7 CFC (N°195 - Mars 2008) LES INSTRUMENTS DE LEVÉ TOPOGRA- PHIQUE À L’ÉPOQUE DE
7 CFC (N°195 - Mars 2008) LES INSTRUMENTS DE LEVÉ TOPOGRA- PHIQUE À L’ÉPOQUE DE VAUBAN Progrès et immobilisme par Michel Morizet 78000 Versailles Courriel : morizetb@club-internet.fr 1 De l’arpentage à la géodésie Vauban est en pleine activité : il a 33 ans et est ingénieur du roi depuis onze ans, quand l’Académie royale des sciences est fondée en 1666. Cet événe- ment est suivi en 1667 par la création de l’Observatoire royal. Ces deux institutions résultent du bon vouloir de Louis XIV conseillé par Colbert. Ce dernier a été sensible aux arguments des savants, comme l’abbé Picard et Auzout, qui ont su lui mon- trer l’intérêt d’avoir une meilleure connaissance de la géographie du royaume. Ces fondations renforcent le prestige royal et répondent aussi à l’établissement, en Angleterre en 1660, de la « Royal society of London ». Le programme des institutions françaises est ambitieux : mesure du méridien terrestre et établis- sement de la « Méridienne » de Paris marquant le départ de la triangulation de premier ordre de la France. Cependant le succès de ces travaux, qui marquent la naissance de la géodésie, est davanta- ge dû à l’habileté des hommes en charge des opéra- tions qu’à la qualité des instruments qu’ils ont conçus. En fait, les défauts de ces instruments, inexactitudes et difficultés d’utilisation, font que tous les travaux vont être repris ultérieurement. En France, pendant le même temps, l’arpentage ordinaire utilise deux techniques simples et éprou- vées : le levé à la planchette et le levé au grapho- mètre. Ces techniques ont une précision suffisante pour répondre aux besoins des travaux militaires ou civils ; elles sont utilisées pour les levés de terrains servant aux défenses des villes et à leurs équipe- ments : fortifications, batteries, ports, routes, etc. Les mêmes techniques sont utilisées pour l’établis- sement de cartes régionales à plus petites échelles, résultant de l’assemblage de documents à grande échelle. Toutefois la précision se révèle insuffisante à l’usage et justifie l’établissement d’une triangulation de premier ordre. Vers le milieu du XVIIe siècle, les instruments d’arpentage couramment utilisés se limitent au gra- phomètre, à la planchette et à ses accessoires, au cercle entier et au niveau d’eau (fig.1). Depuis la Renaissance de nombreux instruments ont été inventés par des savants et érudits. Généralement ces instruments, parfaits en théorie, sont inutilisables car complexes et mécaniquement trop imprécis. Un exemple est celui du théodolite, au nom bien connu, apparu vers la fin du XVIe ; immédiatement aban- donné, cet instrument réapparaît au XIXe grâce à la perfection de la construction mécanique. De cette période, ne subsistera en France que le graphomètre (fig. 1), publié par Philippe Danfrie en 1597 et qui aura une belle longévité : il est encore en vente au début du XXe siècle. Le cercle entier (cercle hollan- dais ou « simple theodolite ») (fig. 1) est peu utilisé et fabriqué en France. On se sert de cercles entiers de petite taille (15cm) permettant de lire au mieux le demi degré (fig. 2). Ces instruments sont utilisés par les armées en campagne pour le levé des itinéraires et des camps. Le levé à la planchette, apparu avant 1550, aura, lui aussi, un long succès car il persiste de nos jours (fig. 1, 2 et 3). Souvent décrié parce que pratiqué par des arpenteurs ignorant l’arithmétique, c’est une méthode qui permet de tracer les cartes directement sur le papier et ne nécessite, en plus, que des L’activité de Vauban, si importante fût-elle dans le domaine topographique, n’eut pas de conséquence sur l’art et la manière de lever les plans. Par contre, les travaux entrepris par l’Académie royale des sciences et l’Observatoire royal qui venaient d’être créés, nécessitaient la fabrication d’instruments de topographie de conception nouvelle. Deux inventions coïncident avec ces impératifs : la lunette de visée à réticule et le niveau à bulle qui révolutionnèrent la construction des instruments et qui perdurent jusqu’à nos jours. 8 CFC (N°195 - Mars 2008) mesures de distance à la chaîne d’arpenteur. Les cartes ainsi obtenues sont plus exactes que celles levées au graphomètre car la méthode supprime nombre d’erreurs de lecture, de calcul et de report. De plus le matériel est simple et économique. Il com- prend une table à dessin montée sur pied, sur laquel- le l’arpenteur peut punaiser le papier, une alidade à pinnules pour viser les points d’intérêt et des règles et crayons. Un ou deux aides portant mires et jalons sont également nécessaires. L’usage du graphomètre ou de la planchette est limité aux faibles distances et ne peut servir à une tri- angulation à petite échelle. Snellius (W. Snell van Royen, mathématicien et physicien néerlandais, 1580-1626), inventeur de la méthode de triangula- tion, n’a pu réaliser des mesures d’angle suffisam- ment précises pour généraliser son invention car il ne disposait que de cercles ou de graphomètres. 