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Samedi 3 - Dimanche 4 septembre 2022 / N° 17 307 www.fratmat.info Prix: 300 Fcfa • Cedeao : 450 Fcfa • France: 1,70 € PREMIER QUOTIDIEN IVOIRIEN D’INFORMATIONS GÉNÉRALES Éléphants, rien que la qualification ! Éliminatoires Chan 2023 / Côte d’Ivoire-Burkina Faso au Maroc Bannissement, expropriation, précarité P. 13 1971 véhicules flashés en une semaine pour excès de vitesse Lutte contre l’incivisme routier à Abidjan Coup de pédale de la 28e édition dimanche Cyclisme / Tour de Côte d’Ivoire 2022 La tragédie ignorée des veuves et des orphelins de père Pp. 2 à 4 P. 20 Jour de vote aujourd’hui Législatives et sénatoriales partielles L’armée honore la mémoire de deux casques bleus décédés au Mali Minusma P. 6 P. 32 P. 7 A . G. Koffi est toute souriante, lorsque nous l’avons rencon- trée à Abobo-Soge- fi ha. Vendeuse de beignets, “Affi ” comme l’ap- pellent affectueusement ses clients, a réussi à se tailler la réputation d’une femme battante dans ce quartier populaire d’Abobo, l’une des plus grandes communes d’Abidjan. En cette fi n de journée du vendredi 26 août 2022, la jeune dame affi che un air plutôt gai, malgré la diffi cile situation qu’elle vit depuis le décès en 2019 de son concubin, un militaire avec qui elle a partagé plus de 23 ans de vie commune. « Quand tu perds un être cher, de surcroît ton concu- bin, c’est vraiment diffi cile. Depuis son décès, j’ai été abandonnée par tous », dé- plore-t-elle, la gorge nouée. La situation que vit “Affi ” est d’autant plus diffi cile que son défunt compagnon n’a, de son vivant, rien réalisé pour ses enfants et leur mère. Pis, elle dit n’avoir pas contracté le mariage légal avec ce der- nier, bien qu’elle l’ait interpel- lé à maintes reprises sur le sujet : « Je n’ai jamais pu le convaincre au mariage légal que j’espérais tant avec lui. Il a refusé de le faire », se plaint-elle. Et pourtant, ils ont eu quatre enfants. Ne béné- fi ciant d’aucune pension na- turellement liée au mariage légal, ni d’une quelconque assistance, ‘‘ A. G. Koffi ’’ se trouve livrée à elle-même. La cinquantaine bien sonnée, elle est donc seule face à son destin. Elle tente, cependant, de prendre la vie du bon côté à travers son activité de vente de beignets ; au lieu de s’apitoyer sur son sort ; plu- tôt, ce que le Bon Dieu a bien voulu, rectifi e-t-elle. Malgré le poids des responsabilités, A. G. Koffi s’accroche. « Tous les enfants sont à ma charge. Je dois les nourrir, les habiller, les soigner et payer leur scolarité, etc. », se lamente la veuve. Incontestablement, ces nombreuses charges sont une source de stress pour la veuve. « Plus d’une fois, j’ai eu l’idée de me suicider. Mais, en pensant aux en- fants qui pourraient se re- trouver sans père ni mère, j’ai, à chaque fois, renoncé à ce projet lugubre », confi e- t-elle. Quand bien même elle parviendrait à assurer les charges quotidiennes de ses enfants, payer leurs frais scolaires devient plus compliqué. « Mes deux en- fants qui devraient passer le Bac ont tous arrêté (…) Ma seule activité de vente de beignets ne peut couvrir tous leurs besoins », avoue- t-elle. Elle indique également qu’elle consacre sa vie à ses enfants qui constituent son espoir, aujourd’hui. De façon générale, la vie d’une veuve est rarement joyeuse. Elle reste plutôt très compliquée en Côte d’Ivoire où des pesanteurs socio-culturelles voire reli- gieuses font de ces femmes des personnes fragiles, des laissées pour compte dans bien des cas. Les femmes comme A. G. Koffi sont mal- heureusement légion en Côte d’Ivoire, comme ailleurs sur le continent africain. Henriette Kouamé, dont le mari est décédé après 15 ans de vie commune, en est un exemple. Mère de quatre enfants, les récurrentes ten- sions avec sa belle-famille l’ont obligée à quitter Dim- bokro. A l’origine de cette mésentente : une plantation, propriété de son défunt mari, qui était devenue la pomme de discorde entre elle et les parents de ce dernier. Ayant trouvé refuge, elle et deux de ses enfants à Binger- ville, chez sa sœur, Hen- riette Kouamé se refait peu à peu une nouvelle vie. Mais comme un malheur n’arrive jamais seul, sa bienfaitrice de sœur qui leur avait offert le gîte et le couvert décède aussi deux ans après. Elle a donc été obligée de déména- ger. A Bingerville où nous l’avons rencontrée, Henriette vit