UNIVERSITE MONTESQUIEU - BORDEAUX IV INSTITUT D’ÉTUDES POLITIQUES DE BORDEAUX C

UNIVERSITE MONTESQUIEU - BORDEAUX IV INSTITUT D’ÉTUDES POLITIQUES DE BORDEAUX CENTRE D’ETUDE D’AFRIQUE NOIRE Le « vieux Mozambique ». Étude sur l’identité politique de la Zambézie Thèse pour le Doctorat en Science politique Présentée et soutenue publiquement le 8 juin 2007 par Sérgio Inácio Chichava Sous la direction de Monsieur Dominique Darbon Membres du Jury : Michel CAHEN, Chargé de recherche au CNRS, CEAN, IEP de Bordeaux Dominique DARBON, Directeur de Thèse, Professeur de science politique à l’IEP de Bordeaux. Denis-Constant MARTIN, Directeur de recherches, FNSP/CERI, I.E.P. de Paris Joana Pereira LEITE, Professeur auxiliaire à l’Université Technique de Lisbonne, Portugal Éric MORIER-GENOUD, Maître de conférences invité, Department of Politics & International Relations, Université d’Oxford Remerciements À l’échéance de ce travail, je tiens à exprimer ma reconnaissance et mes remerciements à mon directeur de thèse Monsieur Dominique Darbon, d’abord pour avoir accepté de diriger cette thèse et ensuite pour ses conseils et suggestions et pour son encadrement précieux. Je tiens aussi à remercier très vivement Monsieur Michel Cahen pour le soutien intellectuel, sa disponibilité et son humanisme. D’ailleurs, grâce à son implication j’ai pu obtenir la bourse de financement du doctorat. À Monsieur Luís Cerqueira de Brito, ancien directeur de l’Unité de Formation et Investigation en Sciences Sociales de l’Université Eduardo Mondlane à Maputo, Mozambique va aussi ma reconnaissance et gratitude pour le soutien intellectuel et moral qu’il m’accordé depuis le début de mes études en France. Je remercie également Mélina Germes, pour les corrections qu’elle a effectuées, pour les précieux conseils qu’elle m’a donnés et pour la réalisation de cartes. À Madame Christine Cazenave et Marie-Louise Penin, qui ont réalisé quelques cartes dans ce travail, j’adresse ma reconnaissance la plus sincère. Ma reconnaissance va aussi à Brice Rimbaud, Nyota Ngezayo, Nicolas Boivin, Maurice Dione, Kadidiatou Ali Gazibo, Vincent Darracq et Elizabeth Vignati, qui ont relu et corrigé ce texte. Le soutien de l’EGIDE, l’organisme qui a financé cette recherche, a été fondamental pour l’accomplissement de cette étude. A ce propos, j’adresse à cet organisme ma vive reconnaissance. Merci à ma famille qui m’a toujours soutenu particulièrement dans les moments les plus délicats. Merci aussi à tous mes amis pour leurs encouragements, avec une mention spéciale pour les « compagnons de Bordeaux », Salvador Cadete, Domingos do Rosário et Claúdio Jone. 1 Sommaire INTRODUCTION PREMIERE PARTIE - LES FONDEMENTS ET LES ORIGINES DE LA SOCIETE METISSE ET CREOLE ZAMBEZIENNE Chapitre I - Les Prazos da Coroa Chapitre II - La construction institutionnelle de la Zambézie DEUXIEME PARTIE - SEPARATION OU ASSIMILATION : QUELLE ALTERNATIVE POUR LA QUESTION COLONIALE ? Chapitre III - Le mouvement associatif et l’anticolonialisme assimilationniste en Zambézie. Les exemples de l’AAZ et de l’AHUZ Chapitre IV - De la résistance sociale aux anticolonialismes organisés TROISIEME PARTIE - LE « ZAMBÉZIANISME » A L’EPREUVE DE L’ « HOMME NOUVEAU » Chapitre V - L’ « Homme Nouveau » et la révolution « marxiste- léniniste » Chapitre VI - La Libéralisation économique, la décompression politique et le « zambézianisme » à l’ordre du jour CONCLUSION SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE ANNEXES 3 Introduction Le 4 octobre 1964, en un acte marquant le début de la lutte anticoloniale dans la province de Zambézie, le Front de Libération du Mozambique (Frelimo) attaqua le secrétariat du poste administratif de Mongué, actuel district de Milange, proche de la frontière avec le Malawi. Néanmoins, quelques mois plus tard, le Frelimo se retira de la Zambézie sans avoir atteint ses objectifs. En juillet 1974, soit deux mois après la chute du régime de Marcelo Caetano au Portugal, le Frelimo rouvrit un « front » dans cette province. Ce retour se fit dans l’actuel district de Morrumbala, également frontalier du Malawi, où se déroulèrent quelques combats avec les militaires portugais stationnés à Chatengo et à Chire — des combats de faible intensité, car l’ancien régime était déjà tombé à Lisbonne. Aussitôt entrés en Zambézie, les guérilleros du Frelimo établirent les premiers contacts avec les populations locales, notamment à Morrumbala et à Milange. Ils étendirent ensuite leur rayon d’action vers les zones de l’intérieur telles Mocuba et Gurué. Dans ce dernier district, le Front planta son drapeau pour la première fois sur les monts Namuli, lieu mythique des Macua-Lomués, le plus grand groupe ethnique du Mozambique. Le 17 septembre 1974, environ une semaine après les accords de Lusaka qui prévoyaient l’indépendance du Mozambique, les premiers soldats du Frelimo venus de Milange firent leur entrée dans la capitale zambézienne, Quelimane1. Au cours de la première semaine de juin 1975, le président