Originally in FHA/BI 11/12, 1986-7, 52-65 LES SOURCES SUR LA Q◊DIRIYYA KUNTIYYA

Originally in FHA/BI 11/12, 1986-7, 52-65 LES SOURCES SUR LA Q◊DIRIYYA KUNTIYYA AU XIXE SIÈCLE CONSERVÉES DANS LES BIBLIOTHÈQUES MAROCAINES ET FRANÇAISES ZAHRA TAMOUH Le découpage que nous avons retenu dans la présentation des sources manuscrites sur la †arıqa des Kunta au XIXème siècle, sources qui se composent exclusivement de documents en langue arabe, suivra la logique de leur disponibilité en fonction des fonds. De ce fait nous aurons affaire à deux grands ensembles: — les manuscrits conservés en France, et qui se rapportent pour l’essentiel à la †arıqa des Kunta au Soudan; — les manuscrits que nous avons pu consulter au Maroc, et qui se rapportent, eux, de manière plus particulière aux relations qui s’étaient établies à l’époque entre la Zaouia de Tombouctou et certains milieux marocains. Les manuscrits disponibles en France Ces manuscrits sont regroupes en deux collections, et se trouvent répertoriés dans la Guide des sources de l’Histoire de l’Afrique.1 La première collection: le ‘Fonds Archinard’ de la Bibliothèque Paris: Ramenés par le Cl. Archinard à la suite de son expédition 1 Guide des sources de l’Histoire de l’Afrique, III-IV: Sources de l’histoire de l’Afrique au Sud du Sahara dans les archives et bibliothèques françaises, Zug: Inter Documentation 1976. 154 ZAHRA TAMOUH militaire au Soudan Occidental, ces manuscrits se constituent pour l’essentiel de ce qui avait été la bibliothèque de l’Emir Toucouleur et khalifa de la Tijniyya au Soudan depuis 1864. Archinard a pu récupérer cette bibliothèque à la suite de l’invasion de la ville de Ségou, devenue capitale de l’état Toucouleur. Les documents de cette bibliothèque furent envoyés à la B.N. le 28 novembre 1892, où ils étaient rassemblés en plus de 500 volumes.2 En ce qui concerne la †arıqa des Kunta au XIXème siècle, nous avons retenu de ce fonds un seul ouvrage et un ensemble de correspondances. A) Kitb al-tar√if wa’l-tal√id 3 Il s’agit d’un ouvrage de 100 pages rédigé par Mu˛ammad b. al-Mukhtr al-Kuntı sur la vie de ses deux parents et surtout son père, le cheikh Sıdı al-Mukhtr al-Kuntı (1720-1811) qui joua un rôle éminent dans la vie publique du Soudan Occidental et Central à partir de 1756. C’est un ouvrage fondamental pour la compréhension de la vie de Tombouctou et ses alentours à cette époque. On y trouve en particulier de longs développements sur les médiations du cheikh dans les conflits qui opposent les différentes forces régionales entre elles: les Touaregs et les Arma (qui gouvernaient Tombouc- tou à l’époque), les Touaregs entre eux, les Touaregs et les Kunta, les Kunta et les Barabich… La lecture de ces passages sur le rôle de médiateur du cheikh nous permet surtout de saisir les mécanismes du processus qui va aboutir à imposer la suprématie des Kunta au niveau régional à travers la sécurisation des routes commerciales. B) Les correspondances: Nous en avons retenu six que nous pouvons classer en fonction de leur contents comme suit: 2 Voir Noureddine Ghali, Sidi Mohamed Mahibou et Louis Brenner, Inventaire de la Bibliothèque fiUmarienne de Ségou, Paris: Éditions du CNRS 1985. 3 Bibliothèque Nationale, Paris (BNP), MSS Arabes, 6755. LES SOURCES SUR LA Q◊DIRIYYA KUNTIYYA 155 — Un premier ensemble qui comprend quatre lettres et rapportant toutes aux relations entre les Kunta et les autres forces de la région et qui ont toutes été rédigées par al-Bakky entre 1847 et 1865. — Une lettre qui éclaire certains aspects de la lutte entre la Qdiriyya Kuntiyya et la Tijniyya juste avant la mort d’al- Bakky en 1865. — Enfin une dernière lettre qui tout en ayant un caractère religieux manifeste, aborde également certains aspects des relations commerciales entre le pays Haoussa et Tombouctou. I. Les quatre premières lettres: (a) La première par ordre chronologique est une réponse en douze feuilles d’A˛mad al-Bakky à l’Émir de Macina A˛mad b. A˛mad b. A˛mad au sujet d’une lettre adressé par ce dernier à propos du ‘chrétien qui est venu à Tombouctou en 1272’ (il s’agit de Barth, 1853-54).4 Cette lettre est d’une grande importance parce qu’elle traite d’un thème crucial: la venue en terre d’Islam d’un ressortissant chrétien. Sur ce point la position d’al-Bakky était claire et son argumentation peut être résumée comme suit: — Le chrétien en question a tout à fait le droit de se rendre en terre d’Islam à un moment ou ‘chrétiens et musulmans vivent en paix’. — L’Émir de Macina qui proteste contre cette visite n’est nullement habilité à le faire dans la mesure où les Imams des Musulmans ‘le sultan fiAbd al-Ra˛mn’ et ‘le sultan fiAbd al- Majıd’ ont contracté la paix avec les chrétiens au nom des Musulmans, et que de ce fait l’Émir de Macina ‘qui n’est le prince que de la région allant de Hamdallahi à Tombouctou’ n’a nullement le droit de transgresser ce qui a été décidé par l’Imam. — Il rappelle à l’Émir de Macina qui, lui, n’a hérité du jihd que depuis trente ans, que le véritable héritier de ce 4 BNP/MS. 6756, ff. 1-12. 