Annuaire français de droit international L'arrêt de la Cour internationale de J
Annuaire français de droit international L'arrêt de la Cour internationale de Justice dans l'affaire du Plateau continental (Libye/Malte). Arrêt du 3 juin 1985 M. le Professeur Emmanuel Decaux Citer ce document / Cite this document : Decaux Emmanuel. L'arrêt de la Cour internationale de Justice dans l'affaire du Plateau continental (Libye/Malte). Arrêt du 3 juin 1985. In: Annuaire français de droit international, volume 31, 1985. pp. 294-323; doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1985.2663 https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1985_num_31_1_2663 Fichier pdf généré le 10/04/2018 L'ARRÊT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE DANS L'AFFAIRE DU PLATEAU CONTINENTAL (LIBYE/MALTE) Arrêt du 3 juin 1985 Emmanuel DECAUX Le contentieux entrecroisé pour le partage du plateau continental de la Méditerranée centrale vient de connaître une nouvelle étape avec l'arrêt de 1985 concernant le différend entre la Jamahiriya arabe libyenne et la République de Malte. Les deux parties avaient signé le 23 mai 1976 un compromis en vue de soumettre leur différend à la Cour, mais c'est seulement par une notification conjointe, reçue le 26 juillet 1982 au Greffe de la Cour, que la procédure judiciaire a pu être entamée. Entre temps, la Libye avait donné la priorité à son contentieux avec la Tunisie, repoussant la demande maltaise d'intervention. Par la suite, l'Italie a elle aussi déposé une requête à fin d'intervention dans le différend entre la Libye et Malte, requête qui devait être repoussée par un arrêt du 21 mars 1984, mais qui n'a cessé d'hypothéquer la solution du présent arrêt (1). Hormis un retard de quelques mois dû à la demande italienne d'intervention, le calendrier habituel a été respecté. Par une ordonnance du 27 juillet 1982, un délai de neuf mois a été fixé pour le dépôt des mémoires et par une ordonnance du 26 avril 1983, un délai de 6 mois pour les contre-mémoires. Le jour même de l'arrêt rejetant la demande d'intervention, une ordonnance du 21 mars 1984 fixait une troisième phase écrite, avec le dépôt de répliques qui furent remises le 12 juillet 1984 (2). La procédure orale fut elle-même divisée en deux phases, une première série d'audiences ayant lieu du 26 novembre au 14 décembre 1984, et une deuxième série du 4 au 22 février 1985, avec notamment la comparution des experts. Dès le début de la procédure orale, la Cour a décidé, conformément à l'article 53 § 2 du Règlement de rendre accessible au public les pièces de procédure, répondant ainsi à une ancienne demande italienne. (*) Emmanuel Decaux, maître de conférences à l'Université de Paris X. Thèse : La réciprocité en droit international, L.G.DJ., Bibliothèque de droit international, n° 82, 1980. Contributions à Y Annuaire depuis 1978. (1) Cf. nos précédents commentaires dans cet Annuaire : pour l'arrêt du 14 avril 1981 sur la requête de Malte à fin d'intervention dans l'affaire du plateau continental entre la Tunisie et la Libye, Annuaire 1981, p. 177 et sq; pour l'arrêt du 24 avril 1982 dans l'affaire du plateau continental entre la Tunisie et la Libye, Annuaire 1982, p. 357 et sq; pour l'arrêt du 21 mars 1984 sur la requête de l'Italie à fin d'intervention dans l'affaire du plateau continental entre la Libye et Malte, Annuaire 1984, p. 282 et sq. (2) Rec. 1985, p. 17 § 7. La Cour se réfère explicitement à l'article II § 2 c) du compromis, mais rétablit le vocabulaire habituel, alors que le compromis parlait de « réplique » dans un délai de quatre mois, pour la deuxième pièce écrite, et mentionnait la possibilité d'un troisième échange de pièces de procédure écrite, sans en préciser l'appelation. La remise en ordre de la Cour, pour discrète soit-elle, montre bien qu'elle n'hésite pas à faire prévaloir l'article 43 § 2 du Statut pour corriger les maladresses et les approximations du compromis. AFFAIRE DU PLATEAU CONTINENTAL LIBYE C. MALTE 295 Aucune des deux parties au différend n'ayant de juge de sa nationalité sur le siège, deux juges ad hoc furent désignés : M. Jiménez de Aréchaga, désigné par la Libye prêta serment le 14 octobre 1983; mais le juge ad hoc maltais, l'ambassadeur Castafieda ayant démissionné pour raison de santé le 13 octobre 1984, un nouveau juge ad hoc fut désigné en la personne de M. Valticos qui prêta serment le 26 novembre 1984, au début de la phase orale (3). C'est donc une Cour de 17 juges qui s'est prononcée sur l'affaire. On peut noter que conformément à l'article 13 § 1 du Statut, la Cour « telle qu'elle est composée en la présente affaire » a continué de siéger après le renouvellement partiel