CHRÉTIENTÉS SYRIAQUES DU ]JORASAN ET DU SÉGESTAN * Le ]Jorâsân, province de l'e
CHRÉTIENTÉS SYRIAQUES DU ]JORASAN ET DU SÉGESTAN * Le ]Jorâsân, province de l'empire sassanide, est aujourd'hui divisé entre l'Iran, l'URSS et l'Afghanistan. Le Ségestân, dépendance du ijorâsân vers le sud, est partagé entre l'Iran et l'Afghanistan. Encore plus au sud se trouve le Balü.cistan, voisin du Pakistan. Du point de vue chrétien, trois métropoles syriennes orientales : de Merw, de Hérât et de Sarbâz, et trois métropoles syriennes occi- dentales : de Hérât, d' Aprah et de Zarang administraient cet immense territoire. I. MERW Le premier témoignage sur le christianisme dans la région de Merw 1 vient d'un auteur persan des environs de l'an 1000, al-Biruni 2. Repro- duisant un calendrier melchite du ]Jwârizm, il mentionne, le 21 Juin, la << commémoraison de Bar Saba le prêtre qui convertit Merw au Christianisme 200 ans après le Christ>>. Par ailleurs on verra bientôt un (autre?) Bar Saba, celui-ci premier évêque de Merw vers 370. L'identité de nom cache-t-elle une identité de personne, malgré les apparentes différences de temps (230 et 370) et· de degré (prêtre et évêque)? La question a passionné les savants s sans que, semble-t-il, l'on puisse atteindre une solution décisive. A la différence de G. Messina 4, • Cet article fait suit à quatre autres sur Les diocèses syrie'M orientaux du Golfe Arabo-Persique; L'Élam, première des métropoles syriennes orientales; La Médie; Les provinces sud-caspiennes, parus, le premier dans le Mémorial Mgr Gabriel Klwuri Sarkis, Paris, 1969, p. 177-219, les autres respectivement dans Melto, 2(1969), p. 221-267, Parole de l'Orient, l (1970), p. 123-153; 357-384 et 2 (1971), p. 329-434. Un dernier article sur l'Adarbaygan clôturera cette série sur les Chrétientés syriaq_ues de l'Iran. 1 Merw Sabigan, Merw la Royale, est pour Yaqüt (BARBIER, p. 526-533) « la plus célèbre et la première des villes du ijorasan >>. 2 Al-iil<i,r al-baqia, éd. E. SACHAU, arabe p. 299, Barsya. Le calendrier suit les mois syriens. Cf. p. 268. 3 E. SACHAU, Die Ohristianisierungs-Legende von Merw, Giessen, 1918, p. 409; G. MESSINA, Al-Biruni sugli inizi del cristianesimo a Merw, p. 221-231, dans Al-Biruni Gommemoration Volume, A.H. 362-A.H. 1362 (= 1943), Iranian Society of Calcutta. 4 P. 225. 76 J.M. FIEY qui propose la distinction des deux, je pencherais plutôt pour voir dans le prêtre du IIIe siècle un dédoublement de l'évêque du IVe. En effet, j'hésite à mettre sur le même pied le témoignage d'un écrivain musulman qui ne distingue pas toujours très bien 5 entre un prêtre et un évêque, et donne une date très approximative, et la Chronique de Seert dont les sources sont très anciennes. De plus une source nestorienne éprouvée O me semble préférable à une source melchite (peut-être encore déformée par son rapporteur) quand il s'agit d'his- toire de l'Église syrienne. L'homonymie ne peut être invoquée pour ou contre l'identification ou la distinction des personnages, car le nom de Bar Saba ou Barsyâ est un nom commun. Il veut dire<< le fils de la déportation>>, ou<< celui qui est né en déportation >>. Retenons seulement que, de toute façon, l'entrée du christianisme à Merw fut due à un déporté d'origine syrienne. Que le Bar Saba du IVe siècle ait été ou non le premier évangélisa- teur de Merw, ce fut certainement son premier évêque. De ceci les Diptyques font foi 7• D'après la Chronique de Seert, les deux protagonistes principaux de la conversion de la ville sont une sœur/femme 8 de Sapor (m. 379) et un moine d'Occident syrien exilé à al-Madâ'in. C'est dans cette ville qu'ils se rencontrèrent. La princesse (la Chronique l'appelle Sirarân, nom probablement déformé) souffre d'une maladie (l'épi- lepsie?); le moine l'en délivre et commence à la convertir. Sapor qui avait déjà eu des ennuis avec la conversion d'une de ses concubines romaine, qu'il avait fait exécuter, craint de se trouver en difficulté à cause de sa sœur. Il la marie donc à un de ses parents, Sirwân, marzban de Merw et aspahbed 9 du l[orâsân. Avant de partir pour son exil, la princesse fait sacrer le moine évêque, mais le laisse aux Villes Royales. Alors commence la première partie de l'évangélisation de Merw, où Sirârân, peut-être par prudence, agit seule. Se déclarant ouverte- ment chrétienne, elle prêche sa nouvelle foi parmi les habitants<< d'ori- 6 Jusque dans les journaux, à fortiori dans les rapports quotidiens. 