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HAL Id: hal-01806106 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01806106 Submitted on 1 Jun 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Pisé ”technique”: traditions, évolutions, résistances, innovations et projections Hubert Guillaud, Patrice Doat, Arnaud Misse, Sébastien Moriset To cite this version: Hubert Guillaud, Patrice Doat, Arnaud Misse, Sébastien Moriset. Pisé ”technique”: traditions, évo- lutions, résistances, innovations et projections. 2016. hal-01806106 1 Pisé “technique”: traditions, évolutions, résistances, innovations et projection Hubert Guillaud, Patrice Doat, Arnaud Misse, Sébastien Moriset Unité de recherche AE&CC Architecture, environnement et cultures constructives Laboratoire CRAterre Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble Introduction La technique du pisé a été utilisée par les bâtisseurs depuis au moins trois millénaires, sans évolution majeure jusqu’au XX° siècle. Une véritable révolution culturelle et technique s’est opérée après la Seconde Guerre Mondiale. Engagée en Australie, puis aux Etats-Unis d’Amérique avec l’emploi de nouveaux types de coffrages et outils de compactage de la terre, elle contribue alors au développement de nouveaux concepts architecturaux et systèmes constructifs agissant sur les espaces, la forme et la structure des ouvrages en pisé. Ce progrès de la technique a facilité d’autres étapes d’évolution vers la préfabrication de gros blocs et pans de murs en pisé répondant à un objectif de meilleure productivité sur les chantiers jusqu’alors très intensifs en main d’œuvre et de moins en moins compétitifs. Aujourd’hui, la « survie » de cette culture constructive millénaire qui valorise l’emploi direct de la terre « au pied du mur » semble être davantage exposée à la pression de l’impératif économique mais aussi à la rapide évolution des normes de construction (sécurité, énergie,…) qui pourraient s’opposer à la continuité du pisé. Simultanément, les récentes et nouvelles directions de la recherche fondamentale sur la matière terre, les innovations portées par la recherche et développement (R&D) en construction en terre crue qui expérimentent les bétons de terre coulée pourraient contribuer à accélérer un processus de disparition du pisé. Y a-t-il encore un possible avenir pour le pisé et pour quelles raisons valables et viables ? Nous revisitons ici cette trajectoire historique de la technologie du pisé, entre traditions, évolutions, résistances, innovations et posons les termes d’un argumentaire favorable à une nouvelle étape de projection. 1. Repères d’histoire du pisé Le procédé de mise en œuvre de la terre crue par compactage dans des coffrages en bois est pratiqué depuis l’Antiquité. En région méditerranéenne, la communauté scientifique s’accorde aujourd’hui sur l’invention de ce procédé de construction en terre « massive » par les phéniciens qui fondèrent la colonie de Carthage en 814 av. n.è. sur les pentes des collines de Byrsa (site de Tunis). Ce qui n’exclut aucunement que ce procédé de construction en terre ait pu être aussi imaginé sous d’autres latitudes, en d’autres cultures et à d’autres époques, ou transféré (Amérique latine, Etats-Unis, Australie). Mais, sur cette question, aucun bilan exhaustif n’a encore été fait. A Carthage, bien que la construction ait été reconnue comme de nature très éclectique, associant plusieurs matériaux 2 (pierre et terre notamment) en remplissage d’un système à piliers maçonnés (opus africanum), le pisé est resté couramment utilisé jusqu’à la destruction de la cité par les Romains, comme l’ont montré les rapports des fouilles menées par Serge Lancel et Jean-Paul Thuillier (1979 et 1982). Le fonds méditerranéen nord africain de la culture du pisé était « posé » et influença sans aucun doute les pratiques romaines dont font ensuite état les écrits de Varron (De Res Rusticae, I, 14, 40) au 1er siècle av. n.è., de l’agronome espagnol Columelle (De Re Rustica, X, 1,2 et XI, 3,2), au 1er siècle de n.è. et jusqu’au 5ème siècle avec Palladius (Opus Agriculturae, I, 34). Il sera réapproprié par de nombreux auteurs ibériques qui témoignent d’une grande culture architecturale épanouie en Espagne (Isidore de Séville, fin 5°, début 6° siècle ap. n.