ÉRIC ROHMER IN SITU : LA FABRIQUE DU PAYSAGE URBAIN MÉMOIRE DE MASTER 2 CINÉMA,
ÉRIC ROHMER IN SITU : LA FABRIQUE DU PAYSAGE URBAIN MÉMOIRE DE MASTER 2 CINÉMA, DOCUMENTAIRE, MÉDIAS PRÉSENTÉ PAR ANOUK PHÉLINE SOUS LA DIRECTION DE FRÉDÉRIQUE BERTHET UNIVERSITÉ PARIS DIDEROT-PARIS 7 2 Outre l’iconographie attachée au texte, ce mémoire est rythmé par des photogrammes pleine page de La Sonate à Kreutzer (1956) qui montrent Rohmer, acteur principal du film, traversant Paris. 3 UNIVERSITE PARIS DIDEROT-PARIS 7 – UFR LETTRES, ARTS, CINÉMA MÉMOIRE DE RECHERCHE DE MASTER 2 CINÉMA, DOCUMENTAIRE, MÉDIAS ÉRIC ROHMER IN SITU : LA FABRIQUE DU PAYSAGE URBAIN PRÉSENTÉ PAR ANOUK PHÉLINE, SOUS LA DIRECTION DE FRÉDÉRIQUE BERTHET 6 À Marie-Brigitte Percodani Baldassari, mémoire vive de Victor Hugo À la mémoire de Mady, Jean et Alexandre 7 REMERCIEMENTS Ce travail n’aurait pas été possible sans les conseils de méthode et les suggestions que Frédérique Berthet, ma directrice de recherche, m’a généreusement prodigués tout au long de l’année. Ma gratitude va également à Antoine de Baecque qui m’a encouragée à entreprendre cette recherche sur l’œuvre d’Éric Rohmer. Je tiens aussi à remercier Noël Herpe pour sa confiance. André Derval, Directeur des collections de l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine, et l’équipe en charge des archives, m’ont été d’un soutien irremplaçable dans la conduite de ma recherche sur le fonds « Éric Rohmer ». Je les remercie tout particulièrement de m’avoir autorisée à reproduire à l’appui de ce mémoire des documents inédit de ce fonds. Je tiens à vivement remercier pour leur soutien les responsables de l’Atelier Archives et Devenir des Images de l’université Paris Diderot-Paris 7, Emmanuelle André et Frédérique Berthet, Joël Daire, Directeur du patrimoine et l’équipe de la Cinémathèque française. Je suis particulièrement redevable à Françoise Zamour, ma tutrice à l’École Normale Supérieure, qui m’a accompagnée avec bienveillance dans mes choix d’orientation et mes projets successifs au Département d’Histoire et Théorie des Arts. Je voudrais enfin exprimer toute ma reconnaissance à Cheryl Carlesimo, à Paul Chemetov, et à mon ami Keisuke Mogi, qui prépare sa thèse sur Éric Rohmer et l’architecture moderne. 8 SOMMAIRE INTRODUCTION : SUR LES TRACES D’ÉRIC ROHMER p. 11 Éric Rohmer in situ p. 11 Le « petit atelier » du cinéaste p. 14 La télévision, laboratoire d’Éric Rohmer p. 16 La fabrique du paysage : un art du repérage p. 18 Etat des lieux de la recherche p. 20 Corpus et plan p. 23 I. L’HOMME QUI MARCHE : REGARDS SUR LE PAYSAGE PARISIEN p. 27 1. Éric Rohmer, « piéton de Paris » p. 27 2. Le regard du flâneur p. 35 3. Paris 1930 : film marché, film rêvé p. 42 ESSAI VISUEL : « PARIS PALIMPSESTES » p. 50 9 II. LA FABRIQUE DE LA VILLE : LE CINÉASTE ET L’ARCHITECTE p. 72 1. La figure démiurgique de l’architecte p. 72 2. Portraits de villes p. 80 3. Rédemption des démolisseurs ? p. 95 III. APPRENDRE À VOIR LES MÉTAMORPHOSES DU PAYSAGE p. 101 1. Film pédagogique, film d’apprentissage p. 101 2. De la figuration à la transfiguration du paysage : genèse photographique p. 109 3. Une histoire du regard : aux sources du paysage p. 122 4. La vue en mouvement, forme de la sensibilité moderne p. 135 CONCLUSION : EXPÉRIMENTER LE PAYSAGE p. 144 ANNEXES p. 148 I. Filmographie p. 148 II. Documents d’archives consultées p. 152 III. Bibliographie sélective p. 158 10 11 INTRODUCTION SUR LES TRACES D’ÉRIC ROHMER « Comprendre un poète, c’est avant tout apprendre à regarder le monde avec lui. » Éric Rohmer1 Éric Rohmer in situ Au point de départ de notre réflexion se trouve la conception rohmérienne du cinéma comme « art de l'espace2 ». La pensée de l’auteur, critique et cinéaste, place l’espace au point focal entre théorie et pratique. Dans sa thèse de doctorat consacrée à L’organisation de l’espace dans le “Faust” de Murnau, Rohmer définit « l’espace architectural » (le décor) de manière emphatique comme le lieu originaire de la création cinématographique : « C’est avec cette réalité que le cinéaste se mesure au moment du tournage, qu’il la restitue ou qu’il la trahisse3. » C’est le processus des repérages qui constitue selon nous chez Rohmer le moyen d’une telle confrontation avec le réel. Dans ses films, principalement tournés en décors naturels, l’organisation de l’espace est régie par l’exploration systématique des lieux de tournage et le règlement minutieux des déplacements des personnages comme des mouvements de caméra. Rohmer s’attache ainsi de manière presque obsessionnelle à respecter la topographie des lieux, dans leur diversité physique et matérielle, en accord avec une conception éthique du 1 Éric Rohmer, « Fiche pédagogique : Victor Hugo, Les Contemplations. Livres V et VI », Bulletin de la Radio-Télévision scolaire, mai 1969. 