Olivier Keller Aux origines de la géométrie. Première partie : Le Paléolithique

Olivier Keller Aux origines de la géométrie. Première partie : Le Paléolithique et le monde des chasseurs-cueilleurs Originellement publié par les éditions Vuibert en août 2004, avec une préface de Denis Vialou, professeur au Museum National d’Histoire Naturelle, sous le titre : Aux origines de la géométrie. Le Paléolithique et le monde des chasseurs-cueilleurs. Mis en ligne en septembre 2016. 1 TABLE DES MATIÈRES Avant propos………………………………………………………………………………..1 Chapitre I : Problèmes et méthodes…………………………………………………………6 1- Le début des mathématiques…………………………………………………………….6 2- Les travaux antérieurs……………………………………………………………………7 3- Les sources………………………………………………………………………………9 3-1 Les sources archéologiques……………………………………………………...…11 3-2 Les sources ethnographiques………………………………………………………23 3-3 Les sources didactiques……………………………………………………………33 4- La difficulté de penser une gestation des mathématiques……………………………...44 4-1 Dégénérescence, ou éloignement progressif du vrai………………………………45 4-2 La fixité……………………………………………………………………………51 4-3 Finalisme, ou dévoilement progressif du vrai……………………………………..52 5- Méthode et plan………………………………………………………………………..55 5-1 Unité humaine……………………………………………………………………..55 5-2 La pensée au travail……………………………………………………………….59 5-3 Laissez-les vivre !…………………………………………………………………60 5-4 Plan………………………………………………………………………………..60 Chapitre II : La lignée humaine, et sa corrélation avec la lignée technique de l'industrie lithique……………………………………………………………………………………….62 Chapitre III : Premiers tranchants. Industrie oldowayenne…………………………….78 Chapitre IV : Façonnage bifacial. Industrie acheuléenne………………………………..92 1- Les objets………………………………………………………………….….…..92 2- La classification de François Bordes………………………………………..……95 3- Caractéristiques générales……………………………………………………….101 4- Evolution au cours du temps…………………………………………………….105 5- Le mystère des bifaces…………………………………………………………..109 6- Géométrie sous-jacente………………………………………………………….115 2 Chapitre V : Débitage systématique. Industries moustériennes et laminaires…………125 1- Le débitage levallois…………………………………………………………….126 2- Débitage laminaire………………………………………………………………136 3- Retouches d'éclats et de lames. Microlithes géométriques………………………139 4- Géométrie sous-jacente………………………………………………………….148 5- Tableau récapitulatif du génie lithique de la préhistoire………………………...153 Chapitre VI : L'art pariétal et mobilier du Paléolithique supérieur : temps, lieux et techniques……………………………………………………………………………..……155 1- Temps et lieux…………………………………………………………………….158 2- Objets et techniques………………………………………………………………163 Chapitre VII : L'art pariétal et mobilier du Paléolithique supérieur : le contenu et son ordre………………………………………………………………………..………………166 1- Contenu reconnaissable : les figurations………………………………………...167 2- Contenu non reconnaissable : les signes………………………………………...172 3- Le désordre de la paroi…………………………………………………………..177 4- L'ordre des signes et du décor mobilier………………………………………….184 Chapitre VIII : Géométrie du graphisme pariétal et mobilier : pensée sous-jacente, inventions et découvertes…………………………………………………………………..198 1- L'émergence de la pensée primitive : l'invention des deux mondes……………..198 2- Lieu de travail : l'origine de la surface de représentation………………………..207 3- Lieu de travail : la surface de représentation et son évolution…………………..215 4- Structuration locale de la paroi par la représentation……………………………224 5- Structuration globale de l'objet décoré : la surface rythmée…………………….230 6- Production de nouveaux objets : les figures et leurs éléments…………………..235 Chapitre IX : La logique du graphisme dans le mode de pensée chasseur-cueilleur : l'exemple des aborigènes australiens……………………………………………………..242 1- Le Temps du Rêve………………………………………………………………248 2- La puissance efficace du graphisme et la "raison généalogique" : obstacles au développement d'une géométrie indépendante…………………………………..258 3 3- Protection du secret par la "géométrisation" des motifs, polysémie des signes et polysignalisation des réalités : éléments favorables à une géométrie indépendante……………………………………………………………………..267 4- Conclusion : la logique du graphisme chasseur-cueilleur……………………….275 Épilogue…………....