B. Katho : Christianisme et développement de la RD Congo Christianisme et dével
B. Katho : Christianisme et développement de la RD Congo Christianisme et développement de la République Démocratique du Congo : Relecture théologique de Les Fantômes du Roi Léopold II Bungishabaku Katho Résumé Contrairement à beaucoup de pays africains qui, depuis un certain temps, ont progressé, de manière remarquable, sur le plan de la démocratie et du développement national, la RD Congo n’a guère évolué depuis son indépendance. Elle s’est, au contraire, enfoncée davantage dans la violence et la pauvreté jusqu'à être classé le dernier pays du monde, plus particulièrement en ce qui concerne le développement humain. Cet article argumente que cette paralysie est une prolongation de l’évolution historique de la violence et de l’exploitation établies sous Léopold II et le gouvernement colonial belge vers la fin des années 1800 qui se sont malheureusement poursuivies depuis l’indépendance par le biais du contrôle des ressources et de la politique par des entités étrangères et un petit nombre de Congolais au pouvoir. Paradoxalement, le Christianisme que beaucoup de Congolais ont embrassé ne semble pas faire la différence en ce qui concerne la transformation du peuple et de la nation. Il est au contraire resté comme un observateur qui se tient à l’écart, observant le pays en train de sombrer. L’auteur argumente que les théologiens africains ont la lourde responsabilité d’aider l’église africaine en général et congolaise en particulier à cesser de former des Chrétiens de surface et de bruit et à redécouvrir le Christianisme du martyre. 1. Introduction Cet article est un essai de théologie politique. A la lumière de la pensée d’Adam Hochschild, dans son ouvrage Les fantômes du roi Léopold II, le travail argumente que la situation actuelle en Afrique en général, et en l’occurrence en République Démocratique du Congo (RDC) ne peut pas être bien expliquée en dehors de son passé colonial1. En effet, contrairement aux pays africains qui, depuis un certain temps, ont progressé, de manière remarquable, sur le plan de la démocratie ou du développement national, la RDC n’a guère évolué depuis son indépendance. Paradoxalement, elle s’est enfoncée davantage jusqu' à être compté dernier pays du monde en ce qui concerne le développement humain2. Le conflit sanglant entourant les ressources naturelles de ce pays des Grands Lacs et l’appauvrissement de sa population ne seraient pas un phénomène nouveau surgissant vers la fin des années 1990, comme on pourrait le croire. Bien au contraire, la situation présente serait la prolongation d’une évolution historique de l’exploitation établie sous Léopold II et le gouvernement colonial belge 1 Nous avons, pendant longtemps, rejeté la thèse selon laquelle la situation présente de la RD Congo continue à être la conséquence de son histoire, plus particulièrement son histoire coloniale et celle de la traite des noirs. Mais comme nous tenterons de le démontrer dans ce travail, cette thèse –parmi tant d’autres- reste bien valable et mérite d’être approfondie. 2UNDP, 2011 Human Development Index, http://hdr.undp.org/en/media/PR2-HDI-2011HDR-English.pdf, consulté le 17 décembre 2012 B. Katho : Christianisme et développement de la RD Congo vers la fin des années 1800 qui s’est poursuivie depuis l’indépendance par le biais du contrôle des ressources et de la politique par des entités étrangères et un petit nombre de Congolais au pouvoir. En d’autres mots, l’évolution de l’exploitation des ressources naturelles par quelques élites et des groupes armés au détriment de la grande majorité des Congolais a commencé dès le début de l’ère coloniale et s’est poursuivie tout au long du siècle dernier, bien souvent par la complicité des Congolais eux-mêmes. Du 19e siècle à nos jours, le christianisme ne semble pas avoir suffisamment transformé les Congolais pour qu’ils retrouvent le chemin de la justice, de la paix et du progrès3. Hochschild reproche cette lacune à l’Eglise, plus particulièrement l’Eglise catholique de l’époque coloniale. 2. La thèse de Les Fantômes du Roi Léopold II L’auteur de l’ouvrage King Leopold’s Ghost : A story of Greed, Terror, and Heroism in Colonial Africa4, traduit en français sous le titre Les Fantômes du Roi Léopold II. Un holocauste oublié5 estime que la conquête et l’exploitation coloniale belge, entre les années 1880 et la première guerre mondiale, ont fait entre huit et dix millions de mort, à peu près le même nombre de victimes que dans les guerres récentes en RDC6. Ce chiffre a probablement forcé le traducteur français du livre à ajouter le sous-titre d’ « holocauste oublié » dans la première édition française. Pour l’auteur, l’acteur principal de ce massacre fut sans nul doute le roi des Belges, Léopold II. En effet, à l’instar des autres pays européens en action pour coloniser l’Afrique, le sort fit que Léopold II jetât son