1 Quel avenir pour la coopération nordique de défense ? Par le capitaine de fré

1 Quel avenir pour la coopération nordique de défense ? Par le capitaine de frégate Christine Reinboth (Norvège), promotion maréchal Lyautey, juin 2010. Aujourd’hui, deux faits dans le secteur de la défense sont communément admis. Les nouvelles technologies sont de plus en plus coûteuses et par conséquent il est devenu plus difficile de financer des armées modernes. Parallèlement, la volonté politique d’augmenter la part du produit intérieur brut dédiée au budget de la défense reste limitée, à l’exception des Etats-Unis, voire nulle, dans des pays démocratiques qui vivent en paix depuis plus d’un demi-siècle. Dans ce contexte, les pays nordiques1 sont en train de tirer les conséquences de cette double réalité. En effet, si la mise en œuvre de partenariats dans le domaine de la défense est une pratique ancienne, notamment dans le cadre d’accords bilatéraux comme par exemple ceux existant entre la Suède et la Norvège, un accroissement de la coopération nordique de défense est à noter actuellement alors même que ces pays sont déjà parties prenantes à différentes organisation en matière de sécurité collective. Ainsi, la Finlande et la Suède qui ont opté pour la neutralité sont membres de l’Union Européenne (UE), la Norvège est pour sa part, à l’instar de l’Islande, dans l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et le Danemark quant à lui est à la fois membre de l’UE et de l’OTAN. L’accentuation actuelle de ces coopérations, en marge de la participation aux grandes organisations de défense collectives, doit ainsi conduire à appréhender les éléments qui les ont favorisés, leur réalité actuelle et l’avenir de tels rapprochements. Les raisons de cette coopération : aspects historiques et politiques L’histoire des pays nordiques est fortement liée. Pendant un millénaire, ces derniers n’ont eu de cesse de se faire la guerre, établir des unions et s’envahir les uns les autres. Les pays ont donc développé des cultures très proches et une histoire commune induisant de fait, aujourd’hui, de nombreux liens et des interactions fréquentes. Les premiers pas vers la mise en œuvre d’une coopération formelle en matière politique datent de l’après Deuxième Guerre mondiale avec la création en 1952 du conseil Nordique qui regroupe l’ensemble des pays nordiques et dont la finalité est de développer la coopération interparlementaire. En 1971, a été créé le conseil Nordique des ministres, organe qui a permis de formaliser la coopération entre les différents gouvernements parties à ce conseil. En matière de politique de défense et de sécurité, même si certains contacts existaient en la matière entre les différents pays nordiques tout au long de la Guerre Froide, ce sujet restait malgré tout tabou. Vingt ans après la chute du mur de Berlin, cette situation a irrémédiablement évolué. Ainsi, actuellement, il convient de noter que ces pays manifestent 1 Ensemble géographique qui désigne le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège et la Suède, ainsi que leurs États associés, l’Aaland, le Groenland et les îles Féroé. 2 une volonté politique affirmée pour renforcer ce type de coopérations et dictée par le sentiment d’une communauté d’intérêts réels, fruit de l’histoire et d’un ensemble géographique partagés, et cela indépendamment des relations respectives qu’ils peuvent entretenir avec l’UE et l’OTAN. Ce sentiment est en outre accentué par le fait que les pays nordiques gèrent une zone maritime substantielle qui va, en raison du réchauffement climatique et de la fonte des glaces induite, prendre une importance stratégique de tout premier plan en raison de l’ouverture de nouvelles voies de communication, des intérêts économiques en jeu et de la problématique de la protection de l’environnement dans cette région. La référence à l’Organisation des Nations Unies constitue un autre élément fédérateur pour ces pays. Ceux-ci sont en effet de farouches partisans de cette institution et ont développé une tradition de travailler sous « le parapluie » ONU. Ils souhaitent ainsi tous développer « la contribution nordique » aux opérations de maintien de la paix qui est le domaine de prédilection des interventions de ces pays. Il est en effet plus facile de trouver des intérêts communs dans ce domaine que dans la mise en œuvre d’une « défense du territoire » commune. En juin 2008, un rapport publié par les chefs d’état-major des armées de la Finlande, de la Norvège et de la Suède va renouveler l’esprit de la coopération militaire. Ce rapport développe en effet différentes voies de coopération possibles et cela afin d’augmenter l’efficience de la dépense et d’améliorer ainsi les différentes capacités militaires. Basé sur le constat que la technologie de défense moderne devient de plus en plus coûteuse, il énonce qu’il devient de plus et plus difficile