………………………………………………………………………..277 Références bibliographiques………………………………………………………… …...280 -oOo- 4 AVANT-PROPOS L'histoire de la gestation de la géométrie, c'est-à-dire de sa vie embryonnaire depuis les débuts de la préhistoire humaine jusqu'à sa naissance proprement dite en Grèce antique, n'a jamais été abordée dans son ensemble. Dans le présent ouvrage, consacré au Paléolithique et au monde des chasseurs- cueilleurs, nous serons en compagnie des tailleurs d'outils de pierre qui ont imposé depuis plus de deux millions d'années une régularité préconçue à une matière brute, en structurant progressivement leur espace de travail suivant ses trois dimensions. Nous essayerons également de comprendre comment, il y a vingt ou trente mille ans, le mode de pensée des chasseurs-cueilleurs sapiens a produit, par le biais de mythes et de rituels à base de graphisme symbolique, la surface de représentation, les figures de la géométrie en dimension deux et leurs éléments. La gestation de la géométrie ne s'arrête pas là. Dans une suite à paraître bientôt, Des premiers paysans aux premiers philosophes1, il s'agira des premiers paysans bâtisseurs, inventeurs des figures en dimension trois et d'un espace à vocation totalitaire, structuré par les mouvements apparents du soleil ; des scribes mathématiciens des grandes civilisations antiques ; des prêtres védiques posant et résolvant admirablement des problèmes de construction d'autels ; des penseurs grecs pré- et postsocratiques enfin, créateurs des conditions intellectuelles de la naissance des Eléments d'Euclide, premier traité de mathématiques au sens où on l'entend de nos jours. L'ouvrage présenté ici est une première, s'agissant de son esprit et d'une grande partie de son contenu. Il fallait bien, par conséquent, en montrer la nécessité, justifier les chemins empruntés, expliquer le choix des sources et discuter leurs interprétations possibles, et surtout se démarquer nettement du relativisme qui gangrène et stérilise les sciences humaines actuelles : le chapitre I est consacré à ces questions, et le lecteur pressé d'entrer dans le vif du sujet peut commencer directement au chapitre II ou même au chapitre III. Comme d'autre part les germes de géométrie décelables dans l'activité humaine préhistorique sont incompréhensibles sans leur contexte, il fallait bien également que je me mêle à plusieurs reprises de questions générales et parfois même de questions controversées, comme par 1 Paru chez Vuibert en 2006 sous le titre : Une archéologie de la géométrie. Peuples paysans sans écriture et premières civilisations. 5 exemple de la spécificité de l'action humaine (chapitre II), de la pensée primitive (chapitre VIII), ou du parallèle entre les peuples traditionnels actuels et nos ancêtres de la préhistoire (chapitre I entre autres) : contextualisation indispensable sans laquelle ce livre ne serait qu'une ennuyeuse collection de "curiosités" sans lien entre elles. Ce travail émane d'une thèse soutenue en 1998 à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris. Je me dois de remercier vivement tous ceux qui, à cette occasion, se sont intéressés à cette recherche et m'ont aidé, directement ou indirectement : Jean Dhombres (EHESS), directeur de thèse, Jean-Jacques Cleyet-Merle et Chantal Fortin (Musée National de Préhistoire des Eyzies de Tayac), le