è.), puis aux époques maures (Al Razi, Al Bakri, Al Himrayi, Ibn Jaldùn et d’autres), comme en témoignent les travaux de l’historienne de l’Art Juana Font Arrellano (2007). Ces textes sont aujourd’hui connus des chercheurs intéressés par le sujet mais on doit relever que la dimension « technique » du pisé, n’a pas été toujours précisément décrite. Avec la Renaissance, Léon Battista Alberti (De Re Aedificatoria, Livre III, trad. J. Martin, 1553, p. 48-49) reste aussi peu disert sur cette dimension comme d’ailleurs le seront Charles Estienne et Jean Liébault dans leur fameux traité de La Maison Rustique ou l’économie générale des biens de la campagne (1564 et nombreuses rééditions aux cours des deux siècles suivants). Le propos avantageux sur le pisé reste surtout « économique ». Ce sont les discours et essais savants des Académies des Sciences, Arts et Belles Lettres qui se multiplient en Europe au XVIII° siècle, et les premiers traités d’architecture rurale produits au cours de la deuxième moitié de ce même siècle, qui traduisent un intérêt plus « technique ». Peut-être car s’agit-il alors d’être « au pied du mur » pour améliorer la solidité et la salubrité des constructions rurales en majorité faites de bois et torchis, à toitures en bâtière de chaume, très exposées aux incendies (arguments valorisés alors). Le Mémoire sur la construction des murs en terre de Guillaume-Marie Delorme lu à Amiens le 17 mars 1745, étonnement précis sur la description du pisé, précède d’autres écrits dont certains désormais fameux comme Le Cours Complet d’Agriculture (1786) de l’Abbé Rozier (1734- 93) dans lequel l’architecte lyonnais François Boulard donne une description plus « méthodique » (à la demande de l’Abbé) de la technique (qualité de la terre, outillage et procédé de mise en œuvre). Suivra l’Art du Maçon Piseur (1772) de Georges-Claude Goiffon qui, cette même année, publiait un rapport sur le pisé dans Le Journal de Physique que venait de racheter en 1771 le même Abbé Rozier. François Cointeraux avec ses trois fameux Cahiers d’école d’architecture rurale (1790 et 1791) s’inscrira dans cette longue lignée d’essais sur le pisé qui sera considéré à l’égal d’autres matériaux et techniques de construction dans le Traité de l’Art de Bâtir (1817) de Jean-Baptiste Rondelet (1743-1829) décrivant la méthode lyonnaise et dauphinoise. C’est à partir de ce fonds méditerranéen antique et moderne, puis européen et plus largement international (traductions des cahiers de François Cointeraux 1) que le modèle technique du pisé traditionnel, passant les siècles, 3 allait assurer sa permanence jusque dans des pays et continents éloignés (Australie, Etats-Unis) mais sans remise en question ni innovation fondamentale, acceptant quelques variantes régionales ou locales. La Révolution industrielle du XIX° siècle entamait un processus de déclin du pisé technique « traditionnel » qui sera plus tard accéléré en France avec l’extermination des charpentiers piseurs (boiseurs des tranchées) lors de la Première Guerre Mondiale et abouti dans les années 1950. Aujourd’hui, cette technique traditionnelle, dans sa forme intensive, demeure essentiellement dans les régions en développement où la main d’œuvre reste bon marché. Ce n’est qu’à partir de la fin des années 1970 qu’un renouveau s’opère, sur fond des deux crises de l’énergie successives (1973 et 1979). Un processus de nouvelles expérimentations et d’innovation, liant étroitement technique et économie, développe alors de nouveaux types de coffrages grimpants aux Etats-Unis (Miller et Miller 1980), des techniques de préfabrication de blocs (Meunier 1987) ou de portions de murs trumeaux (Rauch 2001) visant à abaisser les coûts d’exécution dans des régions à main d’œuvre chère, ou encore des coffrages spéciaux pour la reconstruction en région à risque sismique (Minke 2001). Aujourd’hui, les entreprises qui souhaitent continuer à construire en pisé dans les pays industrialisés se heurtent au handicap économique de la technique (coût élevé de la main d’œuvre) et à l’étroitesse du marché, cela malgré de nouveaux arguments écologiques en faveur du procédé de construction. En effet, si les arguments économiques restent plus que jamais très influents, les arguments énergétiques semblent prendre le dessus avec le paradigme du développement durable. Ce sont les propriétés thermiques (masse et inertie) et régulatrices du confort (transferts hydriques, changement de phase) qui sont mises en valeur. On se dirige aussi vers l’utilisation du pisé en enveloppe ou « peau » externe et interne réalisée en petits éléments moulés mais plus encore vers de nouvelles techniques de construction en terre massive à partir de bétons de terre coulée dès lors que seront mieux maîtrisés les paramètres rhéologiques (coulage de la matière). Hors les régions du monde ou le pisé traditionnel demeure « viable » (coût inférieur de la main d’œuvre), l’hybridation des matériaux et des systèmes constructifs s’impose et fait l’objet de programmes de recherche et développement (Grands Ateliers de Villefontaine, Isère ; entreprises déposant de nouveaux brevets) comme de réalisations résolument contemporaines (Etats-Unis, Australie, Corée du uploads/Geographie/ article-actes-cointeraux-h-guillaud-et-alii.pdf
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- Publié le Sep 28, 2022
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