16/11/2020 14(43 De la libéralisation à la gestion des flux de capitaux interna

16/11/2020 14(43 De la libéralisation à la gestion des flux de capitaux internationaux | Cairn.info Page 1 sur 52 https://www-cairn-info.ressources.univ-poitiers.fr/revue-d-economie-financiere-2020-1-page-269.htm De la libéralisation à la gestion des flux de capitaux internationaux Bruno Cabrillac, Clément Marsilli, Sophie Rivaud Dans Revue d'économie financière 2020/1 (N° 137), pages 269 à 298 Article a dislocation du système monétaire international (SMI) de Bretton Woods et son remplacement par un nouveau SMI, qualifié parfois de Bretton Woods II ou de non système, ont constitué une rupture. Le paradigme dominant devient celui des changes flottants et d'une libéralisation complète des mouvements de capitaux qui permettent, conformément au triangle d'incompatibilité de Mundell (1960), une politique monétaire autonome. Pour les pays développés, la transition vers ce nouveau paradigme a été longue : ce n'est qu'en 1994 que sont levées les dernières mesures de contrôle des changes en France. 1 L 16/11/2020 14(43 De la libéralisation à la gestion des flux de capitaux internationaux | Cairn.info Page 2 sur 52 https://www-cairn-info.ressources.univ-poitiers.fr/revue-d-economie-financiere-2020-1-page-269.htm En revanche, les pays en développement et notamment les pays émergents se sont engagés à des degrés divers dans cette transition, mais ne l'ont pas achevée. En outre, dans les deux premières décennies suivant l'effondrement de Bretton Woods, les flux nets de capitaux vers les pays émergents et en développement étaient négatifs. Ce phénomène, contraire aux lois économiques et connu sous le nom de paradoxe de Lucas (1990), explique aussi la rémanence de mesures de contrôle des changes qui visaient essentiellement à dissuader les exportations de capitaux par les résidents, tandis que des exemptions et des mesures incitatives favorisaient les investissements directs étrangers (IDE) qui étaient vus comme un élément clé pour le rattrapage. Les premières mesures de libéralisation des flux de capitaux dans les pays émergents, notamment à l'égard des non-résidents, alors que les taux de change restent étroitement gérés, sont l'une des causes des crises de balance des paiements qui culminent avec la crise asiatique de 1997. Bien que ce diagnostic soit partagé, des conclusions différentes en sont tirées : le FMI (Fonds monétaire international), s'il montre une nouvelle prudence quant à la rapidité de la libéralisation du compte financier, continue en revanche de soutenir l'utilité de progresser vers des changes purement flottants​[1] et préconise, en conséquence, la mise en place d'une politique monétaire autonome fondée sur le ciblage d'inflation. La plupart des pays émergents poursuivent leur transition vers la libéralisation, mais restent saisis par la peur du flottement et continuent à gérer leurs taux de change. 2 Mais le contexte change progressivement : au début des années 2000, les flux de capitaux nets vers les pays émergents s'inversent et deviennent significativement positifs. Pour ces économies, l'intérêt de bénéficier de ces flux de capitaux, malgré leur volatilité et leur sensibilité à des facteurs totalement exogènes aux économies 3 16/11/2020 14(43 De la libéralisation à la gestion des flux de capitaux internationaux | Cairn.info Page 3 sur 52 https://www-cairn-info.ressources.univ-poitiers.fr/revue-d-economie-financiere-2020-1-page-269.htm récipiendaires (affectant les économies des pays sources ou d'autres économies émergentes, par effet de contagion), conduit à poursuivre, voire à accélérer la libéralisation du compte financier, tandis que la prépondérance des changes fixes ou flottants encadrés amène à une accumulation de réserves des changes, qui dans certains pays prend des proportions excessives. La crise financière de 2008 marque un véritable point de rupture. À la différence des crises émergentes des années 1990, le retournement des flux de capitaux est essentiellement lié à la situation des pays d'origine, à la fuite vers la sécurité, et apparaît particulièrement peu discriminant, touchant même les pays ayant les meilleurs fondamentaux. La réponse à la crise, notamment les politiques monétaires très accommodantes et non conventionnelles mises en place dans les pays émetteurs de monnaie internationale, engendre rapidement d'importants flux de capitaux vers les pays émergents, même si leur composition change. C'est dans ce cadre qu'émerge progressivement l'idée d'une transition longue fondée sur des régimes de changes flottants gérés, permettant à la fois une gestion du taux de change et des flux de capitaux. Il s'agit de protéger les pays récipiendaires des effets d'un cycle financier mondial qui peut conduire à l'accumulation de risques pour la stabilité financière et à des politiques économiques procycliques. Matérialisant ce consensus de la communauté financière internationale, la « vue institutionnelle » adoptée par le FMI en 2012 intègre la gestion des flux de capitaux dans la boîte à outils des politiques économiques qu'il recommande, dans des cas très précis toutefois. Ce faisant, le FMI accepte également l'idée que la transition vers le régime cible (libéralisation du change et des mouvements de capitaux) n'est pas linéaire, ce qui peut apparaître en