Anne Cauquelin L'invention du paysage ~ ~~ QUADRIGE / PUF !J_ .... :a~ .II tba.
Anne Cauquelin L'invention du paysage ~ ~~ QUADRIGE / PUF !J_ .... :a~ .II tba.t",~Ç.l ;Lu:.tln.o 9E!l,.n.anJ~z Du même auteur ESSAIS Sur la ville: Cinévilles, UGE, (, 10/18 », 1979. La ville la /luit, PUF, 1977. Essai de philosophie urbaine, PUF, 1982. Sur l'art: Court traité du fragment, Aubier, 1986. L'art contemporain, PUF, (, Que sais-je? », 1992, 6° éd.) 1998, traduit en portugais et en italien. Petit traité d'art contemporain, Le Seuil, octobre 1996. Le voleur d'anges, L'Harmattan, 1997. Les théon'es de l'art, PUF, « Que sais-je? », 1998, 2° éd., 1999. L'art du lieu commun, du bon usage de la doxa, Le Seuil, 1999. Sur Aristote: Aristote, le langage, PUF, 1990. La mort des philosophes et autres contes, PUF, 1992. Les animaux d'An'stote, Bruxelles, Éd. La Lettre volée, 1995. Anstote, Le Seuil, coll. « Écrivains de toujours », 1994, traduit en grec et en portugais. RÊCITS Potamor, Le Seuil, 1978. Les pnsons de César, Le Seuil, 1979. ( " ISBN 2 13 054485 1 ISSN 0291-0489 Dépôt légal - 1" édition «Quadrige» : 2000 3' édition: 2004, noilt © Presses Universitaires de France, 2000 6, avenue Reille, 75014 Paris © 1" édition Librairie Plon, 1989 Préface à la seconde édition Ce petit livre, que les Presses Universitaires de France rééditent aujourd'hui, se proposait, il y a maintenant dix ans, de montrer comment le paysage avait été pensé et construit comme équivalent de la nature, tout au long d'une réflexion sur le statut de l'analogon et tout au long d'une pratique picturale qui informait peu à peu nos catégories cognitives et donc nos perceptions spatiales. Ains~, la nature ne pouvait être perçue qu'à travers son tableau; la perspective, bien qu'artificielle, devenait un donné de nature, et les paysages dans leur diversité sem- blaient une juste et poétique représentation du monde. Renoncer à cette illusion me paraissait nécessaire, et j'entrepris alors de me défaire moi-même de ces cons- tructions tacites dont j'avais été bercée. Cependant, s'il est admis actuellement que l'idée de paysage et sa perception tiennent à la présentation qui en fut donnée dans la peinture en Occident, au xve siècle, que le paysage n'est « naturel)l qu'au prix d'un artifice permanent, il reste beaucoup à faire pour soutenir et poursuivre cette proposition et en étendre la portée jus- qu'à l'époque tout à fait contemporaine, au moment 'même où sont en train de se constituer des approches sensiblement différentes de la nature, du réel, et de leur image: Il semble, en effet, que le paysage soit sans cesse con- fronté à un essentialisme qui en fait une donnée natu- relle. Il existe comme une croyance commune dans une naturalité du paysage, croyance bien ancrée et difficile à éradiquer, bien qu'elle soit en permanence infirmée par de nombreuses pratiques. 1 \ \ \ L'INVENTION DU PAYSAGE Avant même de préciser quelles sont ces pratiques, il me faut remarquer un trait du monde contemporain qui s'impose fortement: celui d'un élargissement des sphères d'activité naguère limitées, bien cernées. Le métissage des territoires, l'absence de frontières entre les domaines sont bien une marque du contemporain; le paysage n'échappe pas à cette règle. Sa sphère s'est élargie et offre un panorama bien plus vaste à l'appui de la thèse cons- tructiviste; elle comprend des notions comme celle d'environnement, avec son cortège de pratiques, tandis que les nouvelles technologies audiovisuelles proposent des versions perceptuelles inédites de paysages « autres )}. Loin que cet élargissement relègue le paysage au second plan, ou en recouvre l'image, ces extensions font appa- raître très précisément combien le paysage est le fruit d'un long et patient apprentissage, complexe, et combien il dépend de secteurs multiples d'activités. Je me limiterai ici à l'évocation de deux sortes d'élargissement, et à leur impact sur la notion et la pratique du paysage. Environnement/Écologie/Paysage Le premier élargissement et le plus alsement perçu vient de ce qui semble le plus proche du paysage: l'environnement physique. Désolé, délabré, pollué, encombré, il appelle un prompt secours, un assainisse- ment et une réhabilitation. Comme cet environnement navrant se donne à voir sous la forme de paysages tout aussi désolés, on assiste à une identification entre envi- ronnement et paysage. Le souci écologique vient en effet se greffer sur l'intérêt pour le paysage, et « environnement )} devient un mot clef. Par une sorte de glissement, dû en partie à l'in- quiétude face aux pollutions, aux responsabilités de type 2 PRÉFACE A LA SECONDE ÉDITION « santé publique », une pratique d'assainissement en est venue à recouvrir l'idée d'harmonie naturelle, par laquelle se définissait naguère le « beau paysage ». Éco- logie, pureté de