Revue Économie, Gestion et Société N°23 février 2020 1 http://revues.imist.ma/?

Revue Économie, Gestion et Société N°23 février 2020 1 http://revues.imist.ma/?journal=REGS ISSN: 2458-6250 DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : UNE APPLICATION DU MODELE PSTR Par Mame Mor SENE Chercheur au Laboratoire d’Analyse, de Recherche et d’Etude du Développement (LARED), Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, Université Cheikh Anta DIOP, Dakar-Sénégal. & Abdou THIAO Enseignant- Chercheur à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, Université Cheikh Anta DIOP, Dakar-Sénégal. Résumé Cet article examine la relation entre le développement financier et la croissance économique en Afrique subsaharienne, sur la période 1980 à 2015. Les tests empiriques réalisés selon la méthode PSTR (Panel Smooth Threshold Regression) montrent qu’il existe une relation non linéaire entre le développement financier et la croissance économique. Ces résultats confirment l’existence d’effet de seuil dans la relation. Mots clés : Croissance, développement financier, Panels de Transition Lisses. Abstract This article examine the effect of financial development on economic growth in sub-Saharan African countries over a period from 1980 to 2015. The empirical estimation realized using PSTR (Panel Smooth Threshold Regression) show that there is a non-linear relationship Revue Économie, Gestion et Société N°20 février 2020 2 between financial development and economic growth. These results confirm the presence of threshold effect. Keywords : Growth, financial development, Panel Smooth Regression Models. Revue Économie, Gestion et Société N°20 février 2020 3 1. INTRODUCTION Depuis Schumpeter (1912), plusieurs auteurs ont tenté d’analyser sous différentes approches le lien entre le secteur financier et le secteur réel (Gurley et Shaw, 1955 ; Hicks, 1969 ; McKinnon, 1973). Sur le plan théorique, la littérature évoquait déjà le rôle fondamental du secteur financier dans le développement économique (Patrick, 1966 ; Pagano, 1993 ; De Gregorio and Guidotti, 1995). La plupart de ces travaux partent du postulat que le développement des intermédiaires financiers et du marché boursier peut accroître l’efficacité productive et allocative des ressources. Ils montrent que les canaux pour lesquels le développement financier affecte la croissance économique différemment d’un modèle à l’autre. Ces prédictions théoriques ont suscité une vaste littérature empirique. De ce point de vue, les études ont connu un essor considérable à partir des travaux de King et Levine (1993) puis Levine et Zervos (1998) bien que la première recherche empirique remonte de Goldsmith (1969). Selon ces auteurs, le développement financier est censé conduire à une allocation plus efficace du capital et à améliorer le partage des risques entre les pays (Levine, 2005 ; Eggoh, 2011). Par la suite, en considérant une relation linéaire ou de causalité entre le développement financier et la croissance économique, d’autres travaux ont confirmé ce résultat (Gehringer, 2013 ; Egbetunde et Akinlo, 2015). Dans cette perspective, la problématique de la relation entre le développement financier et la croissance économique est vaste et complexe. L’examen de ce lien exige la prise en compte des aspects de non linéarité et d’effets de seuil. L’objectif principal de cet article est d’examiner empiriquement la relation entre le développement financier et la croissance économique dans les pays d’Afrique subsaharienne. Plus spécifiquement, il s’agit d’évaluer d’une part, l’effet des indicateurs de développement financier sur la croissance et, d’autre part, de déterminer le seuil à partir duquel le développement financier influe la croissance économique des pays considérés. Si la faiblesse du système bancaire des pays d’Afrique subsaharienne leur a épargné des effets de la récente crise financière mondiale 2007/2008, le déficit d’épargne et les besoins énormes d’investissement rappellent sans cesse la nécessité d’une mobilisation efficace des ressources pour financer le développement et accélérer la transformation structurelle de leurs économies (Diandy, 2018). Il convient de noter que, même si le débat n’est pas récent, les résultats Revue Économie, Gestion et Société N°20 février 2020 4 rapportés par la littérature empirique ne sont souvent concluants (Keho, 2012 ; Misati et Nyamongo, 2012 ; Ewetan et Okodua, 2013). De plus, très peu d’études (Abdoullahi, 2016 ; Ousmanou, 2017 ; Ibrahim et Alagidede, 2017) portent de manière spécifique sur les pays en développement, et semblent ignorer à priori les questions de non linéarité et l’existence des effets de seuil exercés par le développement financier dans sa relation avec la croissance économique. Notre recherche se distingue de ces études en introduit deux innovations méthodologiques majeures. Premièrement, alors que la plupart des études utilisent une modélisation de type linéaire, la présente recherche adopte quant à elle une approche non linéaire de la relation entre la finance et la croissance. En second lieu, elle utilise une technique d’estimation relativement performante par rapport aux méthodes usuelles en données de panel. Plus précisément, nous utilisons la méthode PSTR (Panel Smooth Threshold Regression), sur un panel de 18 pays sur la période 1980-2015. La section 2 passe en revue les travaux sur la relation entre le développement financier et la croissance économique. La section 3 présente la méthodologie. La section 4 expose les résultats et la section 5 conclut. 