d’alors du Frelimo, Samora Machel, en un périple dans le pays resté connu sous le terme de voyage « triomphal » du Rovuma au Maputo, fit son entrée en Zambézie, par la zone de Milange et tint y ses premiers meetings avec les Zambéziens de cette région, et puis à Morrumbala, à Mocuba et à Quelimane. Les mots d’ordre dans ces meetings étaient le combat contre la religion, le combat contre le « racisme », contre l’« élitisme », le « tribalisme », le « régionalisme », la « superstition », la polygamie, les devins, les structures du pouvoir traditionnel, etc., perçues comme « facteurs de désunion ». Dans ces discours, l’accent était mis sur la nécessité de vivre et de travailler collectivement. La population était en liesse et avant même la proclamation de l’indépendance, le nouveau gouvernement provincial de la 5 1 « Quelimane saúda camaradas da Frente », Voz Africana (Beira), n° 535, 21 septembre 1974. Zambézie multiplia ses efforts pour expliquer cette « ligne correcte » du Frelimo. Le 25 juin 1975, le pays devint indépendant. Ce fut l’aboutissement d’un processus commencé officiellement dix ans plutôt, précisément le 25 juin 1964 à Chai, province de Cabo Delgado avec le déclenchement de la lutte armée anticoloniale. Ce fut aussi le début d’une des histoires les plus tumultueuses du Mozambique indépendant entre les « camarades » du Frelimo et les Zambéziens, notamment avec les assimilados (assimilés selon la terminologie coloniale). Ces derniers, partisans d’une décolonisation par la transformation du Mozambique en un département d’Outre-mer du Portugal, plutôt que d’une séparation pure et simple, étaient accusés par le Frelimo, le mouvement incarnant l’anticolonialisme séparatiste, de trahison envers la patrie. Il leur était également reproché d’avoir mis en difficulté la lutte du Frelimo en Zambézie en s’alliant au camp portugais, d’être élitistes et racistes, de mépriser les dirigeants ou les combattants de la « révolution populaire ». Qui plus est, une colonisation, précoce et au fort particularisme dans cette région (système des prazos2, puis grandes compagnies capitalistes, évangélisation) avait laissé des empreintes très marquées en Zambézie, ce que rendait difficile la tâche de dénégation du passé historique de ce parti. Selon les dirigeants du Frelimo, « de nombreux liens idéologiques avec les prazeiros existaient encore en Zambézie. »3 Par prazeiros on devait entendre, selon la terminologie officielle du Frelimo, des colonisateurs, des exploiteurs, des sujets du Portugal. Ce mouvement justifiait son action comme un combat anti-élitisme et antiracial pour persécuter ces assimilados, provoquant leur exode massif vers le Portugal (même si une partie non négligeable d’entre eux, quittèrent le pays immédiatement après les accords de Lusaka de 7 septembre 1974 qui préconisaient l’indépendance du Mozambique et marginalisait de vastes segments de la société mozambicaine). Selon le Frelimo, de même, l’évangélisation de l’Église catholique en Zambézie avait été différente de celle pratiquée dans les autres régions du Mozambique. Elle avait créé chez les Zambéziens de fortes attaches envers les colonisateurs. C’est pour cette raison que le Frelimo fut confronté à de nombreux problèmes politiques dans le secteur de l’éducation, car tous les fonctionnaires zambéziens, y compris les professeurs, avaient été formés par l’Église catholique. Il fallait donc entreprendre une « offensive politique » au sein de ce secteur afin d’améliorer son fonctionnement : 2 Concession de terres pour trois générations aux sujets de la Couronne portugaise avec obligation d’héritage par lignée féminine. Nous reviendrons sur cette question dans le chapitre I. 6 3 « Educação e Cultura. Desencadeada na Zambézia ofensiva politica nas escolas. Trinta estabelecimentos criados em 1978 », Notícias, (Maputo), n° 17720, 10 octobre 1978. « Nos professeurs sont venus essentiellement des écoles des missions. Ils furent formés par les prêtres. En bref, nous pouvons qualifier certains d’entre eux de fils idéologiques des prêtres. »4 Cette campagne contre les assimilados zambéziens aboutit non seulement à la marginalisation de ce groupe, mais à celle de la société zambézienne toute entière. En effet la marginalisation de la Zambézie fit partie d’une politique plus vaste à l’égard des milieux sociaux étrangers au mode et style de vie du Frelimo, ainsi considérés dangereux. Cependant, dès les premiers jours de son arrivée en Zambézie, le Frelimo fut confronté à une crise économique et sociale. Des entreprises et des compagnies capitalistes commencèrent à faire faillite, laissant des milliers de travailleurs au chômage. Le mépris et l’hostilité à l’égard de la Zambézie liés à cette crise sociale et économique entraînèrent, en 1979, une contestation sociale sans précèdent dans l’histoire du Mozambique indépendant : les dirigeants du Frelimo uploads/Geographie/ chichava-le-vieux-mozambique.pdf

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