l'air et santé riment avec nature verte et animaux protégés. Et cette constellation « paysagée » s'étend aux pratiques urbaines où les poubelles aussi sont vertes, spécialisées et aseptisées. Pratique sociale, elle impose en priorité' aux paysagistes un large éventail de contraintes singulières : dépollution et sauvegarde, ce qui signifie aussi classement des espèces naturelles et des sites. Comme il en est pour beaucoup d'autres profes- sions, on assiste ici à un métissage. Le métier de paysagiste revient actuellement à celui de gestionnaire d'espaces publics à rénover, l'urbaniste n'est pas loin, non plus que l'écologue ou l'agronome ... Dans la foulée, l'économie, gestion calculée de cet environne- ment, l'administration, alertée par les dégâts, la poli- tique, avec les décisions nécessaires concernant le cadre de vie, la technique et les recherches techno-scientifiques orientées vers l'aménagement des sols, tout ceci forme un tissu complexe et tend à faire passer l'idée de paysage au second plan, comme s'il s'agissait d'un esthétisme inutile. Cependant, le rôle du paysage dans la liaison de ces divers exercices n'est pas négligeable: l'artifice supérieur d'une mise. en vue et en scène des éléments naturels . , -l'eau, la terre, le feu et l'air - qui seraient restés invisi- bles séparément sans l'art du cadrage et de la composi- tion, est repris et assumé par l'ensemble des acteurs. Les secteurs de leurs activités diverses détaillent et précisent cette construction, car s'il s'agit de la vie des hommes sur leur planète, il s'agit aussi toujours de former et d'assurer les cadres d'une perception commune. Beaucoup plus qu'un « label» esthétique, le paysage donne une unité de vision aux différentes facettes de la politique environ- nementale ... 3 L'INVENTION DU PAYSAGE L'écologie joue ici le rôle de garde-nature et donc de garde-paysage. Même si avec ce « donc)} le paysage semble être une dépendance de l'écologie, et comme son « supplément )}, il reste en fait la valeur implicite à laquelle se réfère toute opération de type environnemen- tal. C'est toujours l'idée du paysage, sa construction qui donne une forme, un cadre, des mesures à nos percep- tions - distance, orientation, points de vue, situation, échelle. Assurer la maîtrise des conditions de vie revient à réassurer en permanence une vision d'ensemble, com- posée, cadrée. Les données de l'environnement physique entretiennent un contact étroit avec les données percep- tuelles formées par le paysage. Nous ne pouvons liquider la notion de paysage dans sa version « forte )}, c'est-à-dire formatrice, sous prétexte qu'il y a priorité pour l'assai- nissement et l'écologie.: ils ne sont possibles qu'à l'intérieur d'une « idée de paysage )}, d'un horizon. Deux exemples contemporains nous instruisent ici : celui du jardin, dont la vogue s'amplifie. Enclos, détaillé, spécifié, le jardin évoque et invoque une nature au tra- vail, à quoi correspond un travail du jardinier, pied à pied si je peux dire. Si ce travail éveille l'intérêt des hommes pour leur demeure (écologie vient de oikos, maison) et leur révèle toujours plus avant les secrets d'une nature profuse, il fournit la preuve surabondante qu'un « pay- sage naturel)} est le produit d'un artifice laborieux, et comme une création continuée. Pour Rousseau, le jardin de Julie n'était naturel que si l'on prenait soin - double travail - d'effacer les traces du jardinage. L'autre exemple, pris dans le domaine des arts visuels, est celui du land art. Ici, nous pouvons juger sur le vif de la correspondance et presque de la fusion du. paysage (le site) et de l'écologie. Les artistes du land art font œuvre de l'environnement même, en utilisant les ressources de l'art du paysage: focalisation, dispersion, et de nouveau concentration; l'œuvre, c'est la vision d'un ensemble 4 PRÉFACE A LA SECONDE ÉDITION ordonnant les catégories d'espace et de temps. Parallèle- ment, ils érigent en œuvre la tentative éthique de rendre la terre à son état premier, la soustrayant aux ravages humains par une certaine disposition particulière du site et dans le site. Il semble alors que la proposition selon laquelle la notion de paysage ~t sa réalité perçue sont bien une invention, un objet culturel déposé, ayant sa fonction propre qui est de réassurer en permanence les cadres de la perception du temps et de l'espace, soit actuellement requise avec force et préside à toutes les tentatives de « repenser » la planète, en tant qu'éco-socio-système. Sans doute peut-on rétorquer qu'une chute dans l'abîme de l'essence est toujours possible. Que la peur face aux uploads/Geographie/ cauquelin-l-x27-invention-du-paysage.pdf
Documents similaires










-
34
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 15, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 4.7483MB