dévolu sur la région forestière du Congo, encore quasi inconnue. Ce roi créa en 1876 l’Association Internationale Africaine (AIA) dont l’objectif principal était de financer différentes expéditions pour l’exploration de cette vaste région au centre de l’Afrique. Ces expéditions s’étaient surtout appuyées sur les travaux du célèbre explorateur Henry Morton 3 A. de TOCQUEVILLE, Democracy in America, J.P. Mayer (Ed.), George Lawrence (trans.), New York: Harper Perennial,1988, p. 292, démontre par exemple que la religion a joué un rôle central dans la transformation des Etats-Unis d’Amérique naissants. C’est pour cette raison qu’il qualifia la religion chrétienne à cette époque de « première des institutions politiques américaines ». 4 Adam HOCHSCHILD, King Leopold’s Ghost : A Story of Greed, Terror, and Heroism in Colonial Africa, Boston: Houghton Mifflin, 1998. Pour ce travail, nous nous sommes servis de cette version originale anglaise. 5 Nous n’avons pas eu accès à la version française du livre pendant la rédaction de ce travail. 6 L’estimation globale la plus probable est que la guerre en RD Congo entre 1996 et 2003 a fait au moins six millions de morts. Voir http://www.caritas.org/fractivities/emergencies/SixMillionDeadInCongoWar.html. Consulté le 15 septembre 2012. B. Katho : Christianisme et développement de la RD Congo Stanley. Très vite, l’AIA devint le véritable cheval de Troie d’une colonisation odieuse qui réussit à cacher son vrai visage pendant très longtemps. Moins de dix ans plus tard, en 1885, le roi des Belges parvint à arracher la reconnaissance internationale de l’AIA. Au même moment, son territoire privé du Congo devint l’État Indépendant du Congo (EIC), qui resta sa propriété personnelle et non celle de son royaume. Pendant ce temps, Léopold II organisa l’exploitation systématique de la colonie. Celle-ci prit plusieurs formes, plus particulièrement le commerce de l’ivoire et surtout celui du caoutchouc. Le moins que l’on puisse affirmer est que ce trafic très lucratif s’était fait de façon extrêmement brutale et était caractérisé par l’asservissement des populations autochtones qui était souvent sauvagement déportés, soumis aux travaux forcés avec prise d’otages des femmes et des enfants pour faire travailler les hommes à la cueillette extrêmement pénible du latex. Des milliers de villages furent rasés et des milliers de personnes torturées. Les récalcitrants étaient sauvagement mutilés ou purement massacrés. A part le fouet en peau d’hippopotame très répandu, appelé la chicotte, il y avait aussi d’innombrables cas de flagellation à mort. Mais la torture la plus répandue était l’amputation de la main. Le Congo devint ainsi le pays des mains coupées. Aussi une bonne partie de la population du Congo fut réduite à l’esclavage et au travail forcé par Léopold II et le système qu’il avait mis en place. Bien plus, en déclenchant le transfert des propriétés foncières à l’AIC et en instituant des lois limitant l’accès de la population autochtone à leurs propres terres, Léopold II aliéna tout un peuple de sa terre ancestrale. Encore faut-il souligner que les lois régissant ces terres visaient surtout à s’assurer que seuls les colons et leurs associés pouvaient avoir accès aux réserves naturelles d’ivoire, de caoutchouc et d’huile de palme du Congo et que les profits découlant de l’exportation de ces ressources devraient rester entre leurs mains. Le comble était que dans tous ses discours publics, Léopold II se présentait comme un émancipateur et un civilisateur du peuple « sauvage » du Congo. Il organisait même des conférences internationales afin de présenter aux yeux du monde son programme d’émancipation des nègres. Cette double face lui permit d’agir pendant longtemps dans l’impunité jusqu’à ce que les premiers témoignages sur la sombre réalité de la souffrance des Congolais commencent à se faire entendre. B. Katho : Christianisme et développement de la RD Congo Parmi ces témoignages accablants contre les actions du Roi des Belges, l’on peut surtout citer ceux des missionnaires, notamment des Afro-américains qui s’étaient rendus au Congo pour étudier la possibilité de faire retourner certains de leurs compatriotes affranchis sur leur continent d’origine. Il y eut aussi les voix de deux écrivains, l’Américain Mark Twain dans son livre King Leopold’s Soliloquy publié en 19057 et celle de l’Anglais d’adoption, Joseph Conrad, dont le roman Au cœur des ténèbres8, une apocalyptique et saisissante description de la ruée coloniale, est directement né de son séjour de six mois au Congo en 1890. Mais le plus acharné des protestataires sera finalement Edmund Dene Morel, agent commissionnaire au port d’Anvers, qui décida de consacrer une bonne partie de sa vie uploads/Geographie/ b-katho-le-congo-independant.pdf
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- Publié le Jul 18, 2021
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