L'Europe des médiums et des initiés Annie Besant (1847-1933) Krishnamurti (1896

L'Europe des médiums et des initiés Annie Besant (1847-1933) Krishnamurti (1896-1986) par Jean PRIEUR 1987 Éditions Perrin De la Social Démocratie Fédération à la Théosophie La féministe Blavatsky aurait voulu pour successeur immédiat Annie Besant avec laquelle elle avait aussitôt sympathisé, mais les résistances à cette nomination avaient été extrêmement vives dans les milieux, en majorité victoriens, de la Society. Pas question de voir à la tête de la Société théosophique cette ancienne femme de pasteur, divorcée de surcroît, qui était passée de l'anglicanisme au théisme, puis à l'athéisme militant ; cette pétroleuse qui prônait le néomalthusianisme, le contrôle des nais- sances et la libération de la femme. Les milieux de libres penseurs qu'elle fréquentait, et Bernard Shaw lui-même, l'avaient conduite du radicalisme au Fabian Socialism, puis à la Social Démocratie Fédération d'obédience marxiste. Si encore elle était res- tée dans le domaine des idées ! Mais bientôt elle s'était lancée dans l'action sociale, organisant des cortèges, des manifestations, des grèves, entraînant les ouvrières d'une manufacture d'allumettes à l'assaut des bureaux de la compagnie. Or, voici qu'au sommet de sa gloire de syndicaliste, l'ex-femme du révérend Besant se convertit à la Théosophie après avoir lu La Doctrine Secrète. Nous avons vu comment Annie rendit visite à Helena et clama son enthousiasme pour ce livre. Helena, de son côté, appréciait le dynamisme et l'efficacité de sa cadette. Ses cheveux coupés, son foulard rouge de militante, ses jupes courtes et son caraco d'ouvrière ne lui déplaisaient nul- lement : ce non-conformisme vestimentaire n'était pas fait pour la choquer. Elle l'avait désignée comme dauphine, mais à sa mort, en 1891, ce fut le colonel Olcott qui monta sur le trône d'Adyar. Cette monarchie était en réalité un duumvirat, car Annie était devenue en une décennie la plus éminente, la plus active des théosophes. Quand, en 1907, le colonel se désincarna à son tour, elle fut élue présidente internationale de la Société... après quatre mois de tractations. Les oppositions les plus fermes à sa no- mination étaient venues cette fois moins des milieux européens que des milieux brah- maniques qui lui reprochaient de prendre parti contre le système des castes, le ma- riage des enfants, la situation humiliée des veuves... quand elles n'étaient pas brûlées, toutes pratiques contre lesquelles Gandhi lui-même et Mme Indira Gandhi furent im- puissants. Annie Besant était venue en Inde pour la première fois en 1893. Elle s'enthousias- ma pour ce pays où elle devait finir ses jours, où elle était persuadée avoir passé de nombreuses existences. Elle avait aussi vécu en Italie dans le corps de Giordano Bru- no, et, bien entendu en Egypte, dans celui de la belle Hypatie. Revenue sur sa terre d'origine, elle embrassa l'hindouisme : c'était sa septième conversion, ce fut la bonne. Ayant pris le chemin de Bénarès, elle y fonda le Central Hindu Collège et se prépara à jouer un rôle dans la vie politique de son pays d'adop- tion. Annie Besant avait pris parti pour l'émancipation de l'Inde dans le cadre de l'Em- pire britannique ; elle était pour l'indépendance dans l'interdépendance, tandis que Blavatsky et Olcott étaient pour l'indépendance pure et simple. Quelque temps avant la Première Guerre mondiale, elle se jeta dans le mouvement indépendantiste Home Rule League auquel elle apporta l'appui de son Madras – 2 – Newspaper. Ayant refusé de cesser toute agitation pendant les hostilités, elle fut in- ternée par les Anglais en 1917. A sa libération, les Indiens reconnaissants choisirent l'auguste martyre comme présidente de leur Congrès national. Mais son influence commença à décliner quand elle prit position contre les natio- nalistes extrêmes qui préconisaient la résistance passive et la désobéissance civile. De ces méthodes, expliquait-elle, ne résultent que violence et bains de sang. C'est alors que Mohlal, Nehru et Gandhi se détachèrent d'elle, la soupçonnant de faire le jeu de l'impérialisme anglais. Mais nous sommes en 1909 et, pour l'instant, Annie Besant vogue vers les Indes sans arrière-pensée politique. A chaque escale, elle trouve une lettre de Leadbeater qui lui envoie le récit des vies de Krishnamurti au fur et à mesure qu'il les rédige. Krishnamurti, alors adolescent, était né en mai 1895, dans une bourgade située à environ deux cents kilomètres de Madras. Il était le huitième enfant d'une famille de la caste brahmane et reçut le nom de Sri Krishna, car le dieu, lui aussi, avait été le huitième. Son père, Naraniah, était membre de la Société théosophique