contradiction avec les engagements pris par les pays ayant adhéré au Code de libéralisation des flux de capitaux de l'OCDE. 16/11/2020 14(43 De la libéralisation à la gestion des flux de capitaux internationaux | Cairn.info Page 4 sur 52 https://www-cairn-info.ressources.univ-poitiers.fr/revue-d-economie-financiere-2020-1-page-269.htm CES QUARANTE DERNIÈRES ANNÉES, LES FLUX DE CAPITAUX À DESTINATION DES ÉCONOMIESÉMERGENTES ONT CONNU D'IMPORTANTES MUTATIONS EN VOLUME ET EN COMPOSITION La crise économique et financière liée à la pandémie du Covid-19, bien que de nature inédite, a eu l'effet habituel sur les flux de capitaux vers les pays émergents, entraînant un renversement spectaculaire. Si ce renversement apparaît plus sévère qu'en 2009, il intervient surtout dans un contexte différent, dans la mesure où les pays émergents n'ont pas à faire face seulement à la baisse de la demande et au rapatriement des capitaux des pays développés, mais aussi au choc de la pandémie dans leur propre pays. Toutefois, il est encore trop tôt pour affirmer que cette crise marque un nouveau point de rupture dans le processus, heurté, de libéralisation des flux de capitaux internationaux. 4 Durant les quarante dernières années, la libéralisation du compte financier – documentée par Chinn et Ito (2006), via la création d'un indice composite – a fortement progressé dans les économies avancées ; on peut considérer qu'il est totalement libéralisé dès le milieu des années 1990, en parallèle de l'adoption de changes flottants purs. Malgré quelques incidents ponctuels, parfois spectaculaires comme dans le cas de la Grèce et de Chypre en 2011-2012, ce processus de libéralisation est irréversible. En revanche le processus d'ouverture du compte financier dans les économies émergentes et en développement a connu une progression moins rapide, marquée par des phases d'arrêt, voire de retour en arrière. Toutefois les flux de 5 16/11/2020 14(43 De la libéralisation à la gestion des flux de capitaux internationaux | Cairn.info Page 5 sur 52 https://www-cairn-info.ressources.univ-poitiers.fr/revue-d-economie-financiere-2020-1-page-269.htm Graphique 1. Indice d'ouverture financière de Chinn-Ito — Sources : http://web.pdx.edu/~ito/Chinn-Ito_website.htm ; calcul des auteurs. Graphique 2. Les deux versants de la balance des paiements : compte courant et compte financier (en % du PIB) capitaux privés à destination des pays à faible revenu demeurent encore faibles. Ainsi, l'analyse se concentrera plus particulièrement sur les économies émergentes. Les flux nets de capitaux vers les pays émergents, contrepartie comptable des soldes courants, ont connu des évolutions heurtées : négatifs à la fin des années 1980 (paradoxe de Lucas), puis fortement positifs dans la première décennie de ce siècle dans le contexte d'une forte augmentation des réserves de change, puis très volatils depuis la crise de 2009. 6 16/11/2020 14(43 De la libéralisation à la gestion des flux de capitaux internationaux | Cairn.info Page 6 sur 52 https://www-cairn-info.ressources.univ-poitiers.fr/revue-d-economie-financiere-2020-1-page-269.htm — Sources : FMI (bases IFS et WEO)​[2] ; calculs des auteurs. Graphique 3. Flux nets de capitaux (hors réserves de change, en % du PIB) — Sources : FMI (bases IFS et WEO) ; calculs des auteurs. La progression moins linéaire de l'ouverture du compte financier et la dichotomie entre les flux de capitaux et le compte courant dans les économies émergentes ces quarante dernières années s'inscrit dans un contexte marqué par les effets de crises économiques ou financières, faisant apparaître quatre phases distinctes : (1) 1970-1990, (2) 1990-1997, (3) 1999-2007 et (4) 2011-2020. 7 16/11/2020 14(43 De la libéralisation à la gestion des flux de capitaux internationaux | Cairn.info Page 7 sur 52 https://www-cairn-info.ressources.univ-poitiers.fr/revue-d-economie-financiere-2020-1-page-269.htm 1970-1990 : des économies émergentes toujours très fermées 1990-1997 : l'ouverture progressive et partielle des économies émergentes Jusqu'à la fin des années 1970, les flux de capitaux entrants dans les pays émergents et en développement étaient constitués dans une très large proportion d'investissements directs, généralement des investissements productifs (notamment pour l'exploitation des ressources naturelles). Dans les années 1980, le développement des prêts bancaires internationaux aux économies émergentes marqua une rupture. L'Amérique latine a été le principal bénéficiaire de ces flux qui prenaient souvent la forme de prêts bancaires à court terme, généralement en dollars (parfois dans d'autres devises internationales)​[3] et parfois intragroupe. Ils étaient utilisés pour financer les déficits publics ou soutenir la consommation privée, et n'ont que peu bénéficié à l'investissement. Le resserrement monétaire de la Federal Reserve (Fed) américaine en 1983, décidé afin de maîtriser l'inflation domestique, fit augmenter le coût de la dette en devise et initia une spirale négative dans les pays débiteurs. De multiples crises de balance des paiements en résultèrent, qui donnèrent lieu à de nombreux programmes d'aide du FMI, et furent uploads/Geographie/ de-la-libe-ralisation-a-la-gestion-des-flux-de-capitaux-internationaux-cabrillac-marsilli-et-rivaud-cairn-info.pdf

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