156 ZAHRA TAMOUH jihd ‘le sultan fiAbd al-Ra˛mn’ est, lui, en paix ‘avec les Anglais depuis plus de 500 ans’. — Il rappelle toutes les visites que les chrétiens ont pu effectuer en toute sécurité en terres d’Islam aussi bien du temps du père d’A˛mad que de celui de Mu˛ammad Bello ou de son fils fiAlı ou du cheikh fiUmar de Bornou. — Il se demande ensuite si le véritable motif de la réaction de l’Émir ne serait pas la convoitise de la fortune supposée du Chrétien. — Enfin, il réaffirme qu’il a accordé l’amn au visiteur en question et que, de ce fait, il est prêt à assurer sa défense jusqu’à la dernière limite et qu’il ne le remettait même pas au sultan fiAbd al-Ra˛mn ou au sultan fiAbd al-Majid. (b) La deuxième est une lettre d’A˛mad al-Bakky à al- ˛jj fiUmar, Émir des Toucouleur.5 Contrairement à la lettre précédente, dont le ton était très ferme et à la limites même du hautain, puisqu’il se permettait pratiquement dans ces passages de remettre l’Émir Peul à sa place, le ton adopté ici par al-Bakky pour s’adresser à al-˛jj fiUmar sera lui très conciliant, et on perçoit nettement qu’il s’adresse à une force qui lui est supérieure. Dès le départ, il s’excuse dune prise de position hostile qu’il avait eu par le passé à l’égard d’al-˛jj fiUmar, et il s’explique en invoquant des rumeurs qui lui étaient parvenues sur l’auto-proclamation de ce dernier en tant que ‘mahdı’. Et il revient sur ces positions après qu’il ait eu la preuve que ces rumeurs étaient sans fondement Il rappelle ensuite les bons rapports que ses ancêtres ont toujours entretenu avec les sultans, les émirs, et tous les tenants du pouvoir temporal, pour en arriver à cette conclusion que, lui, s’occupant des affaires spirituelles, il ne pourra rien modifier dans son comportement, mais qu’il pourra s’expatrier si al-˛jj fiUmar le désire. 5 BNP/MS. 5259, ff. 66-67. LES SOURCES SUR LA Q◊DIRIYYA KUNTIYYA 157 Enfin il s’attarde sur ses rapports avec les représentants d’al-˛jj fiUmar à Tombouctou, pour dire que s’il s’oppose parfois à eux c’est uniquement autour de certains questions du sharfi. Il écrit même que pour éviter de telles situations à l’avenir, il a décidé de s’éloigner pour quelques temps de Tombouctou en attendant une mesure d’al-˛jj fiUmar. (c) La troisième de ce groupe de quatre lettres est également adresse par al-Bakky à al-˛jj fiUmar quelques temps seulement après celle que nous venons d’évoquer.6 Al- Bakky, qui n’a pas reçu de réponse écrite à sa première lettre, écrit à al-˛jj fiUmar, à la lumière de ce qui lui a été rapporté par son émissaire. Cette deuxième lettre reprend pour une large part les grands thèmes abordés dans la précédente: intervention en faveur des gens de Macina, intervention également en faveur des gens de Touat, retour sur l’auto-proclamation al-˛jj ‘Umar comme mahdı. Al-Bakky aborde cependant dans cette seconde lettre deux thèmes un peu particuliers: Ses relations avec al-˛jj fiUmar: Al-Bakky tient à préciser qu’il ne voit aucun inconvénient à effectuer un voyage à Hamdallahi, mais il pose à cela deux conditions; d’une part que al-˛jj fiUmar y consente et d’autre part qu’il renonce à ce que al-Bakky lui présente un serment d’allégeance pour lequel, écrit-il, ‘les conditions ne sont pas réunies’. La définition, par la comparaison, de la nature de ses rapports avec les principales forces de la région. Invoquant le fait que al-˛jj fiUmar semble lui reprocher certaines contradictions dans ses écrits à l’Émir de Macina, A˛mad b. A˛mad au sultan de Ségou et à lui-même, al-Bakky brosse un tableau selon lequel le ton qu’il adopte dans ses correspondances dépend tout à la fois de leur objet et de la qualité du destinataire. 6 BNP/MS. 5259, ff 68-9. 158 ZAHRA TAMOUH (d) La quatrième lettre de ce groupe enfin, est adressée par al-Bakky au Targui Mu˛ammad b. A˛mad b. Agıg, après le départ d’al-Bakky de la région de Tombouctou.7 Cette lettre qui vient à la suite de l’affiliation du Targui à la Tijniyya, contrairement aux autres membres uploads/Geographie/ 13-tamouh.pdf

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