COURS L3E MATHÉMATIQUES UE « GÉOMÉTRIE 2 » Table des matières 1. Introduction :

COURS L3E MATHÉMATIQUES UE « GÉOMÉTRIE 2 » Table des matières 1. Introduction : Géométrie(s) et démonstration 1 1.1. Deux points de vue sur la géométrie affine 1 1.2. Des démonstrations défectueuses en géométrie élémentaire 1 1.3. D’Euclide à Hilbert 5 2. La géométrie de Hilbert 6 2.1. Axiomes d’incidence 6 2.2. L’axiome des parallèles 8 2.3. Axiomes d’ordre 10 2.4. Axiomes de congruence pour les segments 17 2.5. Axiomes de congruence pour les angles 23 2.6. Plans hilbertiens et euclidiens 32 3. Polygones réguliers constructibles à la règle et au compas 38 3.1. Une construction à la règle et au compas du pentagone régulier 39 Références 41 S. Maronne, Département de Mathématiques Année universitaire 2019-2020. 1 CM L3E GÉOMÉTRIE 2 1 1. Introduction : Géométrie(s) et démonstration 1.1. Deux points de vue sur la géométrie affine. Dans les enseignements secon- daire et supérieur, on rencontre deux points de vue « opposés » sur la géométrie affine. Un espace affine est un ensemble de points, il contient des droites, des plans, et la géométrie affine discute, par exemple, des relations entre ces points et ces droites (points alignés, droites parallèles ou concourantes...). Pour définir ces objets et décrire leurs relations, on peut : – énoncer une liste d’axiomes, d’incidence principalement, comme « par deux points passe une droite et une seule ». C’est la voie d’Euclide (et plus récemment de Hilbert). Même si la démarche et a fortiori les axiomes eux-mêmes n’y sont pas explicités, c’est cette méthode qui est utilisée ac- tuellement dans l’enseignement secondaire français ; – décider que l’essentiel est que deux points déterminent un vecteur et tout définir à l’aide de l’algèbre linéaire, c’est-à-dire par les axiomes définissant les espaces vectoriels. J’ai choisi de développer ici la deuxième méthode, parce qu’elle est plus abstraite et plus nette, bien sûr, mais surtout parce que je crois qu’il est temps, en licence de mathématiques, de montrer aux étudiants que l’algèbre linéaire qu’on leur a enseignée pendant deux ans « sert » à quelque chose ! (Audin, 2006, p. 7) 1.2. Des démonstrations défectueuses en géométrie élémentaire. Dans les dé- monstrations de la géométrie élémentaire, on peut rencontrer deux sortes de dé- fauts : — la démonstration est provisoirement défectueuse parce qu’elle incorpore, sans le dire, un axiome implicite. — la démonstration est irréparablement défectueuse parce qu’elle se fonde, de manière erronée, sur une intuition construite à partir d’un diagramme incorrect. Nous allons considérer deux exemples. Construire un triangle équilatéral. Nous commencerons par examiner la première [ !] proposition des Éléments d’Euclide 1. Proposition (Eléments I.1). Sur une droite limitée donnée, construire un triangle équilatéral. Construction (Triangle équilatéral). Soit AB la droite limitée donnée. Il faut alors construire un triangle équilatéral sur la droite AB. Que du centre A et au moyen de l’intervalle AB soit décrit le cercle BCD (Demande 3), et qu’ensuite du centre B, et au moyen de l’intervalle BA, soit décrit le cercle ACE (Demande 3), et que du point C auquel les cercles s’entrecoupent soient jointes les droites CA, CB jusqu’aux points A, B (Demande 1). 1.  Je conserve les notations d’Euclide dans le texte cité. 2 CM L3E GÉOMÉTRIE 2 PROPOSITIONS 1 Sur ttne 1 droite limitée donnée} construire un triangle équila- téral. c D E 34. Dans les Eléments, c'est la Df. V. 4 qui joue ce rôle. Nous reviendrons dans notre commentaire au L. V sur ces différentes formulations grecques de l'axiome d'Archimède. Cette approche de la continuité par la mesure des segments ne fait d'ailleurs intervenir qu'une infinité dénombrable de points. 35. V. Dem. 2) comm. Pour les figures fermées, la connexité est une conséquence de ce qu'il se limite même à des figures convexes. 36. V. op') cit. dans Dem. 2, comm., n. 6. 