PRODUITS DE LA MER N°187 NOVEMBRE 2018 ❘ 20 ❘ Actu ❘ FOCUS BRETAGNE Face à la m

PRODUITS DE LA MER N°187 NOVEMBRE 2018 ❘ 20 ❘ Actu ❘ FOCUS BRETAGNE Face à la menace du Brexit BRETAGNE Les incertitudes concernant le départ imminent du Royaume-Uni de l’Union européenne obligent la filière bretonne des produits de la mer à se réinventer. Elle s’y emploie déjà, mais doit encore aller plus loin. son chaque année. D’ailleurs, le vice-pré- sident insiste sur les efforts consentis à Lorient, Douarnenez, Roscoff ou encore Erquy pour moderniser les criées. Il rap- pelle les engagements pris vis-à-vis de celles du Guilvinec et de Concarneau pour 2021. Mais demain ? Un important reflux des débarques pourrait compromettre l’activité de certaines de ces criées. Si les pêcheurs français n’ont plus d’accès à la zone éco- nomique exclusive britannique, les volumes vendus sous criée pourraient chuter, notamment sur la façade nord. Rien ne dit que les apports achetés outre-manche par les cellules commerciales des halles à marée suffiront à pallier le manque. Cette activité représente aujourd’hui pour chacun des ports comme Lorient et Le Guilvinec plus A lors que la pêche bretonne reprend des couleurs depuis quelque temps, c’est un bon moment pour investir », invite Pierre Karleskind, vice-président de la région Bretagne chargé de la mer et des infrastructures portuaires, qui n’oublie en rien l’instabilité engendrée par le Brexit. Aussi floue soit la menace, elle est prise très au sérieux. Ce territoire représente près de la moitié de la pêche française avec une flotte de 1 200 navires et un tissu aval de quelque 500 entreprises – mareyeurs, trans- formateurs et poissonniers. « Environ 40 % de la pêche bretonne dépend des zones bri- tanniques », évalue Pierre Karleskind. Pour l’heure, rien ne remet en cause le réseau des 13 halles à marée qui voit débarquer près de 90 000 tonnes de pois- 1 944 emplois équivalent temps plein pour 310 acheteurs enregistrés en 2017 au sein de l’Abapp, dont 45 % de poissonniers, 43 % de mareyeurs, 10 % de GMS et 2 % de conserveries. 85 402 t achetées en 2017 au sein de l’Abapp pour une valeur de 300,6 millions d’euros, et donc un prix moyen à l’achat de 3,52 euros/kg. Enquête : Bertrand TARDIVEAU L.F. PRODUITS DE LA MER N°187 NOVEMBRE 2018 ❘ 21 ❘ Actu ❘ FOCUS BRETAGNE Les ÉCH S des PROS ▼ Les bases avancées de la Scapêche en question ▼ Crainte d’une double peine pour Hent ar Bugale “ L’essentiel des quelque 200 tonnes que je traite provient de la pêche côtière. Je travaille forcément avec quelques opérateurs écossais qui m’assurent que rien ne va changer fondamentalement avec le Brexit. Mais c’est plus un senti- ment qu’une certitude. Aujourd’hui, le principal problème est que nous sommes sans visibilité, dans le brouillard le plus complet. Alors que l’échéance approche, les nouvelles règles du jeu nous restent étrangères. Et sans réel accord entre les parties, on peut anticiper un repli des gros opérateurs sur le marché domestique avec de réelles tensions sur nos approvisionnements en criée. » Jean-René Cadalen, gérant de Brest Marée “ La situation actuelle rend impossible tout espoir de se projeter et d’investir. Sur les six navires de notre flottille, une moitié travaille l’hiver autour du cap Lizard pour assurer environ 20 % de ses captures. Nous risquons donc de voir s’échapper une partie de nos ressources, mais pas autant que plusieurs armements costarmoricains dont les chalutiers et fileyeurs dépendent fortement des côtes britanniques. La vraie menace, c’est que leur effort de pêche soit reporté sur nos zones habituelles, accentuant de fait la pression sur les stocks. » Serge Guyot, président de l'armement Hent ar Bugale “ Sans parler de l’accès aux zones de pêche, la perspective du Brexit nous place dans une situation délicate par rapport à nos bases avancées, que ce soit en Écosse ou en Irlande. Le poisson que nous pêchons est rapatrié à Lorient par camion et par ferry à Roscoff, Cherbourg ou Caen, avec généralement un passage obligé par l’Angleterre. En cas de réorganisation de nos lignes logistiques, nous risquons une augmentation des distances et temps de transport difficilement compatible avec un produit ultrafrais comme le poisson, mais aussi avec notre équilibre d’exploitation. » Jean-Pierre Le Visage, directeur de la Scapêche ▼ Attente et incertitudes pour Brest Marée de 1 000 tonnes par an. Crustacés, lingue franche, merlan, cabillaud et même bau- droie pourraient venir à manquer, fragili- sant les criées certes, mais aussi l’aval de la filière, mareyeurs en tête. Car même si l’import peut se renforcer, avec des cours des matières premières dont les taux de change