depuis 1882. Sa mère, Sanjeevamma, qu'il perdit à l'âge de dix ans, lui avait appris à prier et à exé- cuter les rites. Les rites et les castes ! pour Sanjeevamma, c'était plus important que la respiration. On ne se mariait pas entre gens de castes différentes, et pour changer de caste, il fallait attendre une prochaine vie. Les Européens étaient assimilés aux intou- chables. Sanjeevamma aurait jeté tout aliment souillé, ne fût-ce que par l'ombre d'un Européen. Un Anglais était-il entré dans la maison pour affaire officielle que les pièces où il s'était tenu étaient toutes lavées à grande eau et que les enfants se voyaient habillés de vêtements propres. Tel était l'environnement dans lequel naquit Krishnamurti, nous dit Mary Lutyens, dans la biographie qu'elle lui a consacrée 1. Après la mort de leur mère, Krishnamurti et Nityananda sont livrés à eux-mêmes, ils errent autour du Centre théosophique d'Adyar. Ils regardent Leadbeater et son se- crétaire, Ernest Wood, jouer au tennis ou se baigner dans la mer. Leadbeater s'inté- resse de près à ces deux petits garçons, il leur apprend l'anglais et la natation, puis demande au père la permission d'examiner leurs vies antérieures, en particulier celles de Krishnamurti qu'il voit appelé à un grand destin. Il en tirera un ouvrage les Vies d'Alcyone qui paraîtra en feuilleton dans le Theosophist, Alcyone étant le nomen mysticum, le nom d'étoile, qu'il a donné à ce garçon de quatorze ans auquel il prédit un avenir digne du Christ ou du Bouddha. Ces vies, toutes prestigieuses on s'en doute, couvraient une période qui s'étendait de l'an 22662 avant Jésus-Christ à l'an 624 après lui. D'ailleurs, il remontait encore plus haut et plus loin que l'an 22662 (admirez la précision), il remontait jusqu'aux singes sacrés qui gambadaient autour du trône de Brahma. C. W. Leadbeater à Annie Besant, 6 octobre 1909. « J'ai acquis la conviction que l'on retrouve, comme facteur dominant dans cha- cune de ces vies, l'influence de Maître K. H. (Koot Hoomi). La relation étroite entre Alcyone et ce Maître, ainsi que celle établie avec Maître D. K. (Djwal Kul) est l'un des traits les plus significatifs de cette série de vies. Dans sa vie actuelle, Alcyone est un garçon de treize ans et demi nommé Krishnamurti, fils de votre éminent secrétaire adjoint Naraniah. De même, son père actuel apparaît de temps en temps au cours de ces différentes vies et porte le nom d'Antarès ; Mizar, son petit frère, est un person- nage important et sa défunte mère Oméga, comme son grand frère Regulus appa- raissent aussi mais avec un intérêt moindre. Avec l'aide de M. Clarke, j'essaie de lui 1Aux éditions Arista. – 3 – apprendre à parler anglais et j'espère avoir accompli des progrès avant votre arrivée 2. » Dans onze de ses vies, Alcyone était une femme. En revanche, Mme Besant qu'il retrouvait, bien entendu, dans chaque existence apparaissait sous le nom d'Héraclès. Avec Antarès, son père, Mizar, son frère cadet, Regulus, son frère aîné, Oméga, sa vraie mère, Héraklès, sa mère adoptive, avec Sirius, Leadbeater qu'il appelait Oncle, le jeune Alcyone-Krishna s'avançait parmi les constellations et des personnes du meilleur autre monde. Pendant les loisirs de sa longue traversée, Annie Besant continue à lire les lettres que lui envoie le bon Oncle : C. W. Leadbeater à Annie Besant, 4 novembre 1909. « Je vous envoie ci-joint le récit de dix autres vies d'Alcyone en espérant que vous prendrez le temps de les lire à bord du paquebot car, à mon avis, il est important que vous les voyiez avant votre arrivée 3. » C. W. Leadbeater à Annie Besant, 11 novembre 1909. « Je vous adresse à l'escale de Port-Saïd une autre « fournée » de réincarnations d'Alcyone. Elles correspondent à la période précédant la série que je vous ai déjà communiquée, ce qui porte à vingt le nombre de ses vies connues actuellement et vous conviendrez qu'elles sont d'un intérêt transcendantal 4. » Ces « transcendently interesting » elucubrations séduisirent en effet Annie Besant qui fut persuadée, elle aussi, que le jeune garçon était la réincarnation de tous les grands Maîtres spirituels qui s'étaient succédé sur la Terre, y compris Jésus. Le message des Églises chrétiennes retentit à Noël sous la forme : Christ est né, et à Pâques sous la forme Christ est ressuscité. Annie Besant avait trouvé une meilleure formule : Christ est réincarné. Il est réincarné parmi nous. Préparez-vous à l'adorer. Et dans son Introduction à la Théosophie, elle vaticine : « Maitreya, bien avant de se manifester en tant que Christ, était apparu dans uploads/Geographie/ annie-besant-1847-1933-et-krishnamurti-1895-1986-par-jean-prieur.pdf

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