37 Manuscrit soumis le 16 août 2011 Ann. Méd. Vét., 2012, 156, 37-65 Les races

37 Manuscrit soumis le 16 août 2011 Ann. Méd. Vét., 2012, 156, 37-65 Les races de poules belges MOULA N.1, JACQUET M.2, VERELST A.3, ANTOINE-MOUSSIAUX N.1, FARNIR F.1, LEROY P.1 1  Département des Productions animales, Faculté de Médecine vétérinaire, Université de Liège, Boulevard de Colonster, 20, Bâtiment B43, 4000 Liège, Belgique. 2 Filière avicole et cunicole wallonne, Chaussée de Namur, 47, 5030, Gembloux, Belgique. 3 Fédération nationale des Eleveurs d'Animaux de Basse-cour asbl, Cauwenberglei 9, 2243 Pulle, Belgique. Correspondance : Prof. Pascal Leroy - Email : pascal.leroy@ulg.ac.be RÉSUMÉ : La Belgique possède un patrimoine génétique avicole très riche. La poule, avec une quarantaine de races et plusieurs centaines de variétés, tient une place importante dans le bestiaire des races domestiques belges et européennes. Toutefois, ces races de poules tra- ditionnelles figurent parmi les ressources génétiques animales les plus menacées du monde. Ce manuscrit dresse l’origine et la situation des différentes races de poules belges encore existantes. 1. Introduction La diversité des populations animales domestiques, résultant de la sélection menée par l’homme dans des systèmes d’élevage variés, décroît rapidement du fait de l’intensification de l’élevage survenu durant la deuxième moitié du XXe siècle. La spécialisation extrême de certaines races domestiques et la dissémination mondiale de celles-ci ont en effet été obtenues au détriment de races locales moins productives, et donc de la biodiversité (Lariviere et Leroy, 2008). En 1992, lors du sommet de la terre organisé à Rio de Janeiro, cette biodiversité, alors mise à l’honneur, est définie comme étant la diversité des gènes, des espèces, des écosystèmes et des processus éco- logiques (article 2 de la Convention sur la Diversité biologique, adoptée le 22 mai 1992 et ouverte à la signature des Etats lors de la Conférence de Rio le 5 juin 1992, entrée en vigueur le 29 décembre 1993). Cette notion a depuis suscité beaucoup de débats dans la mesure où il apparaît que cha- que élément de la biodiversité, même le plus modeste, représente un patri- moine génétique mondial irrempla- çable. Si cette dégradation du capi- tal génétique concerne évidemment les espèces sauvages affectées par les altérations anthropiques de leur environnement ou par la chasse, elle touche aussi de nombreuses races et variétés domestiques, par les voies évoquées plus haut. Les données sur la diversité génétique du Centre mondial de Conservation (World Conservation Monitoring Centre) révèlent que durant un siè- cle (entre 1892 et 1992), 617 races domestiques se sont éteintes et 474 ont été considérées comme rares ou en danger d’extinction (Tisdell, 2003 ; Fadlaoui, 2006). Fadlaoui (2006) rap- porte encore qu’en moyenne une race sur six s’est éteinte au cours du dernier siècle. En 2007, selon la Commission des Ressources génétiques pour l’Ali- mentation et l’Agriculture de l’Orga- nisation des Nations-Unies pour l’Ali- mentation et l’Agriculture (FAO), au moins une race domestique a disparu chaque mois au cours des sept der- nières années, ce qui signifie que ces caractéristiques génétiques sont per- dues à jamais. Les ressources génétiques aviaires n’échappent pas à ce phénomène glo- bal et connaissent une situation très alarmante. En effet, à l’échelle mon- diale, les races avicoles en danger d’extinction ont augmenté de 51 % en 1995 à 63 % en 1999 avec respective- ment en Afrique un passage de 20 % à 34 %, en Asie de 32 % à 37 %, en Europe de 65 % à 76 %, en Amérique latine et dans la région des Caraïbes de 5 % à 45 %, dans le Proche-Orient de 19 % à 21 % et en Amérique du Nord de 78 % à 97 %. Les volailles considérées dans cette évaluation ont été les suivantes : casoar, pou- let, canard, émeu, oie, pintade, canard de Barbarie, nandou, autruche, per- drix, faisan, pigeon, caille et dindon (Guèye, 2001). La situation est particulièrement cri- tique concernant la poule domestique (tableau 1), dont la diversité résultait en partie de la sélection sur des carac- tères morphologiques (allure générale, couleur du plumage, taille du sque- lette, forme de la crête, couleur de la peau, répartition des plumes sur le corps…) et de performances (poids de carcasse et nombre d’œufs) à par- tir de la poule Bankiva, coq rouge de jungle ou Gallus gallus, issue des forêts indonésiennes (figure 1). Le développement et la vulgarisation des produits croisés issus de lignées spé- cialisées (pour la production de viande ou d’œufs) constituent un danger pressant d’extinction des races loca- les dans leur ensemble. Aujourd’hui, la génétique avicole mondiale est un secteur d’extrême concentration, trois grandes multinationales se partagent ainsi la sélection des souches