AOUBA Soumaïla- Manuel de Droit foncier INTRODUCTION 1. L’histoire du foncier e

AOUBA Soumaïla- Manuel de Droit foncier INTRODUCTION 1. L’histoire du foncier est très ancienne et liée à l’histoire de l’humanité, car depuis l’époque des sociétés primitives, la terre était déjà au centre des enjeux de survie et de développement communautaire. L’importance de la terre comme signe et éléments de richesse, de pouvoir et de gloire, était connue et exaltée. La plupart des guerres civiles, claniques, tiraient même leurs sources des problèmes fonciers. L’immobilier constituait une richesse. Cette réalité historique était corroborée par un adage célèbre, très ancien mais le plus actuel aussi, qui qu’ « il n’y ait de richesse que de biens immobiliers ». Effectivement, coïncidence ou pas, les plus grands fortunés étaient les plus grands propriétaires terriens. L’essor économique de l’Europe, première puissance économique d’avant les deux guerres mondiales reposait essentiellement sur l’immobilier et le foncier. Aujourd’hui encore, on pourrait expliquer le développement fulgurant des pays riches par la maîtrise du foncier, et la sécurité juridique qui a gouverné sa réglementation. Il est indéniable qu’avec l’apparition de la bourse, les valeurs mobilières ont connu des moments de gloire à tel enseigne que certains ont craint que le mobilier ne supplanta dorénavant l’immobilier jusque là considéré comme élément essentiel de richesse. Hélas, la garantie d’investissement que procure l’immobilier ou le foncier, dépasse celle en investissements mobiliers et boursiers, plus marqués par des fluctuations. 2. En Afrique, le foncier a été toujours placé à l’acmé des préoccupations. Contrairement à une opinion largement répandue, liant les problèmes fonciers de notre continent à la période coloniale, l’on peut affirmer que l’Afrique connaissait déjà des remous et tumultes en matière foncière, avant l’invasion colonialiste. Ce qui est même une évidence puisque la période coloniale date de moins de deux siècles alors que l’Afrique en tant que berceau de l’humanité a toujours vécu de la terre avec son corollaire de conflits. Il est en revanche certain que c’est la colonisation qui a davantage ravivé la question foncière en voulant y apporter des changements. Pendant que les sociétés africaines géraient empiriquement et coutumièrement les terres (sur la base de l’oralité et de la parole donnée), les sociétés occidentales européennes surtout, avaient depuis des siècles déjà, édictées une multitude de règles impératives (comme celles contenues dans le code civil français de 18041) pour régir les questions immobilières et foncières. Chez les colonisateurs, même en milieu rural, toute transaction immobilière, contractuelle ou non, était formalisée par écrit, soit par des actes authentiques, soit par des actes sous signatures privées, ce qui était fondamentalement différent des habitudes africaines. Par exemple pour céder définitivement un terrain même agricole les parties vont conclure un contrat de vente et pour le céder temporairement, elles peuvent recourir à un contrat de bail. Ce sont ces règles « modernes » que le colonisateur français notamment, a voulu transposer et imposer à ses colonies en matière foncière au cours de son long séjour. Mais si, dans certains domaines comme la politique, les populations sont restées souvent dociles et passives, en matière foncière, elles ont montré de fortes résistances au péril de leurs vies. 3. Cette hostilité s’explique par le fait que la terre est considérée par les traditionalistes comme un bien divin qui n’appartiendrait qu’à Dieu et non à l’Etat. Selon ces croyances, le chef étant le seul qui tire son pouvoir directement de Dieu, c’est à lui seul que reviendrait le droit de gérer l’espace et d’en disposer au nom et pour ses concitoyens. C’est ainsi que le roi ou le chef 1 Etendu à toute l’Afrique de l’Ouest par décret du 6 août 1901. La colonie de la Haute Volta quant à elle n’a été crée que par décret du 1er mars 1919 1 AOUBA Soumaïla- Manuel de Droit foncier de terre, selon les sociétés, en tant que propriétaire du domaine foncier rural, possède l’entièreté des droits pour décider du foncier. Le patriarche de chaque famille sollicite l’usage de la terre au chef, et lui expose ses besoins quant à la situation exacte de la terre voulue et quant à son étendue. Quand la requête est acceptée par le chef, le sujet bénéficie ainsi d’une portion de terre ainsi que l’autorisation définitive de l’exploiter « ad vitam » avec les membres de sa famille. A sa mort, point n’est besoin de saisir à nouveau le chef. La succession s’opère automatiquement et c’est généralement le plus âgé de la lignée du défunt patriarche qui hérite de cette terre familiale et qui décide désormais de son exploitation pour le compte de toute la grande famille, et ainsi de suite... Les femmes et les enfants n’étaient pas pris en compte dans la gestion des terres. C’était là, la marque d’une gestion féodale des terres car uniquement réservée aux hommes. 