Cameroun, une poudrière au cœur de la Françafrique Décembre 2019 « Cameroun, un
Cameroun, une poudrière au cœur de la Françafrique Décembre 2019 « Cameroun, une poudrière au cœur de la Françafrique » Dossier de l’association Survie Compilation d'articles publiés dans Billets d'Afrique, journal mensuel de Survie qui décrypte l’actualité françafricaine Crédit photos couverture et intérieur – CC Survie Contributions – Thomas Borrel, Survie Bressuire, Augustin Mensah, Alice Primo,Pauline Tétillon, Odile Tobner, Thomas Noirot Réalisation – Julien Moisan Paris, décembre 2019 Créée il y a plus de 30 ans, l’association Survie décrypte l’actualité franco-africaine et se mobilise contre la Françafrique, qu’elle a fait connaître. Elle compte plus de 1000 adhérent.e.s et une vingtaine de groupes locaux en France. http://survie.org Twitter/facebook : @surviefrance (+33)9.53.14.49.74 - contact@survie.org 21 ter, Rue Voltaire, 75011 Paris - France Sommaire Introduction……………………………………………………………..p 4 1ère partie - Le Cameroun, aux origines de la Françafrique Cameroun - la guerre d’indépendance : une histoire toujours taboue ………….…...p 7 Extrait de l’entretien de Thomas Deltombe, Manuel Dormergue et Jacob Tatsitsa, co- auteurs de « Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique …..…….p 9 2ème partie - Paul Biya, président inamovible Élections de 2011 – Une mascarade électorale labellisée« acceptable »…….…….p 13 Cameroun : Biya, le président de la plaie……………………...……..….….....p 18 Veillée de larmes au Cameroun …………………………………….…...…...p 22 3ème partie - Le Cameroun des entreprises françaises Bolloré - « Un pays immergé dans le ravin »………………….….….………...p 25 Lom Pangar : aide aux entreprises, à la déforestation et à l’endettement …………..p 28 Le forestier Rougier se raccroche aux branches ……..……………..…………..p 33 Barrage de Nachtigal, le courant passe entre la France et le Cameroun………..…..p 38 Accord bananier……………………………..……………………….……p 43 4ème partie - Crise anglophone et guerre contre son propre peuple Cameroun : petits calculs et grosses tortures………………………….……….p 46 Cameroun : l’hypocrisie française renouvelée………………………….……...p 49 Au Cameroun, une nouvelle répression sanglante sans conséquence sur la coopération militaire et policière française.…………………….…………………….…..p 52 5ème partie - 2018, la mascarade électorale de trop ? Cameroun : le choix de la France………………………….…..…...…...…....p 59 Cameroun : « renouvellement dans la continuité » malgré la guerre……...…......…..p 63 Le régime lâche du lest pour légitimer son « biyalogue » et la guerre …...….…….p 70 Le Drian adoube Biya et repêche Bolloré ……………...………..…………….p 80 Introduction Novembre 2019 : cela fait désormais plus de 37 ans que Paul Biya est à la tête du Cameroun, dictateur tout-puissant bien que brillant par son absence et ses silences. Celui qui, dès les années 1960, a su se placer au coeur d’un pouvoir installé et entretenu par la France, joue aujourd’hui de sa longévité pour s’assurer la pérennité du soutien de Paris. Et il en a besoin, car en octobre 2018 tout ne s’est pas passé « comme prévu », c’est-à-dire comme cela s’était toujours passé depuis l’écrasement de la poussée démocratique des années 1990. Pour la première fois en effet depuis l’élection volée de 1992, la mascarade de scrutin présidentiel a été assez puissamment contestée pour inquiéter le régime. Au mot d’ordre du « hold up électoral », les militants de l’opposition sont venus entacher l’image d’Epinal d’un chef d’État garant de la sacro-sainte « stabilité » du Cameroun, un pays qui s’enfonce déjà dans la guerre contre sa minorité anglophone depuis 2017. Critiqué à mots couverts par les diplomates français, le vieil autocrate n’en a pas moins obtenu en octobre 2019 un retour en grâce assumé auprès d’Emmanuel Macron et son ministre de l’Afrique Jean-Yves Le Drian, qui se sont tour à tour affichés tout sourire à ses côtés. Les temps ont certes changé, depuis l’époque où la France installait Paul Biya à la place du sinistre Amadou Ahidjo. Biya joue désormais sa propre partition, maniant habilement la concurrence internationale des grands émergents comme la Chine ou laissant ses partisans souffler sur les braises d’un sentiment anti-français légitimement présent depuis la guerre d’indépendance : le vieux despote passe ainsi tour à tour pour le héraut de l’émancipation camerounaise vis à vis de la tutelle française, voire pour une victime de la Françafrique, dont Paris voudrait se débarrasser. Plus c’est gros, plus ça passe, du moins dans une opinion publique camerounaise abrutie de débats radio-télévisés lénifiants et désormais de fake news qui pullulent au milieu d’informations étouffées par la presse dominante mais diffusées sur les réseaux sociaux. De telles fanfaronnades suffisent à faire paniquer la diplomatie tricolore, inquiète pour « les intérêts vitaux » de la France dans le pays – environ 6000 ressortissants français – et pour ses intérêts économiques (Bolloré, Orange, Total, Bouygues, Vinci, Compagnie fruitière, Société générale, etc.). Le régime de Biya le sait et