dans une extrême préca- rité avec un fi ls paralysé. La toiture de sa maison qu’elle loue à 15 000 FCfa par mois est une vraie passoire lors- qu’il pleut. Comme activité, Henriette vend au détail des denrées alimentaires. Ouloto Ruffi ne vit quasiment la même situation. Elle aussi s’est retrouvée veuve après plus de 15 ans de concubi- nage avec un homme qui était enseignant à l’Universi- té de Bouaké. « Je n’ai pas de pension. J’ai des enfants qui vont à l’école, il faut leur trouver de quoi manger. Que de problèmes ! Je ne peux me permettre de toujours tendre la main aux bonnes volontés. Et pour- tant, il faut payer les factures (Ndlr : eau et courant). J’ai, certes, ouvert un petit maga- sin de vente de bouteilles de gaz. Combien me rapporte cette activité pour faire face aux nombreuses charges, notamment le loyer ? C’est un véritable calvaire que je vis depuis le décès de mon concubin, c’est diffi cile ! » Soupire-t-elle. Quid des mariages légaux ? Le drame que vivent les veuves n’est pas propre à celles qui n’ont pas ou pu contracter de mariage lé- gal. Bien que mariées léga- lement, nombre de veuves vivent au quotidien les mêmes diffi cultés. Après le décès de son époux, em- ployé dans une société semi- privée, Thérèse Essoh fait face à son triste sort avec sa fl opée d’enfants : 13 bien comptés. Ayant contracté un mariage légal sous le régime de la communauté de biens, elle ne vit que de la moitié de la pension de son mari. Une somme qu’elle trouve déri- soire vu la taille de sa famille et les nombreuses charges. La situation de cette mère de famille nombreuse est d‘au- tant plus préoccupante que la mairie de Yopougon a pro- cédé, à l’en croire, à la démo- lition de la seule maison que son défunt mari a construite. « Mon mari est décédé en 2016. Avec lui, tout se pas- sait très bien. Après son décès, nous nous sommes installés sur un terrain de 280 m2 carrés. Mais cette maison a été détruite par la mairie de Yopougon en 2020, au motif que nous sommes sur une réserve. Ils nous ont alors déguerpis, mes treize enfants et moi », raconte la veuve, très affl igée. Où al- ler ? Se demande-t-elle. La veuve soutient n’avoir pas été dédommagée. Elle n’a pas non plus les moyens de payer les honoraires d’un avocat pour obtenir une éventuelle réparation. Elle doit désormais se résoudre à gérer seule la vie de ses enfants dont certains se dé- brouillent pour l’épauler un tant soit peu, quand d’autres, sans aucune formation, sont abandonnés à leur triste sort. « Les enfants sont livrés à eux-mêmes, la dernière a eu le Bac. Mais faute de moyen, elle est à la maison et m’aide dans mon petit commerce afi n de subvenir aux besoins de la famille », explique-t- elle. Si Dame Thérèse Essoh re- çoit une pension mensuelle, à laquelle le mariage légal avec son défunt époux lui donne droit, ce n’est pas le D ossier 2 Samedi 3 - Dimanche 4 septembre 2022 La tragédie ignorée des veuves et des orphelins de père En Côte d’Ivoire et dans d’autres pays africains, la perte de son conjoint engendre une double peine pour la femme. Celle d’être séparée d’un être cher, mais aussi celle d’avoir perdu un soutien fi nancier vital. Marginalisées, dépossédées de tout, victimes de préjugés, les veuves vivent le martyre. Notre dossier ! Bannissement, expropriation, précarité SUITE PAGE 3 C’est dans ce milieu insalubre, à Bingerville, que vit cette veuve, dans un total dénuement après le décès de son mari. Malgré son acharnement au travail, A. G. Koffi n’arrive pas à gagner suffi samment d’argent pour couvrir les besoins de base de sa famille. (PHOTOS : SÉBASTIEN KOUASSI) cas pour Madeleine Nohinso épouse Dabela, 70 ans, dont le mari était chef de person- nel dans une structure de la Fonction publique. Décédé en 2015, il a laissé une veuve désemparée avec 7 enfants, sans aucune pension. Ayant décidé de ne pas se rema- rier, elle s’est installée chez sa fille au Plateau-Dokui. Elle nous raconte ses difficultés : « Au décès de mon mari, on avait une maison à la Palme- raie. Quand il a perdu son emploi, nous l’avons vendue pour pouvoir vivre. Puisqu’il n’a pas eu la chance de travailler jusqu’à la retraite, nous ne bénéficions pas de pension ». En effet, depuis le décès de uploads/Geographie/ fraternite-matin-17307-samedi-03-dimanche-04-septembre-2022a.pdf

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