Chapitre 20 Le syndrome de Down Annick Comblain1 & Jean-Pierre Thibaut2 1Univer

Chapitre 20 Le syndrome de Down Annick Comblain1 & Jean-Pierre Thibaut2 1Université de Liège, Belgique 2Université de Bourgogne, France Dans Traité de Neuropsychologie de l’enfant (pp.378-400). S. Majerus, I. Jambaqué, L. Mottron, M. Van Der Linden et M. Poncelet (Eds.). De Boeck, 2020. Adresse pour correspondance Annick Comblain (a.comblain@uliege.be) Faculté de Psychologie de Logopédie et des Sciences de l’Education - Langage et déficience mentale Place des Orateurs, 2 (B32) B-4000 Liège 1. Introduction Décrite pour la première fois au 19ème siècle (Esquirol, 1838 ; Séguin, 1846 ; Down, 1862, 1866), la trisomie 21 n'est pas une pathologie tardive dans l'histoire de l'espèce humaine. En effet, entre nouvelle espèce (Brown, Sukina, Morwood, et al., 2004) et descendant de l’Homo habilis atteint de trisomie 21 (Eckart, Henneberg, Weller, & Kenneth, 2014), la balance penche plutôt en faveur de cette seconde hypothèse lorsqu'il s'agit de classer l'Homo florensiensis datant de 100.000 à 60.000 ans. Quoi qu’il en soit, le squelette le plus ancien clairement identifié comme celui d’une femme de 23 ans porteuse d’une trisomie 21 est daté de 2500 ans (Czanetski, Bin, & Push, 2003). Le syndrome de Down résulte d'une triplication accidentelle du chromosome 21 (Lejeune, Gautier, & Turpin, 1959). L’âge de la mère constitue le facteur de risque principal avec environ 80% des bébés atteints du syndrome nés de femmes âgées de plus de 35 ans (Perkins, 2017) et ce même si l'âge paternel peut intervenir (Bittles & Glasson, 2004). Le facteur hérédité est quant à lui très rare et interviendrait dans seulement 1% des cas (Perkins, 2017 ; voir infra). La prévalence de la trisomie 21 (T21) dans le monde est difficile à établir avec précision. On estime qu'en l'absence de tout dépistage prénatal elle représenterait 10% des cas de déficiences intellectuelles avec une incidence naturelle de 1/750-800 naissances des deux sexes (Dolk et al., 1990 ; Touraine, de Freminville, & Sanlaville, 2011). Diamandopoulos et Green (2018) rapportent une incidence de 14/10000 naissances vivantes avec une forte variation selon les pays notamment en raison de facteurs socioculturels et religieux. En France et en Belgique, l'incidence de la trisomie 21 est estimée à 1/2000 naissances vivantes et constitue la cause la plus fréquente de déficience intellectuelle génétique (Clarke, Clarke, & Berg, 1985 ; Orphanet, 2007) soit, en Belgique, une naissance tous les 3 ou 4 jours. Selon une estimation de 2018 du service de « Consultation multidisciplinaire trisomie 21 et syndromes délétionnels » (Constridel) des Cliniques Universitaires Saint-Luc à Bruxelles, la Belgique compte environ 10.000 personnes porteuses du syndrome de Down. Grâce aux progrès médicaux et à la prise en charge physique de qualité croissante, l’espérance de vie des personnes T21 augmente amenant ainsi les professionnels de la santé à relever de nouveaux défis liés notamment à l'éducation tout au long de la vie mais également au vieillissement. Le présent chapitre vise à faire le point sur les connaissances en matière de développement cognitif et communicationnel des personnes porteuses du syndrome de Down. Après une brève introduction générale rappelant les données génétiques ainsi que les conséquences de l’anomalie chromosomique au niveau du fonctionnement métabolique général, nous passerons en revue, dans un deuxième temps, les particularités du développement des structures cérébrales et de la spécialisation hémisphérique. La troisième section de ce chapitre sera consacrée à une revue de la littérature sur la question du développement et du fonctionnement cognitif. Dans la quatrième section, nous aborderons le développement du langage oral. La cinquième section sera consacrée aux apprentissages scolaires. 2. Données génétiques et neurodéveloppementales Même si aujourd'hui, la paternité de la première observation clinique de la trisomie 21 est discutée (voir Roubertoux & Carlier, 2009 et Roubertoux & Kerdelhué, 2006, pour une revue), la pathologie d'abord appelée "mongolisme" en référence à la description faite par John Langdon Down (1862) portera ensuite le nom de ce dernier. Notons que Down (1862, 1867), s'il avait souligné le "type Mongolien" des personnes porteuses du syndrome et attribué, à tort, une origine ethnique à la pathologie, avait néanmoins émis l'hypothèse que celle-ci n'était pas le résultat d'une cause externe postnatale : "The Mongolian type of idiocy occurs in more than ten percent of the cases which are presented to me. They are always congenital idiots, and never results from accident after uterine life" (pg. 259, 1867). Ce n’est cependant qu’en 1959 que Lejeune, Gautier et Turpin mettent en évidence une triplication du chromosome 21 lors de la méiose chez les individus porteurs du syndrome. Trois formes cytogénétiques