4. Il importe de souligner que selon ces traditions, le chef de terre ne vendait pas la terre à ses concitoyens. Mais, il pouvait, pour sa gratitude envers un de ses sujets, bénéficier de présents symboliques, dit-on. Or, cette réalité était un peu biaisée. L’on peut se demander si cela était toujours vrai quant on sait que ce système de partage ou de cession de terre n’était pas souvent équitable et neutre comme l’on le laisserait entendre. On pouvait remarquer que c’était plus, en fonction de la notoriété du patriarche qu’il bénéficiait plus ou moins d’une grande superficie. De même, les présents ou cadeaux étant souvent remis aux chefs par les demandeurs lors des démarches préliminaires d’obtention de terres, les largesses du chef de terres dépendaient de la consistance des cadeaux reçus mais également de ses relations personnelles avec les demandeurs en question c'est-à-dire le respect que ces derniers lui vouent en tant qu’autorité « suprême » et tout puissant. Ce n’était donc pas toujours en fonction du nombre d’enfants que l’espace était octroyé mais en fonction de l’influence du demandeur donc de son importance. En Afrique de l’Ouest comme au Burkina, ces règles coutumières existent dans toutes les sociétés avec une grande similitude. 5. Mais ces modes traditionnelles de gestion foncière allaient très rapidement subir des changements notoires avec l’arrivée du colon. Très vite, les autorités coloniales ont commencé à s’intéresser au problème de propriété en générale et au foncier en particulier. Avec l’influence du capitalisme, l’économie communautariste ou collectiviste jadis pratiquée par les populations locales au Burkina Faso dans la gestion des terres, est vite reléguer au second plan. De nos jours, avec l’effritement des traditions, les terres se vendent partout, même en milieu rural. En ville, le phénomène n’est pas nouveau. La spéculation immobilière au Burkina est en passe de devenir un fléau avec son cortège de trafic d’influence, de concussion et de corruption2. 6. La rencontre, en matière foncière, entre le droit moderne dans le domaine foncier et le d et le droit coutumier3 c'est-à-dire régi par les habitudes et les usages locaux, ne s’est pas faite en réalité dans l’harmonie. C’est ce qui semble avoir provoqué ce grand choc dont les conséquences sont encore perceptibles : refus de laisser l’administration seule gérer la terre, austérités des paysans à la modernisation foncière. Les problèmes de terres sont récurrents dans la plupart des pays. Malgré les réformes agraires et foncières répétitives les résultats demeurent très mitigés. Le législateur foncier face à l’extrême sensibilité des questions 2 Au Burkina Faso, des faits d’infraction immobilière sont fréquemment reprochés à certaines autorités communales. La Commune de Ouagadougou a été obligée, courant 2009 à 2010, d’initier des sortes de conférences interactives publiques sur cette gestion foncière. En 2011, un des maires de la ville de Ouagadougou, maire d’arrondissement de Boulmiougou a été suspendue de ses fonctions, vraisemblablement, pour sa gestion critiquable des terres du Domaine Foncier National. 3 Il s’agit de l’ensemble des usages locaux en vigueur dans les sociétés dites coutumières ou traditionnelles 2 AOUBA Soumaïla- Manuel de Droit foncier terriennes ou foncières semblent dépasséer car très hésitant et dubitatif : Comment va-t-il concilier le droit moderne et le droit coutumier ? 7. Pays très enclavé, le Burkina Faso comme beaucoup d’autres pays est un pays agricole qui connaît de nombreuses contraintes dans les domaines agraires et fonciers. Bien que l’agriculture soit pratiquée par près de 90% de sa population, le Burkina n’est pas encore parvenu à l’autosuffisance alimentaire. Pire, l’insécurité alimentaire va grandissante surtout avec le phénomène de la vie chère, entraînant de forts risques permaments de une crise alimentaire sans précédent. Cette insécurité alimentaire s’explique dans une large mesure par les modes de productions agricoles et d’exploitation de terres qui demeurent archaïques, inadaptés au contexte de la production de masse dictée par l’économie du marché et la mondialisation, mais aussi par la forte pression démographique, par les vastes mouvements migratoires en direction des villes et des zones fertiles, par les pratiques culturales destructrices de l’environnement, par l’hostilité des populations rurales aux innovations technologiques et aux réformes. De même, l’occupation et l’exploitation collective ou familiale des champs et habitats est progressivement abandonné au profit d’une exploitation individuelle, occasionnant un besoin supplémentaire d’espace agricole et d’habitation. L’agriculture n’arrivant pas à subvenir aux besoins des populations locales, uploads/Geographie/ droit-foncier 2 .pdf

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