compenseront les droits de douane, la question est : dans quelles conditions ? Les barrières douanières non tarifaires pourraient faire perdre du temps dans un univers du frais où l’urgence est de mise. Pour l’aval de la filière, l’interro- gation est presque moins de préserver un accès aux stocks pêchés dans les eaux bri- tanniques que d’optimiser et sécuriser la chaîne d’approvisionnement, en mainte- nant l’attractivité des halles à marée. « Il faut qu’elles apportent une plus- value aux pêcheurs pour les inciter à débarquer leurs produits dans la région », insiste Pierre Karleskind. Devenir une place de marché compétitive, attirant des acheteurs d’ici et d’ailleurs pour assurer des prix de première vente à la hauteur des ambitions des pêcheurs est l’une des missions assignées au groupement inter- portuaire (Gip) Pêche de Bretagne créé au début de l’été. Son directeur, Yves Guirriec, ancien responsable de la criée de Lorient, mise pour réussir sur « l’amélioration des informations transmises aux acheteurs, tant en termes de lisibilité que de flui- dité ». Le Gip va donc soutenir l’extension de l’usage de la plateforme logicielle Tracabapp dans les différentes criées de Bretagne, à commencer par Roscoff et Brest. Développée par l’Association bre- tonne des acheteurs des produits de la pêche (Abapp), elle permet de collecter et de transmettre de façon quasi automa- tique les données de pêche nécessaires à la constitution des lots. Mais son efficacité dépendra aussi de la capacité des criées bretonnes à harmo- niser les méthodes et les critères de tri. « C’est inacceptable d’avoir des appré- ciations variables d’une criée à l’autre lorsque l’on parle de taille ou de fraîcheur d’un poisson », s’indigne en effet Jennifer Leroux, responsable filière pour l’Abapp. « Malheureusement, c’est parfois le cas », avoue Yves Guirriec. Pour corriger le tir, un groupe de travail doit donc livrer, d’ici la fin de l’année, une base de données cohérente. Elle sera largement partagée dans le cadre d’un important volet forma- tion auprès des employés de marée, des criées, etc. n B.T. B.T. B.T. PRODUITS DE LA MER N°187 NOVEMBRE 2018 ❘ 22 ❘ Actu ❘ FOCUS BRETAGNE En réponse aux difficultés croissantes d’accès à la ressource, plusieurs acteurs ont fait le pari de méthodes innovantes pour proposer les produits de nos côtes sur des circuits bien valorisés. La stratégie employée par Qwehli n’est pas isolée. En créant, en 2010, Cinq Degrés Ouest, Alexis Taugé est parvenu à matéria- liser la vision de son grand-père François Cadoret, ostréiculteur qui cherchait à décor- tiquer et surgeler les huîtres pour mieux les conserver et les valoriser. D’abord implantée à Riec-sur-Bélon (Finistère) avec l’appui de son cousin Jean-Jacques Cadoret, sa société rencontre un essor fulgurant. Son secret ? Un process associant le décorticage à froid au moyen d’une cellule hyperbare, la surgé- lation IQF de la chair suivie d’un condition- nement sous-vide. Avec 10 millions d’euros de chiffre d’affaires et plus de 45 salariés, il était temps de déménager. Cinq Degrés Ouest a inauguré cet été son nouvel atelier de plus de 2 000 m2 sur le port de Lorient Keroman. Un investissement de plus de 4 millions d’euros soutenu par Christian Guyader, président de la société éponyme. Les crustacés, homards bleus (200 tonnes), homards canadiens (120 tonnes) et lan- goustines (80 tonnes) assurent le gros de l’activité. « Nous travaillons aussi la chair de grosses huîtres, de calibre 0 minimum, dont environ 25 tonnes sont exportées vers les marchés asiatiques, ainsi que les demi- coquilles d’huîtres n° 3 garanties sans noro- virus, environ 80 tonnes, pour les opéra- teurs de croisières notamment », souligne Alexis Taugé qui a également commencé à commercialiser de la chair de coques avec son jus, à hauteur de 150 tonnes. Qwehli et Cinq Degrés Ouest participent sans nul doute à redorer le blason du surgelé. De quoi inspirer d’autres initiatives. Comme celle de Mussella, initiée par Axel Brière, mytiliculteur en baie de Vilaine, qui cherche depuis cinq ans à valoriser les moules de bouchot même sous taille. En s’associant avec une dizaine de producteurs, l’entre- preneur a investi près de 100 000 euros pour installer sa ligne de transformation enchaînant lavage et débyssussage, décor- ticage à la vapeur, surgélation IQF et condi- tionnement. La capacité de production est de 70 tonnes par an. Reste à massifier les apports en matière première et à intégrer le process afin de sécuriser une chaîne de valeur qui peut aussi offrir des applications pour le jus de cuisson et uploads/Geographie/ bretagne-et-brexit 1 .pdf

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