2 L’invention de nouveaux instru- m e n t s : l’activité de l’abbé Picard Quand l’abbé Picard, l’un des hommes à partici- per à la création de l’Académie des sciences et de l’Observatoire, aborde le problème de la mesure du méridien, la question des instruments se pose immé- diatement. Il est nécessaire d’obtenir une précision de mesure supérieure à celle des instruments de topographie classique. Pour mesurer un arc de méri- dien, il faut disposer de trois principaux types d’ins- truments : un instrument pour mesurer les angles terrestres, un second pour mesurer la distance d’un astre au zénith et un dernier pour le nivellement. 2. 1 De la lunette de visée La première grande innovation de l’abbé Picard est d’adapter la lunette à ces instruments. Il faut rap- peler que la lunette (ou télescope) a été « découver- te » en septembre 1608, à La Haye, aux Pays-Bas. Son succès fut prodigieux et elle se répandit dans toute l’Europe. Galilée la tourna immédiatement vers les astres, mais elle resta longtemps un instrument d’observation et non de visée. Pour être utilisée comme tel, la lunette doit être munie d’un réticule, croix de fils très fins située dans son plan focal. Il semble que ce perfectionnement soit dû à l’italien Cornelio Malvasia en 1662. Dans sa communication à l’Académie royale des sciences du 23 juin 1717, intitulée « Recherche des dates de l’invention du Micromètre, des Horloges à Pendule, & des Lunettes d’approche », Philippe de la Hire écrit : «Ces sortes de pinnules à Lunettes ont de très grands avantages par-dessus les communes ou anciennes tant pour l’Astronomie que la Géographie, en ce que toutes sortes de vues peuvent s’en servir également, & que comme les Lunettes augmentent considérablement les objets, on les voit non seulement plus grands, mais bien plus distincts, & qu’on en peut faire les observations avec une très grande justesse […] On publiait ici que c’était de l’invention de M. Picard & ce n’était pas sans fondement, c’est pourquoi je lui demandais un jour ce qui en était, il me répondit assez froidement que M. Auzout y était pour beaucoup de part [...] Je ne vois seulement que dans le Livre de la Mesure de la Terre qui fut faite par M. Picard, & qui a été imprimé en 1671, mais auquel il travaillait en 1669, ou il est dit à la page 3, qu’on s’était avisé depuis quelques années de mettre des lunettes d’approche au lieu des pinnules anciennes». En résumé, La Hire note que les lunettes de visée permettent des observations beaucoup plus précises même si vous avez une mauvaise vue. Il laisse aussi entendre que Picard et Auzout ont appliqué la lunet- te aux instruments avant 1669, ce qui s’accorde avec l’invention du réticule en 1662. 2.2 Du quart-de-cercle terrestre Mais l’abbé Picard doit créer un nouveau modèle d’instrument pour effectuer des mesures angulaires terrestres car il n’existe encore aucun modèle suffi- samment précis. Le dessin et l’éclaté de l’appareil (fig. 4) donnés par Picard sont remarquables de clar- té et permettent à tout fabricant de reproduire un modèle voisin, ce qui sera fait. L’académicien s’inspi- re du quart-de-cercle astronomique en usage depuis la fin du XVIe et modifie partiellement sa structure. Un pied solide à vis calantes (fig. 4 « Fig 4 ») porte une double articulation (fig. 4 « Figs 2 et 3 ») per- mettant d’orienter le quart-de-cercle dans tout plan. L’instrument comporte deux lunettes munies de réti- cules (fig. 4 « Fig 1 ») pour viser simultanément les deux côtés de l’angle d’un triangle : l’une est fixée sur le châssis et l’autre est mobile ; la lecture se fait sur le limbe par une échelle transverse (voir aussi fig. 2). Le modèle astronomique est plus simple car le quart-de-cercle est vertical et pivote sur un seul axe horizontal ; il n’a qu’une seule lunette solidaire du châssis, la référence verticale étant un fil à plomb abrité dans une boite pendulaire. Le quart-de-cercle terrestre marque un progrès important car l’appareil est mobile et transportable sur 9 CFC (N°195 - Mars 2008) le terrain, les visées sont plus faciles et, de par son rayon, la précision uploads/Geographie/ 195-article-2.pdf
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- Publié le Sep 07, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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