Arnaud Parienty Le mythe de la « théorie du ruissellement » 2018 Présentation E

Arnaud Parienty Le mythe de la « théorie du ruissellement » 2018 Présentation Emmanuel Macron, 15 octobre 2017 : « Pour que notre société aille mieux, il faut des gens qui réussissent ! […] Je ne crois pas au ruissellement, mais je crois à la cordée. […] Si l’on commence à jeter des cailloux sur les premiers de cordée, c’est toute la cordée qui dégringole. » Le 6 janvier 2018, le porte-parole du gouvernement enfonce le clou : « Ce n’est pas un gouvernement qui fait des cadeaux aux riches ! C’est un gouvernement qui permet à l’argent d’être investi dans les entreprises pour nos emplois en France. » Un résumé saisissant de la notion de trickle-down effect (effet de ruissellement) avancée en 1981 par le directeur du budget de Ronald Reagan : « Donner les réductions d’impôts aux tranches supérieures, aux individus les plus riches et aux plus grandes entreprises, et laisser les bons effets “ruisseler” à travers l’économie pour atteindre tout le monde. » Telle semble bien la logique des mesures adoptées depuis 2017 par le gouvernement Macron/Philippe, même s’il affirme le contraire. Et même si aucun économiste n’a jamais produit une « théorie du ruissellement ». Alors comment expliquer que cette idée si décriée soit encore mise en oeuvre ? En analysant son fonctionnement comme celui d’un mythe, c’est-à-dire une construction imaginaire largement partagée. C’est ce que propose Arnaud Parienty dans cet essai enlevé et pédagogique. Il y décortique avec méthode les clichés répétés sur les plateaux de télévision : « trop d’impôts tue l’impôt », ils favorisent l’évasion fiscale, etc. Et il remet en perspective la façon dont les politiques néolibérales ont conduit, partout dans le monde, à une explosion des inégalités, sans pour autant favoriser la croissance et l’emploi, contrairement à ce que prônent les adeptes du ruissellement. Pour en savoir plus… L’auteur Arnaud Parienty, diplômé de Sciences Po Paris, est professeur agrégé de sciences économiques et sociales. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, manuels et articles de vulgarisation, et, à La Découverte, de School Business. Comment l’argent dynamite le système éducatif (2015) et de Précis d’économie (2017). Collection Cahiers libres DU MÊME AUTEUR Productivité, croissance, emploi, la France dans la compétition mondiale, Armand Colin, coll. « Circa », 2005. Protection sociale, le défi, Gallimard, coll. « Folio », 2006. School Business. Comment l’argent dynamite le système éducatif, La Découverte, 2015, 2018. Précis d’économie. Préparation aux épreuves d’économie des concours, La Découverte, 2017. Copyright L’édition de cet ouvrage a été assurée par François Gèze. Pour les références en note des documents cités disponibles en ligne, les adresses url correspondantes sont données dans leur version raccourcie produite grâce au précieux site non marchand <frama.link>. © Éditions La Découverte, Paris, 2018. Composition numérique : Facompo (Lisieux), septembre 2018. ISBN numérique : 978-2-348-04126-6 ISBN papier : 978-2-348-03634-7 Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. 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Incitations différenciées : l’« économie réelle » contre la « rente immobilière » ? Croissance pour qui ? 5 - Les effets négatifs de la redistribution à l’envers Quand les inégalités fragilisent la croissance Inégalités et croissance : les enseignements des travaux empiriques 6 - La mondialisation et les baisses d’impôts L’impôt est lourd en France Should I stay or should I go ? La question de l’imposition des revenus du capital Qui paye vraiment l’impôt ? La course sans fin au moins d’impôt 7 - Parce qu’ils le valent bien L’étrange justification de la surrémunération des « premiers de cordée » Un argument rhétorique Conclusion - Le ruissellement comme mythe Avant-propos « Trickle-down economics proved a cruel hoax. » Robert REICH, 20151. Les riches sont peu nombreux. De ce fait, les politiques fiscales qui les favorisent sont rarement populaires. Une doctrine expliquant qu’une redistribution à l’envers, des pauvres vers les riches, serait finalement bonne pour tout le monde est donc précieuse pour qui entend