pour chaque pays de financer l’ensemble des capacités nécessaires pour sa défense et que rapidement la problématique de « la masse critique » se pose. Ce document, tout en énonçant 140 propositions de coopération, dont 40 d’application immédiate, précise toutefois que cette démarche ne représente en aucune façon une alternative à l’adhésion à l’OTAN ou l’UE. Celui-ci a été accueilli de façon positive par la classe politique qui voit dans les mesures préconisées le moyen « par une coopération nordique » de renforcer immédiatement « la sécurité dans notre région ». Enfin dernièrement, le « Rapport Stoltenberg » du nom de l’ancien ministre des affaires étrangères de Norvège, est venu renforcer l’idée de la mise en œuvre d’une coopération militaire entre les Etats nordiques. Ce document, présenté le 9 février 2009, fait suite à une demande particulière des ministres des affaires étrangères de ces pays. Il contient 13 propositions concrètes permettant de développer une politique étrangère et de sécurité commune. Il s’agit de : 1. L’unité d’action pour la stabilisation civilo-militaire dans des pays extérieurs ; 2. La coopération nordique pour la surveillance aérienne au dessus de l’Islande ; 3. La surveillance maritime commune dans le nord de l’Atlantique, la mer de Barents et la mer Baltique ; 4. L’unité des forces d’intervention maritime ; 5. Le développement d’un satellite nordique de surveillance et de communication ; 6. La coopération pratique pour les questions liées à la région arctique ; 7. La mise en œuvre d’un réseau de compétence pour la lutte contre les cyber-attaques ; 8. L’unité d’action dans le cadre de catastrophes ou accidents majeurs ; 9. L’unité d’investigation dans le cas de crimes de guerre ; 3 10. La coopération pratique sur les affaires étrangères/ambassades ; 11. La coopération militaire dans les domaines suivants : a. Transport b. Service médical c. Formation/éducation d. Matériel e. Champs et zones d’entraînement ; 12. La création d’une unité amphibie spécialiste des conditions arctiques ; 13. La déclaration de solidarité nordique en cas d’agression. Si ces propositions sont toutes relatives aux questions de sécurité globale des pays nordiques, il convient toutefois de noter que certaines d’entre elles (n°1, 11 et 12) sont plus spécifiquement liées à l’établissement de coopérations de défense concrètes. Enfin, et en ce qui concerne la proposition n°13 relative à une déclaration de solidarité nordique en cas d’agression, monsieur Stoltenberg souligne qu’une telle déclaration devrait être compatible avec les obligations des pays envers l’ONU, l’UE et l’OTAN. C’est dans ce cadre historique et sous l’impulsion des chefs d’état-major, relayée par les acteurs politiques de ces pays, qu’a été développée toute une série de coopérations entre les Etats nordiques. L’état actuel des coopérations de défense. Le cadre de la coopération nordique de la défense et de la sécurité est actuellement une coopération à plusieurs strates. Au niveau politique, tout d’abord, dans le cadre du conseil Nordique qui rassemble les ministres de la Défense, ainsi que dans le cadre de la réunion biannuelle des chefs d’état-major. Au niveau militaire ensuite, la coopération se fait à plusieurs niveaux. Depuis le 1er janvier 2010, la Norvège a succédé à la Finlande pour diriger la coopération nordique de défense qui regroupe l’ensemble des pays nordiques. L’accord qui organise cette entente, dont la finalité est de développer la coopération opérationnelle et le domaine capacitaire, se dénomme le « Nordic Defence Cooperation » et a été signé par les ministres de la Défense le 5 novembre 2009. En ce qui concerne la coopération opérationnelle, les pays nordiques ont décidé de coordonner, entre autres, leurs contributions aux opérations internationales et plus spécifiquement actuellement celles liées à l’Afghanistan. Ainsi, alors que l’ensemble des pays nordiques sont engagés dans l’opération de l’ISAF (OTAN), cette collaboration vise à mieux coordonner leur contribution et à rendre l’utilisation de leurs ressources plus efficace, notamment dans le cadre de la logistique, dans l’entrainement des forces Afghanes et de l’utilisation de capacités en commun. Des pistes d’effort en la matière sont encore envisagées et cela essentiellement en matière de transport stratégique et de maintenance sur ce théâtre d’opération. Dans le cadre de l’ONU, les pays nordiques ont pour objectif de renforcer le rôle de l’organisation et sa place dans la communauté internationale. Ainsi, ils ont accru ces dernières années leur engagement, particulièrement en Afrique. Dans ce cadre, il est envisagé une contribution substantielle dans une opération de l’ONU en 2011, selon toute vraisemblance au Soudan. Une telle politique n’aurait pas pu uploads/Geographie/ coop-nordique-defense.pdf

  • 19
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager