Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin Numéro 53 – Septembre 2006 22 Don

Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin Numéro 53 – Septembre 2006 22 Données biologiques, éco-éthologiques et socio-économiques sur les groupes d’hippopotames (Hippopotamus amphibius) isolés dans les terroirs villageois en zones humides des départements du Mono et du Couffo au Sud-Bénin G. K. AMOUSSOU7, G. A. MENSAH8 et B. SINSIN7 Résumé Dans les zones humides des départements du Mono et du Couffo situés au Sud-ouest du Bénin, l’extension incontrôlée des activités anthropiques est devenue un danger permanent pour la faune sauvage en général et les hippopotames en particulier. Ainsi, il est devenu impérieux de trouver des alternatives de conservation intéressantes pour les communautés riveraines des plans d’eau abritant des hippopotames. Dans ce cadre, une étude a été conduite en 2002 dans 8 communes (Aplahoué, Athiémé, Bopa, Comé, Dogbo, Djakotomey, Grand-Popo et Lokossa). Plusieurs groupes de familles d’hippopotames ont été notés, allant des solitaires à des groupes de 5 individus. Cependant, l’effectif des groupes atteint parfois 10 têtes selon les populations riveraines. Ils sont répartis dans des lacs, mares, étangs, lagunes et fleuves de 0,2 km2 à plus de 85 km2 d’étendue. Au total, 30 hippopotames ont été directement observés (23 adultes et 7 jeunes) contre un effectif de 45 (35 adultes et 10 jeunes) obtenu par enquêtes auprès des populations locales. Les hippopotames sont facilement observables les matins entre 6 h et 8 h, les soirs entre 17 h 30 mn et 19 h 30 mn. Les cultures les plus ravagées par les hippopotames sont le maïs (Zea mays), le manioc (Manihot utilissima), la patate douce (Ipomea batatas), le coton (Gossypium sp.), le niébé (Vigna sp.) et la canne à sucre (Saccharum officinarum) pour la plupart à des fins alimentaires. Les activités de pêche et la navigation sur l’eau sont également perturbées par les hippopotames. Les espèces végétales de la famille des graminées et des cypéracées sont les plus représentées dans l’alimentation des hippopotames. Les pâturages naturels des hippopotames que sont les végétations herbacées des abords immédiats de leur habitat sont considérablement réduits au profit des champs, des plantations et des activités maraîchères. Le braconnage des hippopotames est le principal danger qui menace l’espèce dans la zone d’étude. Au total, 27 hippopotames ont ainsi été abattus de 1972 à 2002. Les conflits hippopotame-homme ont déjà entraîné la mort de 8 personnes. Malgré ces conflits, l’hippopotame occupe une place de choix dans la culture et l’alimentation des populations locales de la zone d’étude. Les 2/3 des personnes enquêtées ont reconnu l’attrait touristique de l’animal, sans lequel elles l’auraient déjà chassé de leur localité. Mots clés : actogramme, conflit hippopotame-homme, hippopotame, régime alimentaire, zones humides, Bénin. Biological, eco-ethological and socio-economic data on the isolated hippopotamus groups (Hippopotamus amphibius) in rural wetlands of Mono and Couffo departments in Southern-Bénin Abstract In the wetlands of the departments of the Mono and Couffo, located in the south-western corner of Bénin, uncontrolled human development presents a permanent pressure to the wildlife in general and, to the common hippopotamus (Hippopotamus amphibius) in particular. Given this pressure, it is important to find ways to conserve lakes, ponds, pools, lagoons, and riparian areas. To address these issues, a study was carried out on 2002 in 8 districts (Aplahoué, Athiémé, Bopa, Comé, Dogbo, Djakotomey, Grand-Popo and Lokossa). Numerous groups of hippopotamus families were identified, from lone individuals to groups of up to 5 Hippopotami were scattered in lakes, ponds, pools, lagoons and rivers of 0.2 km2 to more than 85 km2 wide. Thirty hippopotamus have been observed (23 adults and 7 juveniles) in lakes and rivers versus 45 hippopotamus (35 adults and 10 juveniles) observed by riparian communities. Hippopotamus were easily observed in the morning from 6 to 8 a.m. and the early evening from 5:30 to 7:30 p.m. The most devastated crops by hippopotamus are maize (Zea 7 Ir. Gautier Koffi Amoussou, ONG-AVPN, 04 BP 0338 Cadjèhoun, Cotonou, (Bénin) Tél. : (229) 79 52 24 / 47 06 50, E-mail : gk_amoussou@yahoo.fr , web : http://hippobenin.gq.nu Prof. Dr Ir. Brice Sinsin, Faculté des Sciences Agronomiques, Université d’Abomey-Calavi, 01 BP 526 Recette Principale, Cotonou, Bénin. E-mail : bsinsin@bj.refer.org 8Dr Ir. Guy Apollinaire Mensah, Centre de Recherches Agricoles d’Agonkanmey, Institut National des Recherches Agricoles du Bénin. E-mail : ga_mensah@yahoo.com / craagonkanmey@yahoo.fr Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin Numéro 53 – Septembre 2006 23 mays), cassava (Manihot utilissima), sweet potato (Ipomea batatas), cotton (Gossypium sp.), bean (Vigna sp.) and sugar cane (Saccharum