Birmanie, la dictature du pavot Francis Christophe Editions Philippe Picquier,
Birmanie, la dictature du pavot Francis Christophe Editions Philippe Picquier, Arles, 1998* * Cette version Internet est prise du texte de l'auteur et non du livre rédigé, pour lequel, fourni de photos, annexes etc., voir le texte des éditions Philippe Picquier (collection Reportages). ****************************************** SOMMAIRE PREFACE DU ROI THEBAW A LA FRENCH-SLORC-CONNECTION I TRAJECTOIRE BIRMANE LA MONTEE DE l'OPIUM EN BIRMANIE (I) LA MONTEE DE L'OPIUM (II): L'ARRIVEE EN FORCE DU SLORC LA REDDITION-REHABILITATION DE KHUN SA LE SLORC, REINCARNATION DE LA DICTATURE PRECEDENTE PARRAINAGES ET RESEAUX LE PARAVENT DE L'ENGAGEMENT CONSTRUCTIF LES AMIS DU SLORC INDE-BIRMANIE: L'HEROINE BOUSCULE LE STATU-QUO NARCO-REACTION EN CHAINE II EXCEPTION FRANCAISE LA FRANCE EN BIRMANIE (I): LA CHUTE de MANDALAY LA FRANCE EN BIRMANIE (II): MIRAGE ET TABOU SUR LA DROGUE DIPLOMATIE PETROLIERETOTAL EN BIRMANIE, L'IMPLANTATION LE FARDEAU BIRMAN SUCCES SUR LE TERRAIN, DIFFICULTES MEDIATIQUES LA FRANCE EN BIRMANIE (III): LES CIRCUITS POLITIQUES ET ECONOMIQUES UNE FRENCH-SLORC-CONNECTION? POSTFACE UN ENGAGEMENT DESTRUCTEUR BREVE BIBLIOGRAPHIE ************************************************* PREFACE DU ROI THEBAW A LA FRENCH-SLORC-CONNECTION En 1885, la guerre des pagodes , perdue par le roi Thebaw face à l'armée anglo-indienne du général Prendergast conduisit à l'annexion du Royaume de Mandalay. La haute Birmanie était intégrée aux Indes et rattachée à l'empire Britannique. Dans le déclenchement des hostilités entre les Anglais et le royaume birman, un pays joua le rôle de catalyseur: la France, Déjà présente au Tonkin. D'éventuelles livraisons d'armes modernes à Mandalay via Haiphong, négociées à Paris par un ministre birman, inquiétèrent Londres qui n'était nullement disposé à laisser les français approcher les marches orientales de la British India. Dans la capitale de la haute Birmanie, un ingénieur français entretenait une liaison avec la favorite de la reine Suppayalat, et par son entremise, parvint à passer des accords secrets destinés à supplanter dans le royaume les firmes anglaises qui monopolisaient le commerce du tek et des pierres précieuses. Revenant marié au bras d'une blonde normande d'un séjour en métropole, l'ingénieur français déclencha la tempête. La favorite de la reine, ainsi publiquement bafouée, se vengea: Elle transmit aux anglais les doubles des accords secrets franco-birmans...Ces documents balayérent les dernières réticences du Vice-Roi à Calcutta. Un corps expéditionnaire anglais fut constitué, et sous un pretexte futile, un ultimatum adressé au roi Thebaw. En moins de trois mois Mandalay tombait. Avec la chute de Mandalay disparut l'influence française en Birmanie... Pendant 105 ans. En 1988, l'avènement de la sanglante dictature qui a elle-même choisi son nom -SLORC- semble avoir ranimé quelques espérances à Paris. celles-ci commencent à prendre tournure au début des années 90, et débouchent en1992 sur la signature du contrat Yadana, qui fait de la compagnie pétrolière TOTAL le chef de file de l'exploitation d'un important gisement de gaz au large des côtes birmanes en mer d'Andaman. La construction d'un gazoduc destiné à livrer le gaz birman au client -la Thailande- fait de TOTAL l'opérateur du plus grand projet jamais réalisé en Birmanie, plus de 1 millard de dollars d'investissements. Le pétrolier français devient ainsi "le principal soutien de la dictature", selon les termes employés par Daw Aung San Suu Kyi, figure charismatique du combat pacifique pour la Démocratie, prix Nobel de la Paix 1991. Les méthodes employées, les personnages impliqués donnent du retour de la France en Birmanie une image stupéfiante. Pour s'attirer les bonnes grâces des généraux du SLORC, des firmes françaises ont délibérément participé à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'un système de blanchiment de l'argent provenant de la vente d'héroïne. Ce dérivé de l'opium, dont la Birmanie est le plus gros producteur mondial, constitue la principale source de devises d'un régime économiquement en faillite. Seul le recours massif au blanchiment de l'argent de la drogue a permis au SLORC de tripler les effectifs de son armée et d'importer de grandes quantités d'armements. Dans ce contexte tourmenté émerge ce qu'il faudra bien appeler la French-SLORC-Connection. I TRAJECTOIRE BIRMANE LA MONTEE de l'OPIUM en BIRMANIE (I) La Birmanie, limitrophe du premier fournisseur et du premier consommateur d'opium au XIX ème siècle, l'Inde et la Chine, ne pouvait que subir les effets à moyen et long terme de cette proximité géographique. La place de premier producteur/exportateur mondial d'opiacés prise par la Birmanie à la fin du XX ème siècle n'est pas un accident. Le processus faisant de l'opium le moteur du commerce avec la Chine est bien connu. Le déficit enregistré dans les échanges entre commerçants anglais et leurs fournisseurs chinois (thé, soieries...) prend de l'ampleur au XVIII ème siècle, et motive, en 1757, la prise - à l'empire Moghol déclinant- du Bengale, le "grenier à