Gaia Revue interdisciplinaire sur la Grèce archaïque 22-23 | 2020 Varia La nais
Gaia Revue interdisciplinaire sur la Grèce archaïque 22-23 | 2020 Varia La naissance de Sparte : entre sources littéraires et sources archéologiques The Formation of Sparta: Between Literary Sources and Archaeological Evidence Valeria Tosti Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/gaia/839 ISSN : 2275-4776 Éditeur UGA Éditions/Université Grenoble Alpes Édition imprimée ISBN : 978-2-37747-199-7 ISSN : 1287-3349 Référence électronique Valeria Tosti, « La naissance de Sparte : entre sources littéraires et sources archéologiques », Gaia [En ligne], 22-23 | 2020, mis en ligne le 30 juin 2020, consulté le 10 décembre 2020. URL : http:// journals.openedition.org/gaia/839 Ce document a été généré automatiquement le 10 décembre 2020. Gaia. Revue interdisciplinaire sur la Grèce archaïque La naissance de Sparte : entre sources littéraires et sources archéologiques The Formation of Sparta: Between Literary Sources and Archaeological Evidence Valeria Tosti 1. Introduction 1 Bien que Sparte, considérée du point de vue politique, idéologique et social comme unique, ait toujours suscité un grand intérêt, la recherche n’a toujours pas réussi à reconstituer l’image complète de sa forme et de sa structure. En général, l’attention des études sur les origines de la cité et la naissance des institutions politiques est focalisée sur la figure légendaire de Lycurgue, ainsi que sur l’arrivée des Doriens dans le Péloponnèse, à la suite de l’effondrement des palais mycéniens à la fin du IIe millénaire av. J.-C. Par conséquence, les données qui nous sont aujourd’hui parvenues concernant la polis des Lacédémoniens sont le résultat d’un passé déformé par des stéréotypes sclérosés autour de transmissions littéraires mal interprétées et par un paysage archéologique désolant, dont la lecture a créé un modèle tant idéalisé qu’irréaliste. En dépit des difficultés objectives qui peuvent entraver la compréhension et la définition des phénomènes de la naissance et du développement de Sparte, il semble nécessaire de réexaminer cette question, tout d’abord en montrant les limites des méthodes adoptées jusqu’ici ainsi que les lacunes dans la documentation spartiate. 2. Histoire de la recherche 2 Le célèbre passage de Thucydide1, où l’historien décrit le mode d’habitat de Sparte en kata kômas, selon l’ancienne manière (archaios tropos) de l’Hellade, a influencé les savants depuis la redécouverte de la Grèce, à tel point que le roi Othon et ses La naissance de Sparte : entre sources littéraires et sources archéologiques Gaia, 22-23 | 2020 1 architectes furent amenés à construire la nouvelle Sparte en 1834 exactement à l’emplacement de l’ancienne, en faisant une « cité de l’ouest » et annihilant ainsi toute trace d’un passé « embarrassant2 » à cause de la monumentalité insuffisante et de l’urbanisation à « l’ancienne ». La superposition complète de la ville moderne sur l’ancienne a considérablement aggravé la difficulté de repérer les traces antiques qui sont déjà assez rares sur le terrain. L’importance attribuée au texte de Thucydide (I, 10, 2) a également découragé les recherches archéologiques, guère motivées par la découverte d’une réalité peu monumentale. 3 Ensuite, le climat historique et culturel des États-Unis dans la première moitié du XXe siècle conduisit à une interprétation de l’histoire ancienne de Sparte dans une perspective nazie, ce qui a conduit les archéologues américains à choisir de fouiller plutôt l’agora d’Athènes, berceau de la démocratie, forme de gouvernement dont les États-Unis prétendaient être les héritiers directs3. 4 Notre connaissance archéologique de la ville est due pour une bonne partie aux fouilles conduites par la British School at Athens au début du XXe siècle dans la région de l’Acropole et dans le sanctuaire d’Artémis Orthia4. Les recherches se sont ensuite limitées à des fouilles de sauvetage menées par la 5e Éphorie des Antiquités préhistoriques et classiques, qui ont mis au jour des morceaux de la ville antique et dont les résultats sont en partie publiés dans l’Archaiologikon Deltion5. 5 Enfin, l’étude de l’ancienne polis de Sparte a été fortement conditionnée par la création de modèles qui ont peu à voir avec la réalité de la période de la formation de la polis et des époques archaïque et classique. Il s’agit tout d’abord d’un modèle socio-culturel dont les effets ont longtemps été reconnus et définis comme « mirage spartiate6 » : un phénomène d’idéalisation de l’histoire et de la société lacédémonienne produit dès le Ve siècle av. J.