1 L’expertise de gestion : entre la protection des minoritaires et de l’intérêt

1 L’expertise de gestion : entre la protection des minoritaires et de l’intérêt social en justice « « Lecture comparative entre le Droit marocain et le Droit français » : Réalisé par : HAMDOUCHE ELMOSTAFA ETUDIANT MASTER JURISTE D’AFFAIRES- FSJES SOUISSI Promotion 2019/2021 2 INTRODUCTION : Le droit à l’information s’inscrit dans le cadre de la bonne gouvernance, que les différents systèmes juridiques, cherchent à assurer dans la gestion des sociétés. Il s’agit également, d’un élément psychologique qui permet aux actionnaires et associés d’une société donnée (notamment les minoritaires), de se sentir intégrer dans la vie sociale et impliquer dans la gestion de leur société. En effet, le renforcement du droit à l’information a été et demeure, l’une des préoccupations majeures du législateur français, auquel s’inspire le législateur marocain. Toutefois, « on n’a jamais atteint un palier où l’on puisse stationner » à ce propos.1 Autrement dit, il s’agit d’un champ qui ne cesse de se développer. Traditionnellement, le droit français, en l’occurrence la loi du 24 juillet 1966, prévoyait une information permanente et annuelle des actionnaires.2 Ladite loi, a mis fin à la conception élargie du secret d’affaire, adoptait depuis longtemps par certains dirigeants sociaux.3 Ainsi, en vertu des article 170.L66 et 142.L66, tout actionnaire a le droit de prendre connaissance, par lui-même, ou via un mandataire, et à n’importe qu’elle époque, au siège de la société ou au lieu de la direction administrative, des documents sociaux mis à la disposition des actionnaires avant les assemblées générales des 3 derniers exercices, ainsi que de l’inventaire. Néanmoins, ces droits peuvent se révéler insuffisants pour satisfaire les besoins et les interrogations des actionnaires minoritaires, qui sont à l’abri de ce qui se déroule au sein de l’entreprise. Ce qui les amène à se préoccuper des différentes opérations de gestion effectuées par les dirigeants sociaux, et qui peuvent porter atteinte à leurs intérêts. D’où 1 BURGAR (J-J) l’information des actionnaires, éd., DUNOB, Coll. « La vie de l’entreprise », 1970, p.97 2 La loi 83-353 relative à la mise en harmonie des obligations comptables des commerçants et de certaines sociétés avec la 4ème directive européenne du 25 Juillet 1978. 3 Revue international du droit comparé, « Le nouveau visage de l’expertise de gestion à la lumière de l’expérience anglaise », Marie-Danielle Poisson-Schôdermeier, 1987, p.914 3 la mise en place de certaines mécanismes et outils juridiques qui permettent de faire entendre leur voix et contestations. A cet effet, c’était la loi de 1966 qui était à l’origine de ce que l’on appelait à l’époque « L’expertise de minorité ». Ainsi, selon l’article 226 de cette loi, il est possible à « un ou plusieurs actionnaires représentant au moins le dixième du capital social …. soit individuellement soit en se groupant sous quelque forme que ce soit (à), demander en justice la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestions ». Avec la réforme adoptée par le législateur français, en 1984 concernant les difficultés des entreprises, « l’expertise de minorité » a disparu en faveur d’une autre dénomination, à savoir « l’expertise de gestion ». Ce changement terminologique est justifié, dans la mesure où ladite loi a élargi les conditions d’application de cette expertise. Désormais, de nouvelles personnes peuvent également demander la réalisation d’une telle expertise. Il s’agit en l’occurrence, du ministère public, du comité d’entreprise et de la commission des opérations de bourses (COB) pour les sociétés cotées en bourse.4 En droit marocain, c’était le mouvement de privatisation des entreprises publiques aux années 90, qui a donné lieu à l’émergence du phénomène « d’actionnariat minoritaire ». Pour certains auteurs, cette expertise « a été prévue par la loi … pour permettre aux actionnaires minoritaires, qui contestent des opérations de gestion des dirigeants, de réunir des preuves grâce à l’intervention de professionnels et de pouvoir… agir en responsabilité contre eux ».5 Il en résulte, que ledit mécanisme dépasse la simple vocation d’un droit à l’information, pour être un moyen de contrôle des actes de gestion au sein de l’entreprise. Par ailleurs, dans l’ordre juridique marocain l’expertise de gestion est consacrée par l’article 157 de la loi 17.96 régissant les sociétés anonymes. De même, elle est prévue 4 L’article 226 de la loi du 24 Juillet 1966 5 HASSANIA CHERKAOUI, « La société anonyme », 2 édition, 2011, p.181 4 par l’article 82 de la loi 5.966, en ce qui concerne les sociétés à responsabilité limitée. Cependant, et contrairement à la législation française en la matière, le législateur marocain n’a pas prévu si l’expertise de gestion peut être demandée par d’autres personnes, hormis les actionnaires. En droit anglais, l’expertise de gestion était confiée dès l’origine