regretté Docteur Jean Gaussen, propriétaire de la grotte du Gabillou en Dordogne, Barbara Glowczewski (Laboratoire d'anthropologie sociale du CNRS), le professeur Francis Buekenhout (Université Libre de Bruxelles) ainsi que tous les amis du groupe Altaïr (Bruxelles), Denis Vialou et Christiane Leroy-Prost (Museum National d'Histoire Naturelle), François Sigaut (EHESS), Maurice Caveing, Cécile et Gilbert Arsac (Université Lyon I), Eric Brian (EHESS), et les amis de la Commission Inter-Irem d'Histoire et d'Epistémologie des Mathématiques. J'ai grandement bénéficié du séminaire dirigé par Olivier Aurenche à l'université Lyon II, ainsi que de la remarquable bibliothèque de la Maison de l'Orient Méditerranéen. Je remercie aussi ma fille Anne Spanek pour avoir courageusement mené à bien, en dépit des harcèlements de deux bambins, la tâche fastidieuse du dessin de dizaines de "cailloux". And last but not least, thanks to Helen. Olivier Keller Février 2004 6 CHAPITRE 1 : PROBLÈMES ET MÉTHODES 1- Le début des mathématiques. Un des problèmes de l'histoire des mathématiques est celui de son point de départ : depuis quand fait-on des mathématiques ? La forme actuelle, triomphante, de cette science, la forme hypothético-déductive explicite, peut être clairement datée de quelques siècles avant notre ère, dans le monde hellénique ; des nombreux "Eléments" de mathématiques de cette époque, il ne nous reste en entier que les magnifiques Eléments d'Euclide, datés d'environ – 300. Une forme aussi belle, aussi achevée ne naît pas spontanément ex nihilo ; on a mis cependant du temps à se rendre compte que des mathématiques dignes d'intérêt avaient existé avant Euclide ou ses prédécesseurs immédiats. En 1758, Montucla1 passe en revue ce que l'on sait à cette époque des sciences égyptienne et "chaldéenne", c'est-à-dire à peu près rien, sinon des légendes. En 1906, Rouse-Ball2 ne dispose que de la première traduction du papyrus Rhind, découvert à Thèbes en 1857, et véritable manuel de mathématiques de l'Egypte antique du début du deuxième millénaire avant notre ère. La situation s'améliore à partir des années 30 de ce siècle, avec la publication par Struve du papyrus de Moscou3 et celle des premières traductions de tablettes babyloniennes par Thureau-Dangin4 et Neugebauer5. Il faut attendre 1968 pour qu'apparaisse une traduction en langue occidentale du Jiuzhang suanshu6 (Neuf chapitres de l'art du calcul), classique chinois daté de la période des Han. A la fin du siècle dernier et au début de celui-ci, Thibaut et Bürk7 publient une traduction de certains Sulbasutras (ou "aphorismes de la corde") de l'Inde védique ; ils n'ont alors suscité que très peu d'intérêt chez les historiens des sciences, ce qui est un phénomène curieux si on le met en regard de l'impressionnante quantité de textes consacrés aux mathématiques égyptiennes et babyloniennes. Sommes-nous influencés par les vieux maîtres de l'antiquité grecque, au point de suivre encore inconsciemment, plus de deux millénaires après eux, leurs indications sur l'origine moyen-orientale des mathématiques grecques, donc de toute mathématique? 1 (Montucla et Lalande 1968) 2(Rouse-Ball 1906-1907) 3 (Struve 1930). Le papyrus mathématique de Moscou fut acheté à Thèbes en 1893, et il est daté de la même époque que le papyrus Rhind. 4(Thureau-Dangin 1938) 5(Neugebauer 1935) 6(Vogel 1968) Une traduction anglaise de ce texte vient de paraître : [Kangshen, 1999] 7 Références dans (Sen et Bag 1983) 7 Il est désormais établi que de solides connaissances mathématiques existaient un bon millier d'années avant Euclide. Mais, de uploads/Geographie/ aux-origines-de-la-geometrie-premiere-partie-le-paleolithique-et-le-monde-des-chasseurs-cueilleurs.pdf

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