Jacques Cartier fut le premier explorateur français en Amérique du Nord. Ces ge
Jacques Cartier fut le premier explorateur français en Amérique du Nord. Ces gens-là se peuvent appeler sauvages, car ce sont les plus pauvres gens qui puissent être au monde ; car tous ensemble ils n’avaient pas la valeur de cinq sous, leurs barques et leurs filets de pêche exceptés. Ils sont tous nus, sauf une petite peau, dont ils cou- vrent leur nature1, et quelques vieilles peaux de bêtes qu’ils jettent sur eux en travers. Ils ne sont point de la nature ni de la langue des premiers que nous avions trouvés. Ils ont la tête rasée en rond, tout autour d’une touffe réservée sur le haut de la tête, qu’ils laissent longue, comme une queue de cheval, qu’ils lient et serrent sur leur tête en petit tas, avec des courroies de cuir. Ils n’ont d’autre logis que sous leurs barques, qu’ils retournent, et se couchent sur la terre Document A D’une autre nation de sauvages, et de leurs coutumes, façons de vivre et de se vêtir. 5 10 © Hatier 2007 La poés Le théâtre Convaincre… Le roman L’autobiographie réécritures sous celles-ci. Ils mangent leur viande quasi crue, après l’avoir un peu chauffée sur les charbons, et leur poisson pareillement. Nous fûmes le jour de la Sainte-Madeleine2, avec nos barques, au lieu où ils étaient, au bord de l’eau, et descendîmes franchement3 parmi eux, ce dont ils montrèrent grande joie ; et tous les hommes se prirent4 à chanter et danser, en deux ou trois bandes, donnant de grands signes de joie de notre venue. Mais ils avaient fait fuir toutes les jeunes femmes dans le bois, sauf deux ou trois, qui demeurèrent, à qui nous donnâmes chacune un peigne et une petite clochette d’étain, dont elles eurent grande joie, remerciant le capitaine en lui frottant les bras et la poitrine avec leurs mains. Et eux, voyant ce que l’on avait donné à celles qui étaient restées, firent venir celles qui s’étaient enfuies dans le bois, pour en avoir autant que les autres ; elles étaient bien une vingtaine qui se rassemblèrent autour dudit capitaine, en le frottant avec leurs mains, ce qui est leur façon de faire bon accueil. Et il donna à chacune son petit anneau d’étain, de peu de valeur ; et incontinent5 elles se mirent ensemble à danser, et dirent plusieurs chansons. Jacques Cartier, Les Trois Voyages de Jacques Cartier, 1534-1541. 1. Parties sexuelles. 2. Mercredi 22 juillet. 3. Avec assurance et confiance. 4. Se mirent. 5. Aussitôt. L’écrivain fait ici le portrait de la cour du monarque absolu Louis XIV, qui avait institué dans l’étiquette de Versailles un véritable culte de sa personne. L’on parle d’une région où les vieillards sont galants, polis et civils ; les jeunes gens au contraire durs, féroces, sans mœurs ni politesse : ils se trouvent affranchis de la passion des femmes dans un âge où l’on commence ailleurs à la sentir ; ils leur préfèrent des repas, des viandes1 et des amours ridicules : celui-là chez eux est sobre et modéré, qui ne s’enivre que de vin ; l’usage trop fréquent qu’ils en ont fait, le leur a rendu insipide ; ils cherchent à réveiller leur goût déjà éteint2 par des eaux-de-vie, et par toutes les liqueurs Document B De la cour 15 20 25 5 © Hatier 2007 les plus violentes ; il ne manque à leur débauche que de boire de l’eau-forte3. Les femmes du pays précipitent le déclin de leur beauté par des artifices4 qu’elles croient servir à les rendre belles : leur coutume est de peindre leurs lèvres, leurs joues, leurs sourcils, et leurs épaules qu’elles étalent avec leur gorge5, leurs bras et leurs oreilles, comme si elles craignaient de cacher l’endroit par où elles pourraient plaire, ou de ne pas se montrer assez. Ceux qui habitent cette contrée ont une physionomie qui n’est pas nette, mais confuse, embarrassée dans une épaisseur de cheveux étrangers6 qu’ils préfèrent aux naturels, et dont ils font un long tissu pour couvrir leur tête ; il descend à la moitié du corps, change les traits, et empêche qu’on ne reconnaisse les hommes à leur visage. Ces peuples d’ailleurs ont leur Dieu et leur Roi : les Grands de la nation s’assemblent tous les jours à une certaine heure7 dans un temple qu’ils nomment église ; il y a au fond de ce temple un autel consacré à leur Dieu, où un prêtre célèbre des mystères qu’ils appellent saints, sacrés et redoutables : les Grands forment un vaste cercle au pied de cet autel, et paraissent debout, le dos tourné directement au prêtre et aux saints mystères, et les faces élevées vers leur roi, que l’on voit à genoux sur une tribune, et à qui ils sem- blent avoir tout l’esprit et tout le cœur appliqué. On ne laisse8 pas de voir dans cet usage une espèce de subordination ; car ce peuple paraît adorer le Prince, et le Prince adorer Dieu. Les gens du pays le nomment***9 ; il est à quelque quarante-huit degrés d’élévation du pôle10, et à plus d’onze cents lieues de mer des Iroquois et des Hurons11. La Bruyère, Les Caractères, 74, 1696. 