officinarum). Fishing and boat traffic may also be negatively influenced by hippopotamus presence. Hippopotamus grazing was observed in areas of aquatic vegetation as well as in natural grazing areas and farms. Both types of habitats have been seriously reduced because of crop production, plantings and gardening activities. Poaching represents the major danger that threatens hippopotamus in the study area. 27 hippopotamus were killed from 1972 to 2002. Conflicts between hippos and humans have caused 8 human deaths. In spite of these conflicts, hippopotamus hold a special place in local populations’ food and culture. Two thirds of the people interviewed recognized the value of hippopotamus as a means to promote tourism and felt it was important to protect it in their localities. Key words: Wetlands, hippopotamus, activity chart, alimentary diet, hippopotamus-human’s conflict, Bénin. Introduction Pendant longtemps, les structures chargées de la protection et de la gestion de la faune au Bénin se sont toujours intéressées aux parcs nationaux. Aucune attention n’a été accordée aux espèces vivant dans les zones libres (non classées). Cet état de chose fait confronter actuellement l’hippopotame commun, le plus grand mammifère des zones humides du Sud-Bénin, au problème de la fragmentation de son habitat. Cette menace commune à toute l’Afrique de l’Ouest (IUCN, 1993 ; Onyeanusi, 1996) est la conséquence d’une utilisation non planifiée des terres. L’hippopotame commun, animal vivant autrefois sur de larges espaces, est présentement contraint à une vie restreinte dans les fleuves, mares, étangs, etc. Pour éviter la décimation de l’espèce désormais exposée à une chasse irrégulière dont les raisons sont multiples (recherche de l’ivoire, trophées, peaux, protéines animales), elle est protégée et classée sur l’appendice II de la convention CITES. Au Bénin, l’hippopotame commun est partiellement protégé depuis 1980 sous l’ordonnance n° 80-8 du 11 févier 1980, portant règlement sur la protection de la nature et de l’exercice de la chasse en République du Bénin. Cependant, ce statut attribué à l’animal n’a pu l’épargner des risques et des dangers dans les zones humides des départements du Mono et du Couffo en particulier. Il existe un rapport de conflit permanent entre les paysans et les hippopotames dans les zones agricoles à cause des dégâts causés sur les cultures par l’animal (Anadu, 1987 ; Osemeobo, 1990 ; Onyeanusi, 1996). L’hippopotame est l’un des grands mammifères qui contribue significativement à la satisfaction des touristes dans les parcs et réserves de faune. Par ailleurs, son importance pour la production halieutique est largement illustrée par l’IUCN (1993). De plus, sa propre chair reste une importante source de protéines dans plusieurs localités en Afrique (Asibey et Child, 1990). Au Bénin, les hippopotames vivant dans les zones humides des départements du Mono et du Couffo sont aussi soumis aux diverses menaces sus-énumérées (Guédou, 1999 ; Ago, 2001). Ceci a motivé l’initiation de deux (2) consultations par le Programme d’Aménagement des Zones Humides du Bénin respectivement en 1999 et en 2001. Cependant, il persiste un manque cruel d’informations scientifiques sur le nombre, la biologie, l’écologie et la distribution des hippopotames au Bénin (Guédou, 1999 ; Ago, 2001 ; Amoussou et al., 2004). Même dans les zones protégées du pays, les données relatives à la biologie et à l’écologie de l’animal sont absentes (Sinsin et Assogbadjo, 2001). C’est pour répondre à cet impératif qu’il a été entrepris la présente étude dans huit (8) communes des départements du Mono et du Couffo au Bénin de juillet à octobre 2002 avec pour objectifs de : • Connaître la dynamique de la population d’hippopotames ; • Caractériser l’habitat et déterminer le régime alimentaire de l’hippopotame ; • Etablir l’actogramme journalier de l’hippopotame dans l’un des lacs ; • Déterminer les relations et interactions entre hommes et hippopotames. Milieu d’étude Les départements du Mono et du Couffo, situés entre 6° 15’ et 7° 30’ de latitude Nord et 1° 35’ et 2° 10’ de longitude Est, couvrent une superficie de 4.110 km2 soit 3,6 % du territoire national. Cet ensemble de la région est limité à l’Ouest par la République du Togo, à l’Est par la vallée du Couffo, le lac Ahémé et le chenal Aho, au Nord-Est par le département du Zou et au Sud par l’Océan Atlantique sur une façade d’environ 40 km. Les zones humides objets de la présente étude sont situées dans les Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin Numéro 53 – Septembre 2006 24 communes d’Aplahoué, d’Athiémé, de Bopa, de Comé, de Djakotomey, de Dogbo, de Grand-Popo et de Lokossa. La zone bénéficie d'un climat subéquatorial et est caractérisée par la succession annuelle de 4 saisons : 2 saisons pluvieuses et 2 saisons sèches en alternance et d'inégales durées. uploads/Geographie/ amoussou.pdf

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