Les quatre éléments dans les PERSES d’ESCHYLE par : Dominique Gouillart, agrégé

Les quatre éléments dans les PERSES d’ESCHYLE par : Dominique Gouillart, agrégée de lettres classiques, ancienne élève de l’ENS Ulm En 1961, la télévision française diffusait une excellente adaptation des Perses par J. Prat et J. Prodromidès, qui frappa le public et les mémoires. La pièce continue à être régulièrement jouée, dans des mises en scène qui mettent en valeur son étonnante modernité. C’est de cette pièce toujours jeune que nous allons parler. INTRODUCTION : PRESENTATION DE L’AUTEUR, DE LA PIECE ET DES CIRCONSTANCES 1) ESCHYLE Eschyle, le premier des trois grands auteurs tragiques, naquit vers 525 av. J.-C. à Éleusis, près d'Athènes. Appartenant à la famille des Eupatrides, donc de souche aristocratique, il participa aux guerres médiques et se battit à Marathon et à Salamine. Ses deux frères moururent les armes à la main à Marathon ; en particulier, l'un d'eux, Cynégire, connut une mort héroïque et atroce, puisque, selon la légende, il aurait eu les deux bras tranchés par l’ennemi avant d'être décapité. La tragédie Les Perses se fait l’écho de cette expérience du combat qui permit à Athènes et à l'ensemble de la Grèce de sauver leur liberté. Il semble avoir composé sa première tragédie dès 499 et remporté son premier prix vers 484. La plus ancienne pièce que nous ayons de lui est Les Perses, déjà assez tardive (472). En 457, il obtint un triomphe avec sa trilogie de l’Orestie. Après avoir été probablement accusé par les autorités athéniennes d'avoir divulgué certains secrets des Mystères d'Éleusis, auxquels il avait été initié, il partit en Sicile où il mourut accidentellement à Géla en 456. D’après les érudits d’époque tardive, Eschyle aurait laissé quelque quatre-vingt-dix tragédies ainsi qu'un quinzaine de drames satyriques. De cette œuvre abondante, il ne reste plus que des fragments et sept drames complets dont voici les titres et les dates supposées : - Les Perses (472) - Les Sept contre Thèbes (467) - Les Suppliantes (entre 468 et 463) - L'Orestie : Agamemnon, Les Choéphores, Les Euménides (458) - Prométhée enchaîné (date inconnue). Considéré comme « le Père de la tragédie ». Les Anciens lui attribuaient l’invention du masque sur scène et l’introduction d’un second acteur, ce qui eut pour conséquence notable d'étoffer l'action dramatique. Malgré tout, la tragédie d’Eschyle se caractérise encore par une grande simplicité et une intrigue assez mince. Cependant, le dialogue entre les personnages est une de ses composantes incontestables (ce qui distingue Eschyle de Phrynichos, l’un des créateurs de la tragédie au VIe siècle), mais les déclamations lyriques, les longues descriptions sont largement majoritaires Les drames d'Eschyle sont tout imprégnés par l’actualité politique athénienne ainsi que par la guerre. Cela est évident pour la tragédie des Perses, qui évoque au-delà des échecs de Xerxès, la prédominance des Grecs et plus particulièrement l'incontestable rayonnement athénien. Cependant, le poète garde la mentalité d’un homme « archaïque » avec sa crainte des dieux dont les décisions pèsent lourdement sur le destin des hommes. Une soumission complète à leurs volontés est une obligation dont ne saurait se dispenser nul humain, même les plus sages. Mais cette toute-puissance des dieux est à nuancer. Si dans Les Perses, Xerxès est vaincu par les Grecs, c’est parce qu’il a abusé de son propre pouvoir et qu’il est tombé dans l’hybris (la démesure). En fait, à travers ces rapports conflictuels, Eschyle recherche les conditions qui seraient celles d’une coexistence harmonieuse et sereine des hommes avec la volonté divine. Cette atmosphère sombre enveloppée par une envoûtante poésie, sans pour autant nuire à l'action, caractérise les pièces d'Eschyle. Doté d’une imagination extraordinaire et visionnaire, Eschyle a sans cesse émerveillé les Anciens, malgré la redoutable concurrence de Sophocle et d’Euripide dont les pièces semblaient plus modernes, mais aussi plus captivantes. 