1. Des aliments en général. 2. Déjà émoussé. 3. Acide utilisé dans les préparations des graveurs. 4. Moyens artificiels. 5. Poitrine. 6. L’expression désigne une perruque. 7. Une heure fixée. 8. On ne manque pas de voir. 9. Les signes *** laissent sans peine deviner Versailles. 10. Indication de la latitude. 11. Peuples d’Amérique du Nord, qui habitaient le Canada. 10 15 20 25 30 © Hatier 2007 La poés Le théâtre Convaincre… Le roman L’autobiographie réécritures Montesquieu imagine que deux Persans, Rica et Usbek, voyagent à travers l’Europe et y découvrent les mœurs de ce continent. Pendant leur voyage, ils échangent des lettres entre eux, ou avec d’autres correspon- dants, dans lesquelles ils font part de leurs impressions. Je vis hier une chose assez singulière, quoiqu’elle se passe tous les jours à Paris. Tout le peuple s’assemble sur la fin de l’après-dînée, et va jouer une espèce de scène1 que j’ai entendu appeler comédie2. Le grand mouvement est sur une estrade, qu’on nomme le théâtre3. Aux deux côtés, on voit, dans de petits réduits qu’on nomme loges, des hommes et des femmes4 qui jouent ensemble des scènes muettes, à peu près comme celles qui sont en usage en notre Perse. Ici, c’est une amante affligée qui exprime sa langueur ; une autre, plus animée, dévore des yeux son amant, qui la regarde de même : toutes les passions sont peintes sur les visages, et exprimées avec une éloquence qui, pour être muette, n’en est que plus vive. Là, les actrices ne paraissent qu’à demi-corps, et ont ordinairement un manchon, par modestie, pour cacher leurs bras. Il y a en bas une troupe de gens debout5, qui se moquent de ceux qui sont en haut sur le théâtre6, et ces derniers rient à leur tour de ceux qui sont en bas. Mais ceux qui prennent le plus de peine7 sont quelques gens qu’on prend pour cet effet dans un âge peu avancé, pour soutenir la fatigue. Ils sont obligés d’être partout : ils passent par des endroits qu’eux seuls connaissent, montent avec une adresse surpre- nante d’étage en étage ; ils sont en haut, en bas, dans toutes les loges ; ils plongent, pour ainsi dire ; on les perd, ils reparaissent ; souvent ils quittent le lieu de la scène et vont jouer dans un autre. On en voit même qui, par un prodige qu’on n’aurait osé espérer de leurs béquilles, marchent et vont comme les autres. Enfin on se rend à des salles8 où l’on joue une comédie particulière : on commence par des révérences, on continue par des embrassades. On dit que la connaissance la plus légère met un homme en droit d’en étouffer un autre. Il semble que le lieu inspire de la tendresse. En effet, on dit que les princesses qui y règnent ne sont point cruelles, et, si on en excepte deux ou trois heures du jour, où elles sont assez sauvages, on peut dire que le reste du temps elles sont traitables9, et que c’est une ivresse qui les quitte aisément. Document C Lettre XXVIII. Rica à*** 5 10 15 20 25 30 © Hatier 2007 Tout ce que je te dis ici se passe à peu près de même dans un autre endroit, qu’on nomme l’Opéra : toute la différence est qu’on parle à l’un, et que l’on chante à l’autre. […] De Paris, le 2 de la lune de Chalval 1712. Montesquieu, Lettres persanes, 1721. 1. Au sens de spectacle. 2. Le terme pouvait désigner toute pièce de théâtre (et n’était pas réservé aux seules pièces comiques). 3. Ici au sens d’espace où jouent les acteurs (scène, pla- teau). 4. Ce sont bien entendu des spectateurs, la part la plus aisée du public qui a acheté des places dans les loges. 5. Les spectateurs du parterre ; il n’y avait pas de sièges uploads/Geographie/ dissertation-corrige 1 .pdf
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- Publié le Fev 20, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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