1 Moussa THIOYE – Droit des affaires Chapitre II- Le statut des commerçants Sec
1 Moussa THIOYE – Droit des affaires Chapitre II- Le statut des commerçants Section 1- Les conditions d’accès à la profession commerciale Si toute personne remplissant les critères évoqués dans le chapitre précédent mérite la qualification de commerçant, elle ne peut toutefois prétendre à la qualité de commerçant de droit (et, donc, éviter, celle plus dangereuse de commerçant de fait puisqu’elle ne génère que des obligations), qu’à condition d’exercer régulièrement son activité. Or, le principe de liberté du commerce (voir infra) n’est pas absolu, car il connaît des restrictions. Sous-section 1- Les restrictions à la liberté commerciale relatives à la protection des incapables Le principe est que toute personne âgée de 18 ans accomplis peut devenir commerçante. A contrario, les incapables en sont les premiers exclus. § 1- Les mineurs A- Mineurs émancipés Hier. L’article 413-8 du Code civil et l’article L. 121-2 du C. commerce (ancien article 2) disposaient que le mineur1, même émancipé, ne pouvait être commerçant (l’émancipation met fin à l’incapacité civile du mineur, non à l’incapacité commerciale qui demeure). Il était incapable d’exercer le commerce ainsi d’ailleurs que de faire des actes de commerce isolés (ceux qui étaient exercés étaient nuls de nullité relative). C’était une incapacité de jouissance, ce qui veut dire que le représentant légal du mineur ne pouvait faire le commerce au nom et pour le compte de celui-ci (C. civ., art. 509, 3°. Cette restriction pouvait être très embarrassante quand un commerçant décédait en laissant des héritiers mineurs souhaitant continuer l’exploitation (ne souhaitant pas vendre le fonds). Deux voies s’ouvraient alors : ou bien la mise en location-gérance du fonds de commerce, ou bien son apport à une société dans laquelle les associés n’ont pas la qualité de commerçant (SA, SARL, SAS). Le mineur pouvait aussi être associé commanditaire (sorte de bailleur de fonds) dans une société en commandité simple ou par actions. En revanche, il lui était interdit d’être associé dans une SNC ou commandité (sorte d’entrepreneur qui prend des risques) dans une société en commandite. 1 « Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis » (article 388 du Code civil). 2 Moussa THIOYE – Droit des affaires Aujourd’hui. Depuis la réforme opérée par l’article 2 de la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, l’article 413-8 du Code civil et l’article L. 121-2 du Code de commerce disposent que « le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation du juge des tutelles (sic) au moment de la décision d'émancipation et du président du tribunal de grande instance (tribunal judiciaire2) s'il formule cette demande après avoir été émancipé ». B- Mineurs non émancipés Avec la réforme opérée par l’article 2 de la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, ni l’article 413-8 du Code civil, ni l’article L. 121-2 du Code de commerce n’interdisent expressément au mineur non émancipé d’exercer le commerce. Ces textes se contentent, en effet, de lever l’incapacité concernant les mineurs émancipés pour la remplacer par une autorisation sous condition. Il n’y a, en revanche, aucune référence aux mineurs non émancipés alors que les textes, dans leur ancienne rédaction, visaient « le mineur, même émancipé ». Devrait-on, pour autant, en déduire que les mineurs non émancipés peuvent, eux, être commerçants aujourd’hui ? Une réponse négative s’impose, de toute évidence, par application des textes du Code civil, quel que soit le système de protection (administration légale ou tutelle) : un mineur non émancipé ne peut agir que sur représentation (articles 389-3 et 408 du Code civil) et, en outre, « le tuteur ne peut, même avec une autorisation : (…) exercer le commerce (…) au nom de la personne protégée » (article 509, 3°, du Code civil) ; or, l’administrateur légal d’un mineur (qu’il s’agisse d’une administration légale simple ou sous contrôle judiciaire), n’a pas plus de pouvoir qu’un tuteur ; donc, il ne peut pas exercer le commerce au nom du mineur. On peut ajouter à cela qu’une interprétation a fortiori des dispositions de l’article L. 121-2 plaident, sans coup férir, pour l’incapacité commerciale du mineur non émancipé: un mineur émancipé ne peut être commerçant que sous condition (simple tolérance) et, partant, un mineur non émancipé, dont l’incapacité civile demeure pleinement, ne pourrait tout bonnement pas l’être. Conclusion indiscutable : le mineur non émancipé demeure frappé d’une incapacité d’exercer le commerce. Il faut, cela dit, relativiser cette position en notant les dispositions de l’article 389-8 et 401, al. 4, du Code civil : « Un mineur âgé de seize ans révolus (condition d’âge ajoutée par la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012) peut être autorisé, par son ou ses administrateurs légaux, à accomplir seul les actes d'administration nécessaires à la création et la gestion d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d'une société 2 L'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est venu remplacer les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance par les tribunaux judiciaires. 