1. Le texte grec dit «sur la droite limitée donnée». L'habitude française moderne est d'utiliser l'article indéfini pour souligner la validité universelle de la proposition. Figure 1. La construction du triangle équilatéral Voici la démonstration donnée par Euclide. Démonstration. BCD est un cercle de centre A passant par B et C donc AB = AC. ACE est un cercle de centre B passant par A et C donc BA = BC. AC et BC sont égales à AB donc AC = BC (transitivité). AC = AB = BC donc ABC vérifie bien la définition d’un triangle équilatéral. □ Cette démonstration est provisoirement défectueuse parce qu’Euclide postule à partir de la figure que les deux cercles se coupent. Pour justifier l’existence de l’un (des deux points) d’intersection des deux cercles, on doit s’appuyer sur un principe de continuité. Postulat (Principe de continuité). Si une ligne [le cercle ACE] joint un point exté- rieur [le point E] à une figure [le cercle BCD] à un point intérieur à cette figure [le point A], cette ligne a au moins un point commun avec la figure. Remarque 1. On peut rapprocher ce principe de continuité du théorème des valeurs intérmé- diaires. Figure 2. Le théorème des valeurs intermédiaires Exemple (Le plan rationnel). Il est aisé de se rendre compte qu’un tel principe de continuité ne va pas entièrement de soi. Plaçons-nous ainsi dans le plan cartésien sur le corps Q des nombres rationnels (i.e. l’ensemble des points de coordonnées CM L3E GÉOMÉTRIE 2 3 Figure 3. Deux cercles ne se coupant pas dans le plan rationnel (x, y) avec x, y ∈Q) : voir figure 3. On considère en outre un repère orthonormé (A, − − → AB, − − → AD). Déterminons les coordonnées du sommet C du triangle équilatéral ABC. Solution. Dans un triangle équilatéral, la médiane et la hauteur CH coïncident. On a donc AH = 1 2. En appliquant le théorème de Pythagore au triangle rectangle AHC, on obtient AH2 + CH2 = AB2 d’où CH2 = 1 −1 4 = 3 4. C a donc pour coordonnées ( 1 2, √ 3 2 ). □ Ce point n’existe donc pas [ !] dans le plan cartésien sur le corps Q des nombres rationnels. Tous les triangles sont isocèles ! Voici à présent un exemple de raisonnement falla- cieux 2 ; Où se situe le défaut dans la démonstration ? Théorème. Tous les triangles sont isocèles. Démonstration fallacieuse. Soit ABC un triangle. Soit D le milieu de [BC]. Soit E le point d’intersection de la perpendiculaire à (BC) passant par D et de la bissectrice de l’angle ̂ A. Traçons les perpendiculaires [EF) et [EG) aux côtés du triangle [AB] et [AC]. Les triangles AEF et AEG ont un côté commun et deux angles égaux, ils sont donc égaux d’après le cas d’égalité ACA (« angle-côté-angle »). On a donc AF = AG et EF = EG. Les triangles BCE et CDE ont le côté commun [DE], les côtés [BD] et [DC] égaux, et les angles en D égaux (car (ED) est perpendiculaire à (BC)), ils sont donc égaux d’après le cas d’égalité CAC’ (« côté-angle-côté). En particulier, BE = CE. Les triangles BEF et CEG sont rectangles et possèdent deux côtés égaux, il sont donc égaux, d’où BF = CG. Mais alors, ajoutant des choses égales à des choses égales, on déduit que AB = AF + FB est égal à AC = AG + GC. Le triangle ABC est donc isocèle ! 2. J’emprunte cet exemple à (Hartshorne, 2000, p. 36-37). 4 CM L3E GÉOMÉTRIE 2 Figure 4. Tous les triangles sont isocèles ! E à l’intérieur du triangle □ Le caractère fallacieux de la démonstration provient du point E. Réfutation. Si le triangle ABC était isocèle en A, comme D est le milieu de [BC], alors les triangles ADB et ADC seraient égaux (cas d’égalité CCC « côté-côté- côté »). Mais alors (AD) serait aussi bissectrice et médiatrice (pourquoi ?), et le point E n’existerait pas (les droites dont il est le point d’intersection sont confon- dues). □ Pourtant, toutes les inférences sur les triangles égaux sont correctes[ !] mais la conclusion est erronée parce que la figure est fausse (voir la figure 5 pour une figure correcte). En effet : 1) le point E se situe à l’extérieur du triangle [BC], dans le demi-plan inférieur délimité par la droite (BC) ; 2) les points F et G sont situés, l’un sur le côté du triangle, l’autre à l’extérieur du côté du triangle. On a donc une somme et une différence de côtés égaux. Figure 5. Tous les triangles ne sont pas isocèles... : fichier geogebra CM L3E GÉOMÉTRIE 2 5 Remarque 2. Il ne suffit pas de dire que le point E doit se situer à l’extérieur du triangle. Le point 2 est essentiel. Pour s’en convaincre, cf. la figure 6 donnée par Hartshorne. Figure 6. Tous les triangles sont isocèles ! E à l’extérieur du triangle Remarque 3. Il importe donc d’user avec prudence de notre intuition, y compris en géométrie. Les deux exemples précédents nous montrent en effet que malgré les mises en garde, il arrive, plus souvent qu’on ne croit, qu’on fasse appel à des propriétés visuelles uploads/Geographie/ cm-geometrie2-l3e-2020 1 .pdf

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