Paul ELUARD Capitale de la douleur Répétitions MAX ERNST Dans un coin l'inceste
Paul ELUARD Capitale de la douleur Répétitions MAX ERNST Dans un coin l'inceste agile Tourne autour de la virginité d'une petite robe Dans un coin le ciel délivré Aux épines de l'orage laisse des boules blanches. Dans un coin plus clair de tous les yeux On attend les poissons d'angoisse. Dans un coin la voiture de verdure de l'été Immobile glorieuse et pour toujours. A la lueur de la jeunesse Des lampes allumées très tard. La première montre ses seins que tuent des insectes rouges. SUITE Pour l'éclat du jour des bonheurs en l'air Pour vivre aisément des goûts des couleurs Pour se régaler des amours pour rire Pour ouvrir les yeux au dernier instant Elle a toutes les complaisances. MANIE Après des années de sagesse Pendant lesquelles le monde était aussi transparent qu'une aiguille Roucouler s'agit-il d'autre chose? Après avoir rivalisé rendu grâces et dilapidé le trésor Plus d'une lèvre rouge avec un point rouge Et plus d'une jambe blanche avec un pied blanc Où nous croyons-nous donc? L'INVENTION La droite laisse couler du sable. Toutes les transformations sont possibles. Loin, le soleil aiguise sur les pierres sa hâte d'en finir La description du paysage importe peu, Tout juste l'agréable durée des moissons. Clair avec mes deux yeux, Comme l'eau et le feu. * Quel est le rôle de la racine? Le désespoir a rompu tous ses liens Et porte les mains à sa tête. Un sept, un quatre, un deux, un un. Cent femmes dam la rue Que je ne verrai plus. * L'art d'aimer, l'art libéral, l'art de bien mourir, l'art de penser, l'art incohérent, l'art de fumer, l'art de jouir, l'art du moyen âge, l'art décoratif, l'art de raisonner, l'art de bien raisonner, l'art poétique, l'art mécanique, l'art érotique, l'art d'être grand-père, l'art de la danse, l'art de voir, l'art d'agrément, l'art de caresser, l'art japonais, l'art de jouer, l'art de manger, l'art de torturer. * Je n'ai pourtant jamais trouvé ce que j'écris dans ce que j'aime. PLUS PRÈS DE NOUS Courir et courir délivrance Et tout trouver tout ramasser Délivrance et richesse Courir si vite que le fil casse Au bruit que fait un grand oiseau Un drapeau toujours dépassé. PORTE OUVERTE La vie est bien aimable Venez à moi, si je vais à vous c'est un jeu, Les anges des bouquets dont les fleurs changent de couleur. SUITE Dormir, la lune dans un œil et le soleil dans l'autre, Un amour dans la bouche, un bel oiseau dans les cheveux, Parée comme les champs, les bois, les routes et la mer, Belle et parée comme le tour du monde. Fuis à travers le paysage, Parmi les branches de fumée et tous les fruits du vent, Jambes de pierre aux bas de sable, Prise à la taille, à tous les muscles de rivière, Et le dernier souci sur un visage transformé. LA PAROLE J'ai la beauté facile et c'est heureux. Je glisse sur le toit des vents Je glisse sur le toit des mers Je suis devenue sentimentale Je ne connais plus le conducteur Je ne bouge plus soie sur les glaces Je suis malade fleurs et cailloux J'aime le plus chinois aux nues J'aime la plus nue aux écarts d'oiseau Je suis vieille mais ici je suis belle Et l'ombre qui descend des fenêtres profondes Épargne chaque soir le cœur noir de mes yeux. LA RIVIÈRE La rivière que j'ai sous la langue, L'eau qu'on n'imagine pas, mon petit bateau, Et, les rideaux baissés, parlons. L'OMBRE AUX SOUPIRS Sommeil léger, petite hélice, Petite, tiède, cœur à l'air. L'amour de prestidigitateur, Ciel lourd des mains, éclairs des veines, Courant dans la rue sans couleurs, Pris dans sa traîne de pavés, II lâche le dernier oiseau De son auréole d'hier — Dans chaque puits, un seul serpent. Autant rêver d'ouvrir les portes de la mer. NUL Ce qui se dit : J'ai traversé la rue pour ne plus être au soleil. Il fait trop chaud, même à l'ombre. Il y a la rue, quatre étages et ma fenêtre au soleil. Une casquette sur la tête, une casquette à la main, il vient me serrer la main. Voulez-vous ne pas crier comme ça, c'est de la folie! * Des aveugles invisibles préparent les linges du sommeil. La nuit, la lune et leur cœur se poursuivent. * A son tour un cri : « l'empreinte, l'empreinte, je ne vois plus l'empreinte. A la fin, je ne puis plus compter sur vous !» POÈMES Le cœur sur l'arbre vous n'aviez qu'à le cueillir, Sourire et rire, rire et douceur d'outre-sens. Vaincu, vainqueur et lumineux, pur comme un ange, Haut