des sociétés de capitaux, au Ministère de commerce (Boeard of trade). Elle est assimilée à une enquête guidée par le Secretary of state for trade and industry. On en déduit, que l’expertise anglaise a vocation générale dans la mesure où elle est assurée par une institution chargée de la défense de l’intérêt public. En effet, l’intérêt théorique de notre recherche académique se manifeste à cet égard. Il s’agit plus concrètement d’analyser l’esprit d’une institution dont le fonctionnement diffère d’un régime juridique à l’autre. Certes, les trois expertises Française, marocaine et anglaise ont pour vocation d’améliorer l’information des actionnaires et leur permettre d’avoir des éclaircissements sur les opérations qu’ils considèrent comme douteuses, et par conséquent répondre à leurs contestations et interrogations légitimes. Mais toutefois, les nouveaux intervenants introduit par le législateur français (comité d’entreprise, ministère public et la COB), et le silence du législateur marocain, conduisent à se demander quel esprit porte cette institution. En ce qui concerne l’intérêt pratique, celui-ci s’analyse au niveau de la portée d’une expertise de gestion. En pratique, la réalisation de cette expertise ne s’arrête pas à fournir une information supplémentaire aux actionnaires, mais elle pourra entraîner des conséquences qui touchent à la situation sociale ou financière de l’entreprise. Et ce, dans la mesure où la mission de l’expert ne se limite pas à la rédaction d’un rapport concernant l’opération de gestion en cause, mais elle consiste également dans l’appréciation de celui-ci sur le plan économique, financier et social.7 A titre d’illustration, une expertise de gestion ayant démontré des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise pourra permettre 6 Dahir 1.97.49 du 13 février 1997 portant loi 5.96 régissant les sociétés à responsabilité limitée, en commandite simple, en commandite par action et la société en participation, publié au BO N°4478 le 01 Mai 1997 p.1058 7 Marie-Danielle Poisson-Schôdermeier, op.cit. p.917 5 d’intervenir précocement avant l’aggravation de la situation de celle-ci. Comme elle pourra également mettre en cause la responsabilité pénale ou civile de l’un des dirigeants sociaux, si certaines fautes ou infractions s’avèrent suite à sa réalisation. Selon un éminent auteur « cette expertise de minorité était souvent le moyen pour ces actionnaires de se constituer des preuves avant d’intenter une action en responsabilité contre les dirigeants sociaux ».8 Toutefois, il est utile d’opérer une distinction entre l’expertise de gestion et l’expertise préventive du droit commun. Celle-ci est prévue par l’article 55 du Code de procédure civile qui dispose que « le juge peut, soit sur la demande des parties ou l’une d’elles, soit d’office, ordonner avant dire droit au fond une expertise… ». Selon un auteur la distinction est d’ordre conceptuelle et non pratique, dans la mesure où l’expertise de gestion constitue une information complémentaire des actionnaires minoritaires. Tandis, que l’expertise préventive constitue une mesure d’instruction qui précède un action en responsabilité contre un dirigeant.9 La jurisprudence marocaine a admis récemment l’application de la procédure de l’article 55 du Code de procédure civile pour ordonner une expertise sur la gestion de l’entreprise.10 Cependant, l’avantage que procure l’expertise de gestion par rapport à l’expertise préventive se manifeste au niveau de son caractère urgent d’office. A la lumière de ce qui précède, on peut dégager la problématique suivante, qui servira de base à notre raisonnement, : Quel intérêt sert à servir l’expertise de gestion ? Pour qu’on puisse répondre convenablement à cette problématique, il convient de traiter une panoplie de questions : - Quelles sont les personnes pouvant demander une expertise de gestion ? - Sur quels actes peut porter une expertise de gestion ? 8 Philippe MERLE- Anne FAUCHON, Droit commercial, Sociétés commerciales, 13ème éd., 2009, p.618 9 ELHAMOUMI ABDELJALIL, Thèse « La protection des actionnaires minoritaires en Droit marocain », 2001, Université de NICE-SOPHIA-ANTIPOLIS/ FACULTE DE DROIT, SCIENCES POLITIQUES, DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION. P.217 10 Référé, Casablanca 20 décembre 1996, affaire UNIBAN, cité par ELHAMMOUMI ABDELJALIL, op., cit., p.217 6 - Quelle est la nature de la décision ordonnant une expertise de gestion ? - Quels sont les aspects procéduraux de la réalisation de l’expertise de gestion ? - Quel est l’issue et les conséquences éventuellement engendrées par la réalisation de cette expertise ? Afin de répondre à toutes ces interrogations, et parvenir à résoudre notre problématique, nous allons se contenter dans un premier temps à l’étude du statut des uploads/Finance/expertise-de-gestion-converti.pdf

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  • Publié le Jui 24, 2022
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