TOUS A PLEYEL 15 NOVEMBRE - 15 DECEMBRE 1961 0,75 NF N° 203 Pas de ca chez nous

TOUS A PLEYEL 15 NOVEMBRE - 15 DECEMBRE 1961 0,75 NF N° 203 Pas de ca chez nous! ~ VAGUE DE :PROTESTATION CONTRE LE RA'CISME 1 • après les discriminations et:-1/les odieuses violences ëléé'haÎnées contre les musulmans L E 5 octobre, des textes préfectoraux instituaient offi- ciellement la discrimination raciale en France : les Algériens musulmans de la région parisienne étaient invités à ne pas sortir après 20 h. 30, à ne pas circuler en groupes, et les cafés et restaurants qu'ils fréquentent étaient tenus de fermer à 19 heures. Le 17 octobre et les jours suivants, pour protester contre ce couvre-feu, contre ces brimades généralisées, des milliers d'Algériens, quittanl les bidonvilles et les quartiers où ils sont groupés, ont dé- filé pacifiquement, dignement dans les rues de Paris et de la banlieue, avec leurs femmes et leurs enfants. Contre ces manifestants, dont toute la presse a reconnu qu'aucun n'était armé, les pouvoirs publics ont réagi avec une violence inouïe. On a annoncé deux morts. Mais de multiples témoignages il ressort que le nombre en est .eaucoup plus élevé; plus de 60 cadavres ont été repêché s dans la Seine, et l'on compte les disparus par centaines. Si d'aucuns, pour expliquer - sans la justifier - cette sanglante répression peuvent arguer que les manifesta· tions, par leur ampleur, ont fait perdre leur sang-froid aux autorités, il faut bien constater que rien - sinon le dé- chaînement le plus brutal de la haine raciste - ne permet d'expliquer les A l'appel du M.R.A.P. • Ardent meeting d'union, salle Lancry • Nombreux témoi. gnages de solidarité avec les victimes • Emouvante manifes- tation de fraternité le 11 Novembre, à la Bastille. (Voir en pages S, 6,7,8 et 9) Le Prix Nobel attribué au leader sud-africain Albert LUTULI violences exercées ensuite, de sang-froid, par des policiers, contre des milliers d'innocents. Tristes journées ! L'opinion ne s'y est pas trompée. De toutes parts s'exp'riment la stupeur et la colère, les voix les plus diverses et les plus auto- pour le GRAND GALA AnTIRACISTE organisé par le M.R.A.P. Un programme 8blouissant presente par Suzanne GABRIELLO avec Frida BOCCARA CARMELA Rosalie DUBOIS les Frères Ennemis Alexandre IVANOVITCH et son ours Magaret William MARSHAll Sa va NEAGU et son orchestre Henri TISOT et Georges UlMER (Voir en dernière page.) On lira en page 3 un article du lauréat, qui est le premier Africain à recevoir cette haute récC?mpense. A la mémoire des Nord-Africains et des Français tombés pour la Libération de Paris. 11 novembre à la Bastille Albért John Lutuli nsees s'élèvent pour dénoncer le racisme, et souligner les danger:.; que de telles mœurs font peser sur notre pays. Devant l'indignation gé- nérale, une information a dû être ouverte, et une commission parle- mentaire d'enquête a été désignée. La comparaison s'est imposée ~ tous les esprits entre ces événe- ments et les persécutions antijui- ves pratiquées sous l'occupation. C'est jusque dans les détails que se dessine le parallèle : institution d'un couvre-feu, rafles « au faciès ", transport des femmes et des en- fants dans les autobus parisiens, internement au Palais des Sports et à Vincennes, remplaçant le Vel' d'Hiv' et Drancy, sans parler des po· gromes impunément organisés de Metz à Oran, de Nancy à Alger. ALBERT LEVY. (Suite en page 3'> Menaces et attentots ontijuifs T E 31 octobre, Mme Madeleine Ja- L cob, journaliste à « Libération », recevait sous enveloppe une cou- pure de l'un de ses récents articles, sur laquelle avait été écrit ceci : « On vous crèvera tous. Vieille salope, on a ton adresse personnelle. Si tu continues à écri- re de>s « conneries » comme Delle-là, on te fait la peall et ça sera vite fait. Sale fuive, fais attention à toi, compris! L'O. A.S. et les flics, ils vous emme'ydent t01lS. » Dans la nuit du 8 au 9 novembre, une charge importante de plastic explosait au domicile de Madeleine Jacob, causant de graves dégâts. D'AUTRES LETTRES Ces faits peuvent être rapprochés de divers autres. Au début d'octobre, un professeur de mathélllatiques du lycée La Fontaine, à Paris, Mlle Denise Weil, ,recevait une lettre de même inspiration. « Les .ilûfs sont des être's pltants, des races impuy,es, indignes d'être considé- rés comme des humains », affirmait le correspondant anonyme, d'une écriture grossière, criblée de fautes d'orthogra- phe. Et il concluait : « ... Il faut des (Suite page 4) -_._---- 2 JUSTICE • Un nouveau renvoI L'affaire des harkis de la rue François- Miron