2. REVUE DE LA LITTERATURE Les études de la relation développement financier et croissance économique sont nombreuses, avec des résultats controversés. La relation développement financier-croissance économique est négative dans certains cas et positive dans d’autres. Dans la plupart des études empiriques, le développement financier est considéré comme un élément important pour la croissance économique et il participe à l’explication des variations du taux de croissance économique (King et Levine, 1993 ; Pagano, 1993 ; Levine, 2005). Goldsmith (1969) a été le premier à prouver empiriquement l’existence d’une relation entre la taille du secteur financier et la croissance économique à long terme. Vingt-cinq ans après, les recherches empiriques sur le lien entre développement financier et croissance économique se sont multipliés au cours des années 90. Ces études commencent par King et Levine (1993).Ces auteurs ont repris l'idée de Goldsmith (1969), mais en bénéficiant désormais des outils et des données nécessaires pour obtenir empiriquement les résultats jusqu'alors théorisés. Ils parviennent à démontrer de manière systématique un effet positif du Revue Économie, Gestion et Société N°20 février 2020 5 développement financier sur chaque indicateur de croissance pouvant aller jusqu’à un surplus d’un point de croissance annuelle. Toutefois, un certain nombre de travaux apportent des preuves contraires à cette assertion (Ewetan et Okodua, 2013 ; Thumrongvit et al., 2013). En observant les données relatives de 57 pays, Edison et al. (2002) constatent que l’intégration financière n’accélère pas la croissance. Rousseau et Wachtel (2011) ont observé que l’hypothèse d’un effet positif de la finance sur la croissance se révélait peu solide face aux données les plus récentes. A l’aide de données transversales et de panel, ils ont montré que le crédit au secteur privé n’avait aucun effet statistiquement significatif sur la croissance du PIB pour la période 1965-2004. Afin d’éclaircir le débat, Coeurdacier et al. (2015) ont cherché à identifier les gains d’une intégration financière à partir d’un modèle de croissance néoclassique, mais cette fois-ci en prenant en compte l’incertitude agrégée. Leur modélisation confirme les résultats précédemment établis par la littérature, puisqu’elle suggère que ces gains sont faibles. La crise financière mondiale (2007/2008) a profondément remis en question l’idée selon laquelle le développement financier favorise la croissance économique ou tout du moins la linéarité de cette relation. De nombreux travaux empiriques imputent l’absence de lien entre le développement financier et la croissance à la présence d’effets de seuil (Minea et Villieu, 2010 ; Eggoh et Villieu, 2013). Cecchetti et Kharroubi (2012, 2015) ont réexaminé l’impact du développement financier sur la croissance et ils parviennent à d’importantes conclusions. L’impact de la taille du secteur financier sur la croissance de la productivité est en forme de U renversé. Le développement financier n’est favorable à la croissance de la productivité que jusqu’à un certain point. Le point de retournement se situe à un niveau de crédit de 90% du PIB. Ce résultat est compatible avec les travaux empiriques d'Arcand et al. (2015) qui trouvent qu’indépendamment de la volatilité de l’activité économique, des crises bancaires, de la qualité des institutions ou de la régulation du secteur bancaire, la relation entre finance et croissance devient significativement négative lorsque le crédit au secteur privé dépasse les 150 % du PIB. Revue Économie, Gestion et Société N°20 février 2020 6 Law et Singh (2014) sur la base du modèle de King et Levine (1993) et à partir d’une approche en panel, parviennent à établir le seuil autour d’un niveau de développement financier représentant 88 % du PIB. En dessous de ce seuil, un effet significativement positif du développement financier est observé sur la croissance, tandis qu’au-delà du seuil, l’effet devient significativement négatif. Aizneman et al. (2015) ont analysé la relation entre la profondeur financière et la croissance de la production en utilisant les données de dix (10) secteurs dans 41 pays, notamment 9 pays d’Amérique latine et 11 pays d’Asie de l’Est. Lorsqu’ils observent des pays de niveau de développement similaire, ils constatent de larges écarts en ce qui concerne l’impact de la profondeur financière sur la croissance sectorielle et confirment qu’elle freine la croissance de la production dans plusieurs secteurs. Les résultats confirment que l’impact du développement financier sur la croissance sectorielle puisse être uploads/Finance/1-pb 13 .pdf

  • 21
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Oct 08, 2021
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.6204MB