vers le ciel, avec les arbres. Au loin, geint une belle qui voudrait lutter Et qui ne peut, couchée au pied de la colline. Et que le ciel soit misérable ou transparent On ne peut la voir sans l'aimer. Les jours comme des doigts repliant leurs phalanges. Les fleurs sont desséchées, les graines sont perdues, La canicule attend les grandes gelées blanches. A l'œil du pauvre mort. Peindre des porcelaines. Une musique, bras blancs tout nus. Les vents et les oiseaux s'unissent — le ciel change. LIMITE Songe aux souffrances taillées sous des voiles fautifs Aux petits amateurs de rivières tournantes Où promenade pour noyade Nous irons sans plaisir Nous irons ramer Dans le cou des eaux Nous aurons un bateau. LES MOUTONS Ferme les yeux visage noir Ferme les jardins de la rue L'intelligence et la hardiesse L'ennui et la tranquillité Ces tristes soirs à tout moment Le verre et la porte vitrée Confortable et sensible Légère et l'arbre à fruits L'arbre à fleurs l'arbre à fruits Fuient L'UNIQUE Elle avait dans la tranquillité de son corps Une petite boule de neige couleur d'oeil Elle avait sur les épaules Une tache de silence une tache de rosé Couvercle de son auréole Ses mains et des arcs souples et chanteurs Brisaient la lumière Elle chantait les minutes sans s'endormir. LA VIE Sourire aux visiteurs Qui sortent de leur cachette Quand elle sort elle dort. Chaque jour plus matinale Chaque saison plus nue Plus fraîche Pour suivre ses regards Elle se balance. NUL Il pose un oiseau sur la table et ferme les volets. Il se coiffe, ses cheveux dans ses mains sont plus doux qu'un oiseau. * Elle dit l'avenir. Et je suis chargé de le vérifier. * Le cœur meurtri, l'âme endolorie, les mains brisées, les cheveux blancs, les prisonniers, l'eau tout entière est sur moi comme une plaie à nu. INTÉRIEUR Dans quelques secondes Le peintre et son modèle Prendront la fuite. Plus de vertus Ou moins de malheurs J'aperçois une statue Une sorte d'amande Une médaille vernie Pour le plus grand ennui. A CÔTÉ La nuit plus longue et la route plus blanche. Lampes je suis plus près de vous que la lumière. Un papillon l'oiseau d'habitude Roue brisée de ma fatigue De bonne humeur place Signal vide et signal A l'éventail d'horloge. A CÔTÉ Soleil tremblant Signal vide et signal à l'éventail d'horloge Aux caresses unies d'une main sur le ciel Aux oiseaux entrouvrant le livre des aveugles Et d'une aile après l'autre entre cette heure et l'autre Dessinant l'horizon faisant tourner les ombres Qui limitent le monde quand j'ai les yeux baissés. L'IMPATIENT Si triste de ses faux calculs Qu'il inscrit ses nombres à l'envers Et s'endort. Une femme plus belle Et n'a jamais trouvé, Cherché les idées rosés des quinze ans à peine, Ri sans le savoir, sans un compliment Aux jeunesses du temps. A la rencontre De ce qui passait à côté L'autre jour, De la femme qui s'ennuyait, Les mains à terre, Sous un nuage. La lampe s'allumait aux méfaits de l'orage Aux beaux jours d'Août sans défaillances, La caressante embrassait l'air, les joues de sa compagne, Fermait les yeux Et comme les feuilles le soir Se perdait à l'horizon. SANS MUSIQUE Les muets sont des menteurs, parle. Je suis vraiment en colère de parler seul Et ma parole Éveillé des erreurs Mon petit cœur. LUIRE Terre irréprochablement cultivée, Miel d'aube, soleil en fleura, Coureur tenant encore par un fil au dormeur (Nœud par intelligences) Et le jetant sur son épaule : « Il n'a jamais été plus neuf, Il n'a jamais été si lourd. » Usure, il sera plus léger, Utile. Clair soleil d'été avec : Sa chaleur, sa douceur, sa tranquillité Et, vite, Les porteurs de fleurs en l'air touchent de la terre. LA GRANDE MAISON INHABITABLE Au milieu d'une île étonnante Que ses membres traversent Elle vit d'un monde ébloui. La chair que l'on montre aux curieux Attend là comme les récoltes La chute sur les rives. En attendant pour voir plus loin Les yeux plus grands ouverts sous le vent de ses mains Elle imagine que l'horizon a pour elle dénoué sa ceinture. LA MORT DANS LA CONVERSATION Qui a votre visage? La bonne et la mauvaise La belle imaginable Gymnastique à l'infini Dépassant en mouvements Les couleurs et les baisers Les grands gestes la nuit. RAISON uploads/Geographie/ eluard-capitale-de-la-douleur.pdf
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- Publié le Jul 14, 2022
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