de trisomie 21 sont identifiées : (1) libre et homogène, (2) liée à une translocation et (3) en mosaïque (Dimassi, Tilla, & Sanlaville, 2017). A priori, aucune différence majeure ne semble exister tant au niveau cognitif que langagier entre les trois types de T21 même si certains auteurs (notamment, Fishler & Koch, 1991 ; Chapman & Hesketh, 2000) ne semblent pas exclure la possibilité d'un tableau clinique plus modéré avec une supériorité en termes de QI et de lexique référentiel chez les personnes T21 mosaïques. Encadré 1. Schéma récapitulatif des formes cytogénétiques de trisomies 21 et des risques de récurrence Trisomie 21 libre et homogène 95% des cas mosaïque 2% des cas translocation 3% des cas robertsonienne 95% des cas de translocation réciproque 5% de cas de translocation 47, XX (ou XY), +21 46, XX (ou XY)[15] / 47, XX, +21[35] 70% de cellules T21 soit 35 cellules sur 50 complétées Cas 1 – grands chromosomes acrocentriques 46, XX (ouXY), (14;21)(q10;q10) +21 = une translocation entre les chromosomes 14 et 21 au niveau de la portion q10 Cas 2 – petits chromosomes acrocentriques 46, XX (ou XY), (21;21)(q10;q10) +21 = une translocation entre les chromosomes 21 au niveau de la portion q10 46, XX (ou XY), (chromosome impliqué, 21), (zones échangées) Possibilité également de cas de trisomies 21 partielles accidentelle accidentelle accidentelle ou héritée accidentelle ou héritée (78% des cas) Risque de récidive = 1% Risque de récidive = 1% Risque de récurrence : - 15 % si la mère est porteuse d'une translocation (14;21) - 5% si le père est porteur d'une translocation (14;21) - 100% si un des parents est porteur d'une translocation (21;21) d'après les données chiffrées de Dimassi, Tilla et Sanlaville (2017) Trois formes cytogénétiques de trisomie 21 sont identifiées : (1) libre et homogène, (2) liée à une translocation et (3) en mosaïque (Dimassi, Tilla, & Sanlaville, 2017). Dans la forme libre et homogène également dite standard, toutes les cellules contiennent un chromosome surnuméraire. C'est, de loin, la plus fréquente représentant 95% des cas affectés. S'agissant d'une aneuploïdie accidentelle, le risque de récidive lors d'une grossesse ultérieure n'est que de 1%. Dans 90% des cas, le chromosome surnuméraire est d'origine maternelle (Roubertoux & Carlier, 2009). Dans la forme mosaïque, l'anomalie chromosomique survient au-delà de la première division ; dès lors, toutes les cellules ne comportent pas un chromosome 21 surnuméraire. Elle représente environ 2% des cas de T21. La dernière forme liée à une translocation représente, quant à elle, environ 3% des cas. Au sein de cette dernière forme, on distinguera, d'une part, les cas de translocations robertsoniennes, soit les plus fréquentes (95% des cas), caractérisées par une fusion entre les grands chromosomes acrocentriques (les chromosomes 13, 14 ou 15 dans 60% des cas) et le chromosome 21 (avec une prévalence de la fusion avec le chromosome 14 dans deux tiers des cas ; Dennis, 1995) ou les petits chromosomes acrocentriques (21, dans 80% des cas, ou 22) et le chromosome 21 et, d'autre part, les translocations réciproques survenant avec n'importe quelle autre paire de chromosomes. Notons que les points de cassure sur les chromosomes sont variables et aléatoires d'une translocation à l'autre. A l'heure actuelle, les avancées en génétique médicale permettent d'estimer le risque de récurrence de la pathologie lors de grossesses ultérieures entre 1 et 100% en fonction du type cytogénétique de T21 ainsi que de la présence d'un remaniement chromosomique (de type translocation) chez un des parents (Dimassi, Tilla, & Sanlaville, 2017). D’un point de vue génétique, une personne T21 possède donc dans la majorité des cas une copie additionnelle du chromosome 21 (HSA21) dans son génome. Le chromosome 21 est le plus petit des autosomes1. Il représente environ 1 à 1,5% du génome humain (The chromosome 21 mapping and sequencing consortium, 2000). La faible densité génique du chromosome 21 en fait, d’ailleurs, l’une des 1 Chromosome non sexuel seules trisomies autosomales humaines viables2. En 2000, le « Consortium Chromosome 21 » avaient identifié 225 gènes, soit 99,7% de la séquence complète du bras long (q) du chromosome 21. Selon certaines estimations, le chromosome 21 pourrait contenir jusqu’à 283 gènes. Aujourd’hui approximativement 232 gènes codants sont répertoriés (e!Ensembl, 2018). L’analyse complète du séquençage du chromosome 21 humain apporte des informations essentielles pour la compréhension de la pathogenèse de certaines maladies et permet de comprendre pourquoi celles-ci sont sur-représentées dans la T21 par rapport à la population normale. Ainsi, un locus de prédisposition à la leucémie (AML1), plus fréquente chez les personnes T21 que dans la population tout-venant, serait localisé sur le uploads/Geographie/ chapitre20-mep.pdf

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