opium", par Robert Clive, le patron de l'East India Company. Il s'agit de ravir aux Hollandais leur quasi monopole sur la commercialisation de l'opium en Asie et de barrer la route aux velleités françaises dans ce domaine. En effet, le gouvernement impérial chinois a interdit en 1729 l'importation et la commercialisation de cette substance dans le pays, faisant ainsi monter ses cours au marché noir et maximisant les profits des commerçants -chinois et européens- se lançant dans la contrebande. Les ventes d'opium indien par les anglais en Chine connaissent une croissance exponentielle, passant de 240 tonnes en 1792 à 360 tonnes en 1817, pour monter à 2400 tonnes vingt ans plus tard, et 2740 tonnes en 1838, représentant alors trente quatre pour cent des revenus de la couronne britannique aux Indes. Le gouvernement chinois, conscient de l'hémorragie financière provoquée par cette contrebande massive, réagit en détruisant, au printemps 1839 mille quatre cent tonnes d'opium appartenant à des négociants anglais dans le port de Canton. L'occasion pour Londres de déclencher et de gagner la première "guerre de l'opium", qui se termine par le traité de Nankin (1842), très coûteux pour l'Empire du Milieu. Outre une forte indemnité à verser aux armateurs-contrebandiers, la Chine cède à la Grande Bretagne l'île de Hong Kong et doit ouvrir cinq ports au commerce international. La seconde guerre de l'opium, à laquelle sont associés les Français, se termine par le traité de Tien-Tsin (1858) et "légalise" l'importation d'opium en Chine "à des fins médicinales" et ouvre de nouveaux ports au commerce international. Il est toutefois décidé de maintenir à un prix élevé la drogue importée, ce qui stimule les cultures locales de pavot, qui vont bientôt supplanter les importations. Celles-ci ont atteint leur sommet en 1880 avec 6500 tonnes, mais sont, cette année-là rattrapées par la production nationale, qui culmine au début du XXème siècle à 22 000 tonnes. Le déclin des ventes britanniques qui ne représentent plus qu'une petite fraction de la production chinoise, facilite en 1891 le vote par la Chambre des Communes d'une résolution déclarant le commerce de l'opium "immoral", mais pas celui de ses dérivés - morphine et ultérieurement héroïne- produits notamment par l'industrie pharmaceutique britannique. La culture du pavot s'est profondément enracinée dans de nombreuses provinces chinoises, notamment dans le Sud du pays, au Yunnan, où des minorités ethniques -présentes aussi dans le nord, limitrophe- de la Birmanie, la pratiquaient déjà pour un usage traditionnel. Au début du XXème siècle, les Etats-Unis -déjà- prennent la tête d'une croisade visant à instaurer une législation internationale prohibant la commercialisation des stupéfiants. Par souci moral autant que par le désir de saper la mainmise britannique sur l'Asie-Pacifique, Le président Théodore Roosevelt propose la tenue en 1909 à Shanghaï d'une conférence internationale sur l'opium. Celle-ci réunit 13 états: Etats-Unis, Chine, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie , Pays-Bas, Portugal, Autriche-Hongrie, Russie, Siam, Perse et Turquie. Chinois et américains s'opposent aux européens, qui, au nom de leurs intérêts coloniaux, rejettent la prohibition. Depuis le début du siècle, la Chine, premier consommateur d'opium, est aussi devenue un gros importateur de morphine, essentiellement fournie par l'industrie pharmaceutique anglaise -la matière première est l'opium indien-. Les exportations britanniques sur ce marché atteignent cinq tonnes et demi en 1911 et quinze tonnes en 1915. Les missionnaires protestants contribuent à développer sa consommation, y voyant un moyen de « désintoxiquer » les nombreux opiomanes...(Lors de son introduction-légale- aux Etats-Unis par la firme Bayer, en 1898, l'héroïne était, elle aussi, considérée comme un médicament capable de désintoxiquer les morphinomanes, nombreux aux Etats-unis après la guerre de Sécession et la première guerre mondiale, pendant lesquelles de nombreux blessés avaiet été traités à la morphine). La première guerre mondiale détourne les pays européens du marché asiatique, ce qui permet au Japon à prendre le relais et en fait rapidement le premier fournisseur du marché chinois. Il se procure la matière première, l'opium, dans ses nouvelles colonies, l'ile de Formose (Taiwan) et la Corée, où il développe les cultures de pavot. Ses approvisionnements «nationaux» demeurant insuffisants, le Japon importe massivement de l'opium turc et devient le premier client de l'opium du Bengale, acheté à Calcutta. Parallèlement, l'empire du Soleil levant, avant la mise en place, en 1928 du bureau de contrôle permanent de la Société des Nations, importe légalement des firmes européennes le produit fini. Ainsi en 1925, année de la convention de Genève sur les stupéfiants, la société pharmaceutique suisse Sandoz vend-elle légalement à uploads/Geographie/ f-christophe-birmanie-la-dictature-du-pavot-1998.pdf
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- Publié le Jui 21, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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