n’hésite pas à utiliser ce moyen de pression, le plus souvent par le biais d’une presse à gage et de pseudo-intellectuels qui ont, dès le début ou au 4 cours des dernières années, rejoint les sphères d’influence du pouvoir. Et nos fins diplomates, tout imprégnés d’un imaginaire colonial qui voudrait que la France conserve « son rang » dans le monde et « sa place » en Afrique, amènent sans surprise la réponse attendue : un resserrement des liens avec le régime en place, qui flatte l’égo de puissance française et garantit pour de longues années la poursuite des retombées financières juteuses en France de l’exploitation des terres et de la population, de plus en plus exsangue, de ce joyau de la Françafrique. Au nom de la sécurité de ressortissants français qui cristallisent forcément de plus en plus de ressentiment – au point qu’à chaque soubresaut de colère populaire, le consulat leur conseille de se terrer chez eux – et pour la poursuite de profits qui renforcent une poignée de multinationales dont les classes populaires françaises ont elles-même appris à se méfier, la France continue de soutenir militairement, économiquement et politiquement un régime assis sur la soupape de sa propre cocotte minute. Les diplomates français savent pourtant, tout autant que la jeunesse camerounaise, que Paul Biya, 86 ans, n’est pas éternel. Ils jouent la montre, tentant de prendre ou de maintenir dans leur toile d’influence celui qui pourra incarner une transition fantoche, qu’il appartienne aujourd’hui au sérail ou qu’il s’affiche comme opposant. Ils font le pari criminel que rester parmi les interlocuteurs de ce régime qui fait brûler des villages en zone anglophone et laisse des mères mourir devant l’hôpital où elles aurait pu accoucher si elles en avaient eu les moyens, les aidera à se positionner au mieux auprès de celui qui lui succédera. La tension monte pourtant irrésistiblement dans le pays, et avec elle un vent de « dégagisme » qui, espérons-le, amènera bientôt à Emmanuel Macron le revers que mérite « sa » politique africaine, c’est-à-dire la perpétuation des vieux réflexes et des mécanismes habituels d’ingérence française. Au sein même de l’Hexagone, la démocratie y gagnerait. C’est pour alerter sur cette évolution incertaine – mais aussi porteuse d’espoir – du Cameroun et sur les crimes qui continuent d’y être commis avec le soutien de Paris, que nous avons rassemblé dans cette brochure ces textes de l’association et ces articles publiés dans son journal mensuel Billets d’Afrique : mis bout à bout, ils donnent une image précise de l’état de délabrement de ce pays central de l’influence française en Afrique et de l’entêtement, classique et criminel, de la diplomatie française menée depuis 2017 par Emmanuel Macron. 5 1ère partie Le Cameroun, aux origines de la Françafrique 6 La guerre d’indépendance : une histoire toujours taboue Difficile de comprendre le Cameroun contemporain sans l’examen de son accession à l’indépendance en 1960. Un processus que Pierre Messmer, haut-commissaire de la France à Yaoundé entre 1956 et 1958, résuma ainsi : « La France accordera l’indépendance à ceux qui la réclamaient le moins, après avoir éliminé politiquement et militairement ceux qui la réclamaient avec le plus d’intransigeance. » Territoire placé sous la tutelle des Nations unies au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le Cameroun n’était pas à proprement parler une « colonie ». Ce statut juridique particulier offrait théoriquement plus de droits aux populations locales et donnait à l’ONU un droit de regard sur la gestion du pays par les puissances administrantes (France et Grande- Bretagne), lesquelles s’étaient engagées en signant les accords de tutelle à amener le pays à « l’auto-gouvernement » ou à « l’indépendance ». Cette configuration eut une double conséquence : elle favorisa l’émergence, au sein des populations camerounaises, d’un très fort mouvement populaire qui revendiquait l’application effective des droits qui leur étaient reconnus, ce qui eut pour effet – deuxième conséquence – de durcir la position de la France, principale puissance administrante, qui n’avait nullement l’intention de respecter ses engagements internationaux. Dès lors, la tension ne cessa de monter, au cours des années 1950, entre l’administration française et l’Union des Populations du Cameroun (UPC), le principal mouvement indépendantiste du pays. Ce parti fut même arbitrairement interdit en juillet 1955 lorsque l’administration coloniale lui imputa la responsabilité de l’explosion d’un vaste mouvement de protestation sociale quelques semaines plus tôt (mai 1955). Cet affrontement dégénéra en conflit armé à partir de décembre 1956, lorsque le haut-commissaire Pierre Messmer décida d’organiser des élections – largement truquées – uploads/Geographie/ dossier-survie-cameroun-une-poudriere-au-coeur-de-la-francafrique-decembre-2019.pdf
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- Publié le Mar 28, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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