfare. -Gilder, Richesse et pauvreté (1980) : chômeur assisté, trappe à inactivité B) La « crise de l’Etat-providence » (P. Rosanvallon, 1981) : -Solvabilité : Santé (besoins croissants) Dépenses pour le chômage (allocations puis assistance) Retraites (évolution démographique + allongement espérance de vie + développement préretraites) -Efficacité : Redistribution horizontale et verticale en question car inégalités se creusent Inefficacité des dépenses publiques comme relance par la demande Dilemme de la fiscalité et des évasions (ex : affaire HSBC, 2014) -Légitimité : Solidarité pointée (« déchirement du voile d’ignorance », P. Rosanvallon, La nouvelle question sociale, 1995) en raison d’inégalités de plus en plus transversales et individualisées Ex : Sida Les aides sociales (revenu minimum, allocations) maintiennent le travailleur dans des « trappes à inactivité ». Reagan et Thatcher préconiseront alors « l’Etat-minimal » L’Etat vise avant tout son réélectorat (Public Choice) C) Des réformes sont nécessaires : -Fiscal : pour éviter les fuites fiscales et le risque de concurrence sociale des territoires (qui limitent la capacité de financement de la protection sociale quand elle repose sur une logique bismarckienne), on pense à la TVA sociale, au « pacte de responsabilité et de solidarité » (F. Hollande, 31 décembre 2013), à un système européen de protection sociale (Piketty), à un impôt mondial (Piketty). -Systèmes de retraite et santé : âge du départ à la retraite, durée de cotisation, assiette des cotisations, incitation à la prise de médicaments génériques (ONDAM, 1997) -Nouvelle conception du social : Workfare (impôt négatif, Friedman) : Earned Income Tax Credit (1975), Working Tax Credit (1986), prime pour l’emploi (2001) Préférer des dépenses actives en investissant dans le capital humain et social (P. Aghion et A. Roulet, Repenser l’Etat, 2011) avec un accompagnement vers l’emploi comme dans la flexicurité, l’investissement dans les services (crèches,..) Conclusion : Dans l’introduction de son ouvrage, E. Laurent écrit : « déboussolée par sept années d’une crise qu’elle n’a pas vu venir, ni su contenir, l’Europe est sur le point de commettre une faute historique : démanteler l’Etat- providence » (Le bel avenir de l’Etat-providence, 2014). Supprimer la protection sociale, ce serait aller à rebours de l’histoire ; et le monde entier nous envie. Il faut cependant que cet Etat social s’adapte à son environnement économique : conçu à la base pour protéger les ouvriers industriels peu qualifiés, il est aujourd’hui mal adapté pour protéger des parcours professionnels plus « hachés », mobiles, précaires, typiques de la nouvelle économie. Il faut donc cesser les rafistolages « infirmiers » et le tourner vers le long terme, l’orienter vers les services et l’économie de la connaissance, en axant les réformes sur les enfants (leçon 1) et les femmes (ce qui suppose le développement de services sociaux, leçon 2) pour acquérir les compétences cognitives nécessaires aux activités de pointe d’aujourd’hui et augmenter le taux d’emploi féminin afin in fine de dégager des ressources plus importantes pour payer les retraites (G. Esping Andersen, Trois leçons sur l’Etat-providence, 2008). Chiffres : -En 1840 en France, les dépenses sociales ne représentent que 0,3% du RNB, et ce sont principalement des hôpitaux et des « Bureaux de Bienfaisance » -L’assurance vieillesse et invalidité de Bismarck ouvre droit à une retraite à l’âge de 70ans après 30ans de cotisations, alors même que 6/500 ouvriers parvenaient à l’âge de 70ans à l’époque -Le système de protection sociale représente environ 630 milliards d’euros chaque année, cad plus de 30% du PIB Citations : -« Le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production et d’appropriation. Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables » (K. Marx, Le manifeste du parti communiste, chap 1, « Bourgeois et prolétaires », 1848). -« Messieurs les démocrates joueront vainement de la flûte lorsque le peuple s’apercevra que les principes se préoccupent de son bien-être » (O. von Bismarck, Mémoires) -Le Rapport Beveridge (1942) « fonde les obligations d’un Etat vis-à-vis de la société, afin de lutter contre les 5 fléaux de l’humanité que sont la maladie, l’ignorance, la dépendance, la déchéance et le taudis ». Théories : -Loi de Wagner : « plus la société se civilise et plus l’Etat devient dispendieux » uploads/Finance/ synthe-se-chap-18.pdf

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  • Publié le Oct 04, 2022
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