-C. par des groupes oligarchiques athéniens7. Par ailleurs, selon une tradition du XVIIIe siècle8, reprise par L. Pareti en 1910 et de manière plus cohérente par H. T. Wade-Gery9, la Sparte kata kômas de Thucydide correspondrait à cinq villages étendus sans interruption topographique — à l’exception d’Amyclées — à l’intérieur de l’enceinte hellénistique, puisque cinq était le nombre des éphores. Cette théorie a reçu un tel consensus que presque toutes les études sur la topographie et l’archéologie de Sparte se sont appuyées sur ce modèle des quatre villages contigus, ensemble délimité par les murs de fortification de la ville hellénistico-romaine, et d’un cinquième village, à 5 km de la ville, situé sur la colline de Agia Kyriaki et correspondant au sanctuaire d’Apollon Amycléen. 6 Il en résulte la création d’un modèle rigide, fondé sur l’interprétation des sources littéraires et épigraphiques postérieures à la polis kata kômas décrite par Thucydide 10 : ce modèle, accepté de manière conventionnelle et encore aujourd’hui dominant, a été mis en discussion d’une manière tout à fait convaincante par Marcello Lupi11 : selon l’historien italien, le nom et le nombre de villages ne sont pas attestés par la documentation contemporaine de la polis kata kômas des époques archaïque et classique, mais par des inscriptions et des sources postérieures12. L’attribution à l’époque archaïque des quatre villages mentionnés par Pausanias (Pitanè, Limnai, Kynosoura, Mesoa) est abusive. La position centrale de Pitanè suggérée par les sources antiques dépend du fait qu’elle représente le vrai centre urbain de Sparte dans une cité composée de plusieurs villages. La naissance de Sparte : entre sources littéraires et sources archéologiques Gaia, 22-23 | 2020 2 3. Avant la naissance de la ville de Sparte : l’âge du bronze 7 Située le long des rives occidentales du fleuve Eurotas, qui se jette dans la mer à environ 40 km plus au sud, Sparte domine une plaine alluviale fertile cernée par deux chaînes de montagnes : le Taygète à l’ouest, qui a l’aspect d’une barrière culminant à 2 404 m, et le Parnon à l’est, ne dépassant pas les 1 935 m. Située entre ces deux massifs montagneux et bordée au sud par une bande vallonnée la séparant de la mer, la plaine de Sparte justifie l’épithète homérique de « creuse Lacédémone » (koilè Lakedaimon)13. 8 L’absence, en Laconie, d’un centre palatial comparable à ceux de l’Argolide, de la Béotie et de la Messénie, et d’archives des tablettes en linéaire B a signifié que la région a longtemps été reléguée à un rôle de deuxième niveau dans le débat scientifique sur la géographie politique et territoriale des États mycéniens14. Pourtant, dans le passage iliadique du « catalogue des vaisseaux », résultant de l’adaptation au VIIIe siècle av. J.-C. d’une liste ancienne, sont répertoriés les contingents achéens qui ont participé à l’expédition de Troie, y compris sur le territoire de la « creuse Lacédémone », qui inclut, outre Sparte, d’autres villes dans la plaine environnante15. On a retrouvé également à Thèbes trois tablettes écrites en linéaire B et datées de la seconde moitié du XIIe siècle av. J.-C. mentionnant des donateurs d’offrandes dont un Lakédaimon et son fils (TH Gp 227 : ra-ke-da-mo-ni-jo-u-jo, fils de Lakedaimonios)16. Il n’est pas certain que « Lakédaimon » soit l’ethnonyme désignant un habitant de Lacédémon ou un anthroponyme, mais, en tout cas, sa présence dans les tablettes thébaines présuppose déjà l’existence à l’époque mycénienne d’une localité appelée Lacédémone, avec laquelle le palais de Thèbes a maintenu des rapports17. 9 En outre, les premiers témoignages littéraires nous transmettent l’image d’une Sparte bien construite, composée de grands espaces ouverts avec de larges rues, une ville digne d’être vue, qui suscitait l’émerveillement des poètes et des ambassadeurs qui la visitaient : εὐρύχορον Λακεδαίμονα18. En revanche, la ville de Sparte fut presque inhabitée à l’âge du bronze et avait certainement un rôle marginal par rapport à d’autres centres prospères de la vallée de l’Eurotas, identifiés avec le « palais de Ménélas » (fig. 1). La naissance de Sparte : entre sources littéraires et sources archéologiques Gaia, 22-23 | 2020 3 Fig. 1. – Carte la vallée de l’Eurotas avec les principaux sites de la fin de l’âge du bronze (d’après Hope Simpson, 2009, 317, fig. 1). a. Sparte 10 Des fragments sporadiques de céramique datés du HM et du HR ont été trouvés sur l’Acropole de Sparte et les zones environnantes19. Dans la région de Psychiko20, sept tombes (HM-HR) ont été découvertes, tandis qu’il ne reste aucune trace des maisons correspondantes21. Un autre habitat a été identifié entre le bord sud-ouest de la ville et la localité voisine d’Agia Irini22. b. Therapne 11 Des découvertes bien plus importantes ont été faites dans les secteurs entourant la zone de la future polis. À quelques kilomètres de Sparte, sur la crête de Therapne, sur la rive orientale de l’Eurotas, a uploads/Geographie/ gaia-839.pdf
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- Publié le Dec 31, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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