de poulet de chair standard à croissance rapide, avec comme conséquence, l’homogé- néisation génétique de ces dernières (Muir et al., 2008 ; Federal Ministry of Food, Agriculture and Consumer Protection – Germany – cité par 38 Lariviere et Leroy, 2008). Il reste néanmoins les races destinées à la pro- duction d’oiseaux d’ornement (pour la beauté) ou la production de plumes destinées aux mouches de pèche ou encore sélectionnées pour le combat de coqs. Ces animaux représentent malgré tout un ensemble diversifié non négligeable et appartiennent à des particuliers (éleveurs amateurs, col- lectionneurs…) ou à des micro-entre- prises privées. La Belgique dispose de plusieurs dizaines de races de pou- les domestiques (Moula et al., 2011). Néanmoins cette richesse est mise en danger avec le classement de plus de 95 % de ces races locales à des stades critiques de moins de 100 femelles et 5 mâles (Larivière et Leroy, 2005 ; Moula et al., 2011). La persistance de certaines races anciennes, comme un peu partout en Europe, est essentielle- ment assurée par les éleveurs amateurs collectionneurs. Ce qui est encou- rageant pour l’avenir dans la mesure où les races de poules locales repré- sentent un réservoir vital de ressour- ces génétiques et qu’avec un effectif réduit elles peuvent survivre pourvu qu’un éleveur s’engage à les conserver (Spalona et al., 2007). Ces éleveurs passionnés mènent ainsi un travail d’intérêt global, la sauvegarde de la biodiversité domestique mondiale, car comme l’avançait déjà Georges Janin en 1929 cité par A. Audiot (1995) : « Même si une race locale pure ne paraît pas satisfaire aux indications économiques du moment, il est du devoir des pouvoirs publics d’assurer la conservation d’un nombre suffisant d’individus de cette race pour recons- tituer celle-ci dès que les circonstan- ces viendront à se modifier. Il s’agit de la sauvegarde d’un héritage dont chaque génération est comptable à l’égard de celle qui lui succède ». De tels animaux constituent le patrimoine vivant de l’homme (Vissac, 1993). Des politiques de conservation sont donc nécessaires. Si des initiatives centralisées sont possibles telles que la constitution de banques génétiques (semence, ovocytes, embryons conge- lés), d’autres occasions de promou- voir la conservation des races locales par leur usage en production peuvent être trouvées. La conservation est une étape, la valorisation en production en est une autre. Dans les pays indus- trialisés, les races locales peuvent trouver leur place dans le cadre de la production de qualité différenciée, de la production dite de « label » ou de terroir. Cette tendance nouvelle dans l’orientation de la consomma- tion a récemment émergé en Belgique notamment suite aux grandes crises sanitaires comme celle de la vache folle ou encore de la dioxine et à la préoccupation croissante du public pour le bien-être animal et la désinten- sification de l’élevage. L’intérêt pour une production différenciée (Label, Bio, Appelation d’origine contrôlée (AOC), Indication géographique pro- tégée (IGP), …) dans les pays indus- trialisés est en plein essor. Ainsi, en Région wallonne par exemple, entre début 2010 et mi 2011, la production de poulets de qualité différenciée (à partir de souches hybrides colorées à croissance lente) a augmenté de 17 %. Dans les pays en développement, la promotion de l’agriculture familiale dans l‘orientation vers une autosuf- fisance alimentaire et pour la lutte contre la pauvreté rurale devrait éga- lement tirer profit des races locales. leur adaptation aux milieux d’élevage parfois contraignants, présente un atout trop souvent négligé au profit de souches industrielles productives en conditions contrôlées mais tout à fait inadaptées aux conditions extensives (Alders et Pym, 2009). Devant la multitude des races domes- tiques, la part coordonnée des efforts publics de conservation, notamment celle visant à une meilleure connais- sance de la diversité présente et des aptitudes productives de chaque race, ne saurait concerner l’ensemble de celles-ci. Choisir les races à préserver revient à élaborer et à pondérer des critères de conservation (Cuc et al., 2011) ; alors que toutes les volailles ont leur particularité et leurs atouts dans ce processus de diversification des productions avicoles. Dans le cas Statuts de risque 2007 2010 Races critiques 156 130 Races critiques maintenues 9 16 Races en dangers 212 226 races en danger maintenues 42 83 Races éteintes 40 43 Races sans risques 321 357 Races inconnues 493 563 TOTAL 1273 1418 Tableau 1 : les statuts de risque des races de poules dans le monde entre 2007 et 2010 (Food and Agriculture Organisation, 2007-2010). Figure 1 : évolution de la diversité génétique du uploads/Geographie/ les-races-de-poules-belges-pdf.pdf

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