du 5 février 1985, avec la participation de deux juges sortants, M. Mosler et M. El-Khani, et sous la présidence du juge Elias (4). La majorité de 14 juges qui a voté l'arrêt comporte les deux juges ad hoc, ce qui suffit à montrer le caractère « équitable » de la solution retenue. Mais les raisonnements pour arriver à ce résultat sont beaucoup plus divergents, ce que traduit le nombre des opinions séparées. Si les trois juges de la minorité, MM. Mosler, Oda et Schwebel ont publié leurs opinions dissidentes, il est frappant que sept juges de la majorité aient pris position sur certains points de l'arrêt : MM. Ruda, Bedjaoui et le juge ad hoc Jiménez de Aréchaga ont présenté une opinion conjointe, MM. Sette-Camara, Mbaye et le juge ad hoc Valticos, des opinions individuelles, tandis que le juge El-Khani se contentait d'une brève déclaration. Si la solution adoptée par la Cour peut sembler un compromis ambigu, elle tranche le problème des sources du droit avec une netteté qui n'apparaissait pas toujours dans l'arrêt de la Cour de 1982 ou celui de la Chambre en 1984. Après les flottements des années soixante-dix et les hésitations concernant « les nouvelles tendances du droit de la mer», il semble bien qu'une étape soit franchie et que la Cour soit entrée dans l'après-1982, tant Montego-Bay a été au cœur des débats. C'est cette prise en compte du « droit moderne » qui fait tout l'intérêt de l'arrêt, car la solution du cas d'espèce est très limitée. Certes la Cour a élaboré un compromis acceptable pour les deux parties, d'autant plus que Malte et la Libye connaissent une phase de rapprochement spectaculaire marquée par le traité de coopération et d'amitié signé le 19 novembre 1984 (5). Mais en se bornant à fixer la délimitation entre les zones libyenne et maltaise sur un tronçon assez réduit des secteurs convoités, la Cour laisse subsister une série d'incertitudes. Non seulement les titres juridiques sont incertains, mais il reste à déterminer les Etats concernés : ce que la Cour n'a pu élucider en refusant l'intervention italienne, ne pourra pas plus être réglé par des négociations bilatérales parallèles. Si la Cour a esquivé avec élégance un obstacle de taille, elle n'en reste pas moins dans une impasse. C'est dire que la portée limitée donnée au compromis (I) ne peut guère être compensée par une définition élargie des principes applicables (II) pour éviter une solution incomplète du différend (III). (3) CR 1984/22, p. 11. (4) Rec. 1985, p. 20 § 13. (5) Le traité a été évoqué par l'Agent libyen, M. Suleiman (CR 1984/29, p. 21), tandis que l'Agent maltais, S.E. Mizzi parlait des relations fraternelles exemplaires entre les deux Etats voisins (CR 1984/22, p. 12). On peut ajouter que le 5 décembre 1984, le Parlement de Malte s'est prononcé en faveur du traité d'amitié par un vote de 33 voix contre 30. A la suite de ce vote, le Premier ministre, M. Mintoff a déclaré que le traité de 1980 avec l'Italie était «r caduc », le protocole d'aide économique étant arrivé à expiration. Mais pour l'Italie, la déclaration de neutralité de 1980 n'est pas liée au protocole qui lui-même était sur le point d'être renouvelé. 296 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE I LA PORTEE LIMITEE DU COMPROMIS Saisie sur la base bilatérale d'un compromis par deux Etats qui ont refusé l'intervention d'un Etat tiers, la Cour se trouve doublement limitée dans sa compétence : limitée à l'égard des parties (A), limitée à l'égad des tiers (B). A. — La limitation à l'égard des parties Dans son article I, le compromis stipule que la Cour est priée de trancher la question suivante : « Quels sont les principes et les règles de droit international qui sont applicables à la délimitation de la zone du plateau continental relevant de la République de Malte et de la zone du plateau continental relevant de la République arabe libyenne, et comment, dans la pratique, ces principes et ces règles peuvent-ils être appliqués par les deux Parties dans le cas d'espèce afin qu'elles puissent délimiter ces zones sans difficulté par voie d'un accord comme le prévoit l'article III ». L'article III prévoit en effet qu'après l'arrêt de la Cour, les deux gouvernements « entameront des négociations en vue de déterminer les zones respectives de leur plateau continental et de conclure un accord à cette fin conformément à l'arrêt de la Cour» (fi). Pour Malte, ces négociations doivent se réduire à une formalité, uploads/Geographie/ afdi-0066-3085-1985-num-31-1-2663 1 .pdf
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- Publié le Aoû 05, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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