n'a occupé que pendant quelques minutes l'audience du 19 octobre, à la 24' Chambre du Tribunal de Grande Ins- tance. Des deux accusés, Chebab et Barkat, qui s'étaient livrés en juillet 1960, à un raid antisémite dans un café fréquenté par des Juifs, seul ce dernier était pré- sent. L'autre, Chebab, qui avait assisté à l'audience du 17 août se trouve, dit-on en Algérie. Ayant été placé - on se de· mande pourquoi - en liberté provisoire, il avait pourtant juré sur l'honneur d'être présent le 19 octobre. Mais, chose étrange, alors qu'il avait laissé au Tribunal sa nouvelle adresse, la citation lui fut envoyée à Romainville, à son ancien cantonnement. Elle est reve· nue sans l'avoir touché, Les avocats qui assurent la défense des victimes, Maîtres Manville, Dymenstajn, Badinter et Rosenthal, s'étonnent de la facilité avec laquelle on a laissé l'un des coupables se soustraire à la Justice. Ils doutent qu'il se présente à une prochaine audience. Et Maître Manville suggère =lu'un mandat d'amener soit lancé. Mois le Substitut et le Président préfè- rent envoyer une nouvelle citation, à l'adresse indiquée par Chebab, en Algé· rie. L'affaire est renvoyée ou 18 janvier 1962. Et les victimes - M. Emile Dana, qui, blessé au ventre a fait de longues semai · nes d'hôpital ; M. Nabets, le patron du café ; les consommateurs blessés ; le chauffeur du taxi dans lequel les crimi- nels tentèrent de s'enfuir - n'ont plus qu'à attendre encore que justice leur soit rendue, • Lui ou un autre ... Seize ans après le crime pour lequel il avait été condamné aux travaux forcés à perpétuité, un Espagnol, M. Tercero Soient, a été réhabilité par la Cour d'Assises, au Mans. Cette affaire ne relèverait que de la chronique judiciaire, si le procureur gé- néral, M. Joppé, n'avait éclairé un des aspects de !'affai re, montrant le rôle de la xénophobie dans cettc dramatique er- î~ur judiciaire. Divers témoins avaicnt 1llenti pour faire condamner Solera. « Quand lai découvert ces menson- ges, a déclaré le procureur général J op- pé, lai V01Ûl( en comtaÎtre les misons. « J'ai interrogé ceux qtÛ l, es avaient faits et à mon arrivée ils se sont ré- criés : « Vous compre<ne:::, -nit Espagnol ... » lui 0/1 1111 autre, c'était biell pareil. » Car. lIIessieurs les jurés, ce fut cela : dlt moment que ce n'était pas quelqu'lw du patelill, que c'était /II! étranger, cela n'mlait pas d'importance. VOl/S vo,,'e::: dans ces conditions l'état d'e'SPI'it des té- 1n01ns ... » « Lui ou un autre ... » « Ils sont tous comme ça... » Tels sont les mots-clés qui expriment les lwéiugés contre tout un groupe. On voit. une fois de plus. où cela peut mener. U.R.S.S. • Trois condamna ... tions et une cam .. pagne Sur la foi de dépêches venues de New York, divers journaux parisiens ont fait état, ces derniers jours, de « persécutions antisémites en U.R.S.S. ». Des informations viennent d'être pu· bliées par « La Pravda » de Léningrad au sujet de l'affa:ire qui sert de point de départ à cette campagne : l'arrestation d'un dirigeant de la communauté juive de Léningrad. Trois personnes, indique le journal ' so- viétique, ont été reconnues coupables de crimes prévus aux articles 64 et 70 du Code criminel : G. Petcherski, E. Dynki- ne et N. Kaganov, condamnés respective- ment à douze, sept et quaotre années de privation de liberté. Les inculpés étaient accusés de colla- boration avec une ambassade étrangère dans des buts antisoviétiques. L'enquête a établi, indique le journal, ----_. . .. -- QUE SE que pendant plusieurs années, ces trois personnes ont entretenu des relllotions qui tombent sous le coup de la loi criminelle, avec les collaborateurs d'une ambassade d'un pays capitaliste à Moscou. Les colla- borateurs de cette ambassade se sont rendus à plusieurs reprises à Léningrad pour établir ces liaisons. Les accusés leur transmettaient systématiquement des in- formations destinées à être utilisées '\ l'étranger contre l'Union Soviétique. Les accusés recevaient pour leur part des textes de propagande antisoviétique qu'ils se chargeaient de diffuser. Sur la base de ces données - les seules que l'on possède - il apparaîtra abusif de conclure à des persécutions antisémi- tes, dans la mesure où la loi soviétique. valable pour tous, a été appliqUée à des citoyens israélites. HIER et AUJOURD'HUI • Le souvenir du g heUo de Va rsovie Du 7 novembre au 7 décembre, se tient à Paris, au Mémorial du Martyr Juif, une importante exposition sur l'histoire tra~ique uploads/Geographie/ droit-et-liberte-15nov61.pdf

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