3 Moussa THIOYE – Droit des affaires unipersonnelle. Les actes de disposition ne peuvent être effectués que par son ou ses représentants légaux. L'autorisation visée au premier alinéa revêt la forme d'un acte sous seing privé ou d'un acte notarié et comporte la liste des actes d'administration pouvant être accomplis par le mineur. » (art. 388-1-2 du C. civ.). « Le conseil de famille autorise le mineur âgé de seize ans révolus (condition d’âge ajoutée par la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012) à accomplir seul les actes d'administration nécessaires pour les besoins de la création et de la gestion d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d'une société unipersonnelle. » (art. 401, al. 4, du C. civ.) § 2- Les incapables majeurs Le majeur en tutelle (qui, dans tous les actes de la vie civile, est représenté de manière continue par son tuteur) ne peut être commerçant et personne ne peut l’exercer pour son compte (incapacité de jouissance). S’il était commerçant avant d’être frappé d’incapacité, son fonds de commerce devra être vendu, mis en location-gérance ou apporté à une société dans laquelle les associés n’ont pas la qualité de commerçant (SA, SARL, SAS). Le majeur peut aussi être associé commanditaire (sorte de bailleur de fonds) dans une société en commandite simple ou par actions. En revanche, il lui est interdit d’être associé dans une SNC ou commandité (sorte d’entrepreneur qui prend des risques) dans une société en commandite. Aucun texte n’interdit formellement au majeur en curatelle (qui, ayant besoin d’être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile, doit être assisté de son curateur) d’exercer le commerce. Mais, à défaut d’impossibilité théorique, la plupart des auteurs considèrent qu’il y a impossibilité pratique d’être commerçant en raison de l’inadaptation des règles de la curatelle aux impératifs de la vie des affaires3. En ce qui concerne le placement sous sauvegarde de justice (celui dont 3 V. Cass. 1re civ., avis, 6 déc. 2018, n° 18-70.011 : publié au Bull. civ. ; D. 2019, p. 845, obs. R.L. C. ; L’Hebdo Dr. et Patrimoine, n° 1174, 7 janvier 2019, p. 3 : après avoir indiqué, curieusement, que l'activité d'apporteur d'affaires en agence immobilière sous la forme de la micro-entreprise est de nature commerciale mais qu’ aucune disposition n'interdit à la personne en curatelle d'exercer le commerce dès lors qu’elle est assistée de son curateur pour les actes de disposition, la Cour de cassation indique, non sans contradictions, qu’ « aucun texte n'interdit à une personne en curatelle d'exercer une activité d'apporteur d'affaires en agence immobilière sous le régime de la micro- entreprise » même s’ « il doit être cependant précisé, l'activité d'apporteur d'affaires n'étant pas définie par la loi, que si, à l'occasion de cette activité, l'intéressée prête son concours, même à titre accessoire, à des opérations relatives à l'achat, la vente ou la recherche d'immeubles bâtis ou non bâtis, elle sera soumise à la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ». 4 Moussa THIOYE – Droit des affaires l’altération des facultés mentales nécessite des mesures temporaires ou transitoires de protection), un tel régime s’opposerait, selon certains (contrairement à d’autres), à ce que le majeur concerné puisse se livrer à une activité commerciale (car ses actes pourraient être rescindés pour cause de lésion ou réduits pour excès, ce qui menace la sécurité des transactions). Sous-section 2- Les restrictions d’intérêt général § 1- Les principales variétés de restrictions Souci de police administrative. Il y a des restrictions qui s’attaquent véritablement à la liberté d’entreprendre puisqu’elles participent d’une certaine police administrative et manifestent, toutes, la volonté des pouvoirs publics d’exercer un contrôle sur l’organisation et la marche des professions commerciales. A- Les incompatibilités Dans l’intérêt de la clientèle et, plus généralement, dans l’intérêt public, l’exercice de certaines fonctions ou de certaines professions a été déclaré incompatible avec l’exercice du commerce. C’est ainsi que les fonctionnaires publics uploads/Finance/ thioye-droit-des-affaires-corps-3.pdf
Documents similaires









-
157
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 15, 2021
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.5227MB