2) PRESENTATION DE LA PIECE - quelques noms et dates : Cyrus le Grand (559-529) fondateur de l’empire perse et de la dynastie des Achéménides Cambyse (529-522) fils de Cyrus ; soumet l’Egypte Darius I (522-486) ; épouse une fille de Cyrus ; réorganise l’empire La bataille de Marathon : 490, défaite perse sous le règne de Darius (1ère guerre médique) Xerxès 1er : roi des Perses de 485 à 465 ; fils de Darius et d’Atossa (fille du grand Cyrus) Le décès de Darius I entraîne d'importantes révoltes à Babylone et son successeur, son fils Xerxès I doit s'en occuper en priorité. Xerxès nous est connu par Hérodote comme un monarque ami du faste, renommé pour son goût des femmes, ce qui sera corroboré par le livre d'Esther, dans lequel le roi perse Assuérus semble correspondre à Xerxès I. 2ème guerre médique : sous la pression de ses généraux, Xerxès va reprendre les opérations militaires contre la Grèce. Après le succès de la bataille des Thermopyles et la prise d'Athènes en 480, les Perses subissent plusieurs défaites rapprochées (Salamine 480, Platée 479, Mycale le même jour) et tout le corps expéditionnaire perse est anéanti. Toutes les tentatives ultérieures pour établir une hégémonie perse en Europe se solderont par des échecs. Xerxès sera éliminé en 465 par une conspiration qui met son fils Artaxerxès I sur le trône. - date de la pièce et circonstances : Les faits sont très bien connus, relatés notamment par l’historien Hérodote (voir l’annexe). C’est une pièce historique, contrairement aux autres tragédies d’Eschyle qui nous restent. C’est un peu comme si on écrivait aujourd’hui une pièce sur la Guerre du Golfe. Avec les Perses et trois autres pièces perdues (Phinée, Glaucos de Potnies, Prométhée), Eschyle obtient le prix au concours dramatique au printemps 472 av. J.-C. Selon toute vraisemblance, il n’existait pas de lien entre ces quatre œuvres, chacune formant un tout suffisant à lui-même. Les Perses célèbre le triomphe des Grecs à la bataille navale de Salamine (à laquelle Eschyle a participé en 480), contre la flotte du roi Xerxès Ier (485-465). Mais la pièce n’est pas une œuvre partiale ; l’adversaire est traité sans mépris ni haine, et ses douleurs et ses angoisses sont traduites avec vérité, presque avec sympathie. Eschyle transforme l’actualité en mythe, donnant à la défaite de Xerxès une valeur exemplaire. Cependant, il est très habile de la part d’Eschyle d’adopter le point de vue perse qui lui permet de répéter à satiété le drame de l’attente et de la défaite perse, et donc d’exalter la victoire athénienne. source : wikipedia -résumé de la pièce : PARODOS (= entrée du chœur) en vers lyriques : à Suse, le chœur des Fidèles du grand Roi évoque la folle entreprise de Xerxès qui est parti conquérir la Grèce ; inquiétude. 1er EPISODE : a) songe d’Atossa qu’elle raconte aux choreutes ; le chœur lui conseille d’invoquer les dieux et l’ombre de Darius, son époux mort. b) un messager fait à Atossa le récit de la défaite perse à Salamine. 1er STASIMON (= chant du chœur servant d’entracte) : le chœur condamne la folie de Xerxès. 2ème EPISODE : Atossa, par ses libations, fait sortir des enfers l’ombre de Darius qui dénonce solennellement la démesure de son fils Xerxès. 2ème STASIMON : le chœur fait l’éloge de Darius et de son règne, véritable âge d’or. EXODOS : arrivée de Xerxès, qui, en courts vers lyriques, déplore son malheur en dialoguant avec le chœur. - caractéristiques de la pièce : a) caractère linéaire : Atossa est la protagoniste (tout le temps présente dans les épisodes 1 et 2) et s’adresse tantôt au coryphée et au chœur, tantôt au messager, tantôt à l’ombre de Darius, tantôt à Xerxès. b) la déploration pourrait être statique, mais l’attention est soutenue par l’attente (vont-ils revenir ?) et par les récits successifs, toujours très dramatiques. c) Eschyle a mis en scène un fait historique majeur ; or l’impression ressentie est très différente de celle de la lecture de l’historien Hérodote. On se posera donc la question = comment Eschyle s’y est-il pris pour faire de sa pièce un chef d’œuvre marqué par une telle charge poétique ? - 1er élément de réponse d’ordre linguistique avec les fonctions du langage (Jakobson) : pour Jakobson, plus les différentes fonctions linguistiques sont nombreuses, et plus le climat du texte est poétique. C’est le cas ici, avec l’exaltation des fonctions référentielle, expressive, conative, phatique et poétique. cf. Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, Les Éditions de Minuit, coll. "double". Notamment le chapitre 11 ("Linguistique et poétique"). Nous ne développerons pas ici cette analyse, mais nous nous engagerons sur une autre voie : - 2ème élément de réponse avec cette constatation : les éléments (eau, terre, feu, air) reviennent constamment dans le texte. Etant donné la très grande qualité poétique du texte, quelle sont les significations de cette présence obsédante ? 3) les 4 ELEMENTS A l’origine il s’agissait d’une hypothèse de certains philosophes grecs et notamment d'Empédocle d'Agrigente (490-435 env.), selon laquelle tous les matériaux constituant le monde seraient composés de quatre éléments : l'eau ; l'air ; la terre ; le feu. A un moment donné, l'Un se forma du Multiple, à un autre moment, il se divisa, et de l'Un sortit uploads/Geographie/ eschyle-les-4-elements-dans-les-perses.pdf

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