favoriser les plus riches. Cette doctrine est la fameuse (et fumeuse) « théorie du ruissellement », vieille antienne médiatique qui défraye à nouveau la chronique en France depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République en mai 2017, ainsi qu’aux États-Unis après l’élection de Donald Trump en novembre 2017. Le 6 janvier 2018, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, expliquait par exemple : « Ce n’est pas un gouvernement qui fait des cadeaux aux riches ! C’est un gouvernement qui permet à l’argent d’être investi dans les entreprises pour nos emplois en France. » Un résumé saisissant de la vieille notion néolibérale de trickle-down effect (effet de ruissellement) avancée en 1981 par le directeur du Budget du président américain Ronald Reagan : « Donner les réductions d’impôts aux tranches supérieures, aux individus les plus riches et aux plus grandes entreprises, et laisser les bons effets “ruisseler” à travers l’économie pour atteindre tout le monde. » Cette croyance n’a pourtant de « théorie » que le nom et rassemble un ensemble assez disparate de mécanismes économiques et d’idées générales. Car il est difficile de la confronter aux faits. Ainsi, aux États-Unis, les « économistes de l’offre » du début des années 1980 ont convaincu Ronald Reagan de mettre en œuvre une politique massive de baisse des impôts des plus riches, en invoquant, en même temps que le trickle-down effect, la nécessité d’une hausse des dépenses publiques. Cette politique a effectivement permis une amélioration de la croissance et une baisse du chômage. Mais est-ce parce que les riches ont été spécialement visés par cette politique ou par un effet keynésien de relance budgétaire ? Par ailleurs, l’effet d’une baisse d’impôt dépend du point de départ : ses effets sont différents selon qu’elle s’applique à un système fiscal très progressif ou non, à un niveau d’imposition très élevé ou non. Il est donc hasardeux de tirer des conclusions générales d’une expérience nationale unique. Alors que de nombreux économistes et commentateurs dénient à la « théorie de ruissellement » la moindre crédibilité, ce livre fait le choix de la prendre au sérieux, de confronter les idées et les mécanismes qui la constituent à la théorie économique et aux données empiriques. On peut l’écrire tout de suite : cette confrontation ne tourne pas en faveur de l’argument du « ruissellement ». Et pourtant, au-delà des étiquettes, les politiques qui le reprennent de facto – tout en prétendant farouchement s’en démarquer – restent très vivaces. Du moins si l’on en juge à travers les discours des « experts » économiques occupant les plateaux des chaînes télévisées – en particulier celles d’« information continue ». S’agit-il d’« économie zombie », de l’une de ces idées mortes qui continuent de se promener parmi nous, comme l’affirmait en 2012 l’économiste australien John Quiggin2 ? On préférera analyser la persistance de l’idée de ruissellement comme un mythe. Cette hypothèse permet de rendre compte du paradoxe qui veut qu’une idée unanimement dénoncée soit plus mise en œuvre que jamais. 1. « L’économie du ruissellement s’est révélée être un canular cruel » (Robert REICH, « Trans Pacific Trickle-down economics », 2 mai 2015, <frama.link/KFjyUnQ6>). L’économiste américain Robert Reich a été secrétaire au Travail du président William Clinton, de 1993 à 1997. 2. John QUIGGIN, Zombie Economics. How Dead Ideas Still Walk among Us, Princeton University Press, Princeton, 2012. 1 Le retour d’une idée discréditée Dans le monde politique et médiatique occidental de la fin des années 2010, l’idée d’un « ruissellement » de la richesse, du « haut » vers le « bas » de la société, est redevenue à la mode. On peut même dire que 2017 est l’année de son grand retour. L’idée s’impose alors de manière fracassante aux États-Unis, avec une réforme fiscale détonante. Son retour est plus timide en France, où elle n’a jamais été véritablement populaire. L’évolution de la politique américaine est marquée par une polarisation très forte. uploads/Finance/le-mythe-de-la-theorie-du-ruiss-arnaud-parienty-pdf.pdf

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  • Publié le Jui 06, 2021
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