2 Éric Rohmer, « Le Cinéma, art de l’espace », Le Goût de la beauté, pp. 33-45. 3 Éric Rohmer, L’organisation de l’espace dans le ”Faust” de Murnau, U.G.E., 1977, p. 11-12. 12 réalisme en art selon laquelle « l’art est soumis au réel, et non pas l’inverse4. » L’économie de moyens qui caractérise sa pratique cinématographique volontairement amateure5, entraîne une indistinction entre lieux de vie et lieux de tournage : on tourne dans la rue au milieu des passants, dans l’appartement d’un ami, dans la maison où est aussi logée l’équipe, etc. La morale cinématographique de la « transparence » et du « montage par continuité » héritée d’André Bazin6, qui fut son maître ès théorie du cinéma aux Cahiers7, s’est ainsi traduite chez Rohmer par un principe de fidélité de l’espace filmique à l’espace filmé. Fidélité qu’il revendiquait déjà comme la « vérité » d’un espace non truqué dans Le Signe du Lion, son premier long-métrage réalisé en 19598 : « Je n’ai jamais triché avec la géographie parisienne, ni avec les heures de la journée, et ma (parfois mes) caméra a toujours été cachée à la vue des passants. […] Je crois, à certains moments du moins, avoir introduit la rigueur indispensable à l’œuvre d’art dans la liberté du réel pris sur le vif9. » Les vues de ville filmées par les frères Lumière seraient la référence paradigmatique de ce cinéma en décors naturels qui accorde une place centrale au paysage urbain. Une partie très importante de la filmographie de Rohmer se compose en effet de films de ville dont l’ancrage topographique précis est signalé par la présence à l’écran de plaques de rues, de panneaux indicateurs ou de cartes géographiques. Ces décors ne peuvent être réduits à un simple cadre. Ce sont des lieux parcourus, habités, vécus, contés, que capturent les fictions et documentaires de Rohmer, à travers le chassé-croisé des points de vue, les perspectives incidentes ou tronquées des personnages, et les circonvolutions du commentaire. La démarche cinématographique de Rohmer nous invite ainsi à un parcours subjectif dans la ville, à travers les quartiers historiques, les banlieues ou les villes nouvelles. Notre hypothèse est que cet « art de l’espace » relève d’une conception moderniste du paysage comme expérience du regard, à la croisée de l’anthropologie spatiale, de la géographie culturelle et des arts plastiques ou performatifs contemporains. D’après le géographe Augustin 4 Jean Douchet, 30 ans du Losange, brochure éditée par les Films du Losange en 1992. 5 Dans les années 1960, Rohmer tourne beaucoup en 16 mm, faute de moyens mais aussi par goût d’un cinéma amateur exempt des contraintes habituelles de production, qui laisse libre cours au goût de l’amateur de cinéma, au sens d’amator : celui qui aime. 6 On se réfère notamment à l’article « L’évolution du langage cinématographique », in Qu’est-ce que le cinéma ?, Cerf, Paris, 1990 (1976). 7 Rohmer publie les articles de Bazin à sa mort, en quatre volumes, aux Éditions du Cerf sous le titre « Qu’est-ce que le cinéma ? », entre 1958 et 1962. 8 Il a déjà réalisé un long-métrage resté inachevé, en 1952 : Les petites filles modèles. 9 Éric Rohmer, réponse dactylographiée à un questionnaire de Parvulesco, IMEC, dossier « Le signe du Lion, réception » (RHM 1.13). 13 Berque, le paysage n’existe pas en soi mais n’est pas imaginaire pour autant : il est le fruit d’une construction culturelle, correspond à la qualité du regard que l’on porte sur l’environnement pour le changer en décor naturel : « Notre regard ne se porte pas seulement sur le paysage ; dans une certaine mesure, il est le paysage10. » La sensibilité paysagère d’une époque dépendrait ainsi d’un ensemble de représentations collectives. Dans cette perspective, la nature et le paysage urbain sont tout aussi artificiels en tant qu’ils sont façonnés par le travail des hommes et artialisés par la culture11. Le paysage se fabrique : « Ce que nous percevons et que nous croyons être naturel est le produit d’un regard qui n’existe que par l’art.12 », analyse Alain Roger dans son Court traité du paysage. C’est dans ce cadre théorique que nous poserons la question de la fabrique du paysage urbain dans les films d’Éric Rohmer. À partir de l’analyse des ses documentaires et des indices retrouvés dans les archives du cinéaste, nous uploads/Geographie/ eric-rohmer-in-situ-la-fabrique-du-paysa.pdf
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- Publié le Mai 19, 2022
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