6 Pour MA.RI aussi, et pour le Li,ber castitatis, n 36, Bar Saba est « celui qui annonça. à la ville la vérité ». 7 Chronique de Beert, I, p. 143-146; MA.Ri, ar. p. 27, lat. p. 23. s Mari n'a pas vu qu'il s'agissait d'une seule personne (un tel mariage étant selon la. <t loi des Mages») et a mis la phrase au duel. 9 Corriger le texte imprimé qui porte aspahid; la différence entre le b et le i arabe est minime. CHRÉTIENTÉS SYRIAQUES 77 gine grecque>>. Ces<< Grecs>> étaient-ils vraiment venus avec Alexandre, donc sept siècles auparavant, lors de la <<fondation>> de la ville 10, ou leur déplacement était-il plus récent? Peu importe, ce qui est remar- quable c'est qu'une princesse perse convertisse des <<étrangers>>. Détail naïf, tant les nouveaux convertis, naguère païens, que leur apôtre sassanide ignorent comment construire leur lieu de prière, leur église. << Ne sachant quelle forme lui donner, ils la construisirent sur le plan du palais des rois de Perse>>; de là serait venu le nom de l'église et celui du faubourg de l\ierw où elle fut construite: Ctésiphon 11. Tout ceci dut prendre à peu près une année, car on signale alors la naissance du fils de Sirârân et de Sirwân. La mère retombe malade, elle demande au roi son frère de lui envoyer Bar Saba, ce qui est accordé. Après le stade de défrichement par la princesse commence l'or- ganisation et l'élargissement de la conquête; ce sera le rôle de l'évêque. Celui-ci arrive avec des prêtres et diacres, des livres liturgiques et les objets du culte. Il consacre l'autel de l'église déjà construite. Les guérisons qu'il opère multiplient les baptêmes, y compris cette fois d'un certain nombre de Mages, d'où nécessité de construire de nouvelles églises. Le chroniqueur ajoute la phrase traditionnelle sur la prévoyance du fondateur qui assura à chaque église des sources de revenus, propriétés diverses et notamment vignes, Les<< disciples>> de l'évêque, c'est-à-dire les prêtres (moines?) venus avec lui, se disper- sent<< dans toutes les villes du ]Jorâsan >>, y baptisant et y construisant des églises. Avec les quinze ans de répit qui lui auraient été accordés à la suite de sa première mort et de sa résurrection ( ?), Bar ·saba aura passé 70 ans dans l'épiscopat, dont 69 à :Merw dont il inaugure les Diptyques 12• Il y était encore en 424, au moment du synode de Dadisô', auquel il prend part 13. Le gouverneur Sirwân lui-même ne s'était pas converti comme sa femme. Leur fils ]Jüskin qui lui succéda, et sa sœur /femme, fille de Sirà:rân, Zarndüht, pratiquent également la religion officielle. Cepen- dant << sur la recommandation de leur mère mourante>> ils montrèrent de la bienveillance envers les chrétiens, diminuant notamment les impôts qu'ils devaient acquitter. 1° Cette fondation est également retenue par la Chronique anonyme de GUIDI (CSCO P· 34-35, V. p. 28-29) qui dit que le premier nom de la ville fut Alexandrie. 11 Yaqüt (BARBIER, p. 400) connaît encore ce lieu au XIIIe siècle. 12 OrieM christian'U8, II, col. 1261-1264, n 1, l'appelle Bar-Codsaba ( ?) 13 Synodicon Orientale, p. 215. 78 ... -- .-. ,·· .·· : :-( :::. \ •.. . - -../ --- ..... .. . .. ' .. ... J.M. FIEY r ... ..., 3>, M'E,-.W e & '\')7 /S2.'1 • l~IO ~ C!I v111·,, sa.h .. -~ sar""" • ... \ f>IA.ia.W\, -· . : [ô 51ç) . \. ... - 1 I • ··~ (' ' \ I I' ' ' {' ··,· '\ I' 1 1 !·~ü· ,:d .. , AI~:_ ..:, ~ ;--\, \ ~ 1 ' 1 S' "" • APC\.1\~ ~ :,~l/8l'f, ' I r c. Cf~.-a'-) • l \ 8B1/'lS• IO\t/S1 1 1 ~ S· , li 1 1 1 .. - ... ~ "-'1..'t • ~ OO \'Z.f:\ R. 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- Publié le Fev 24, 2021
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