Pr AKONO ATANGANE Eustache, Enseignant à l’Université Yaoundé II‐Soa 36 COURS d

Pr AKONO ATANGANE Eustache, Enseignant à l’Université Yaoundé II‐Soa 36 COURS de GÉOSTRATÉGIE – Licence 2 – Science politique CHAPITRE III : GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE ET GÉOSTRATÉGIE LES TERMES DE L’ÉCHANGE Géographie, géopolitique, géostratégie : trois termes distincts et un même préfixe géo - du grec "gê ", la terre. Un élément commun qui renvoie uniformément à l'espace de la planète, avec des déclinaisons sémantiques bien dissemblables, mais peut-être complémentaires. Chacune de ces approches se distingue ainsi structurellement des autres, mais elles forment, ensemble, un raisonnement cohérent. En effet, la connaissance de la géographie politique apparaît nécessaire pour formuler un raisonnement géopolitique et la connaissance de la géopolitique apparaît nécessaire pour formuler un raisonnement géostratégique. Ainsi, à une opposition fondamentale entre les trois approches, on pourra préférer l’idée de complémentarité de ces savoirs dans un ensemble cohérent. Selon l'usage commun, la géographie, science pour laquelle on parle souvent de crise d'identité et d'adaptation, a subi semble-t-il une relative déqualification auprès de la plupart des publics, bien que certains la considèrent toujours comme une discipline fondamentale dans la compréhension du monde aujourd'hui. En revanche, le terme de géopolitique bénéficie désormais d'un effet de mode, lequel lui vaut un emploi fréquent sinon hégémonique, en remplacement du terme même de géographie pour toute évocation des réalités territoriales, comme si celui-ci était trop empreint d'archaïsme et de mauvaise tradition, alors que celui-là serait la plus parfaite expression de la pensée moderne alliée à un caractère davantage opératoire. Enfin le terme de géostratégie, moins galvaudé, d'utilisation plus parcimonieuse, discrète, demeure encore opaque à bien des esprits. Ainsi, les trois appellations participent-elles d'une économie complexe quant à leur genèse, leur compréhension et leur usage, source de bien des confusions, promotions et péjorations diverses. PARAGRAPHE I –De la compréhension des terminologies La géographie signifie étymologiquement la représentation graphique de la terre, sa formalisation par le trait-écriture, peinture, dessin. Comme le dit Fernand Braudel, « la géographie me semble, dans sa plénitude, l'étude spatiale de la société ou, pour aller au bout de ma pensée, l'étude de la société par l'espace ». Science inscrite dans des Écoles de pensée différentes selon les pays, elle a souvent été Pr AKONO ATANGANE Eustache, Enseignant à l’Université Yaoundé II‐Soa 37 COURS de GÉOSTRATÉGIE – Licence 2 – Science politique circonscrite à un usage scolaire étriqué ce qui n'a pas peu contribué paradoxalement à scotomiser son sens profond et à entraver ses applications les plus fructueuses. Dans l'enseignement, sa connaissance est encore trop souvent frappée par l'anathème commun pour lequel il n'y aurait rien à comprendre et tout à apprendre par cœur. Malgré une carence épistémologique avérée, la science géographique revendique, avec justesse, une méthodologie critique et un raisonnement disciplinaire propres, l'une et l'autre convergent désormais en une expression nouvelle: le savoir-penser l'espace. À l'encontre de la géographie traditionnelle enfermée trop souvent dans sa conception scolaire, et en rupture de même avec la Geopolitik allemande, la géopolitique fournit une nouvelle vision du monde. Branche des 'sciences sociales, « elle opère une nouvelle synthèse de l'Histoire, de l'espace territorial, des ressources morales et physiques de la communauté qui est ainsi située dans la hiérarchie des puissances, à la place qu'elle occupe ou plutôt à celle que ses mérites lui assignent ». Interrogation plus ancienne qu'on ne le croit habituellement, la géopolitique prend en compte la dimension politique, au sens large du terme, des territoires et des activités qui s'y développent, ce qui aboutit à la définir majoritairement comme l'étude des relations internationales en général et des rapports diplomatiques entre États en particulier. Aujourd'hui, la géopolitique semble triompher, avec le monde tel qu'il va. Ce qui ne préjuge d'ailleurs aucunement de sa rigueur scientifique, alors même que de nombreux auteurs considèrent qu'il s'agit là d'un néologisme pédant pour un faux- semblant de science, avec une ambiguïté terminologique qui n'est toujours pas levée. La géostratégie enfin, procède à l'origine d'une délimitation plus stricte, réservant le terme à un usage militaire essentiellement en rapport avec la force ou l'idée de son emploi. Les états-majors ont depuis longtemps développé, par anticipation dans le domaine de la défense et de la sécurité, des réflexions conséquentes sur les dynamiques spatiales et le savoir-penser-l’espace afin de pouvoir à l'occasion mener victorieusement sur le terrain des crises et autres conflits, des opérations armées si en la circonstance des dispositions de forces ou des décisions politiques l'exigeaient. Toutefois « la géostratégie, comme la géopolitique intègre la guerre mais ne s'y limite pas ». D'autres applications tendent à voir le jour, dans le registre de l'économie notamment, mais aussi et conformément à l'étymologie même du mot, à propos de toute problématique de l'agir en conscience dans une dimension spatiale ce qui amène à considérer que l'expression géostratégie est peut- être une tautologie, dans la mesure où une stratégie par définition se développe de Pr AKONO ATANGANE Eustache, Enseignant à l’Université Yaoundé II‐Soa 38 COURS de GÉOSTRATÉGIE – Licence 2 – Science politique façon obligée dans un espace; celui-ci n'étant alors qu'une catégorie de développement de celle-là. A- Avec l’évolution du monde Au vu d'une certaine forme d'accélération de grands phénomènes ou événements, démographiques, technologiques, économiques, écologiques, idéologiques, politiques ou militaires, sur l'ensemble de la planète, le questionnement sur l'espace - terrestre, maritime, aérien et cosmique (exo-atmosphérique) - redevient à nouveau, si tant est qu'il fut marginalisé sinon omis parfois, un questionnement important et même vital pour notre époque. À cela plusieurs raisons décisives ; l'exploitation des ressources naturelles de la Terre n'a jamais été aussi fébrile, jusqu'à mettre en jeu récemment et donc en péril, le continent « neuf » de l'Antarctique et ses immenses richesses minières. Les fonds marins seront la nouvelle frontière au XXle siècle. Dès aujourd'hui, les performances exceptionnelles des technologies de la communication, tous azimuts, ont rétréci le monde à la dimension d'un gros village - le village mondial de Mac Luhan - à penser différemment. L'ampleur croissante des migrations humaines et autres déplacements de tous ordres, mouvements browniens (colloïdaux ou désordonnés) à l'échelle planétaire, révèle la puissance des activités mondiales et bien des déséquilibres dans les installations humaines et les niveaux de développement des sociétés. Les flux, commerciaux, financiers et informatifs induisent fortement des sens de lecture du monde. Enfin, l'exaspération des problèmes de défense et de sécurité pour l'ensemble des États-nations, à la lumière de systèmes d'armements toujours plus sophistiqués et destructeurs, amène à envisager depuis un demi-siècle, le spectre de l'apocalypse (l'hiver nucléaire) au terme de la guerre des cent secondes. À l'ère optronique, l'espace planétaire ne se mesure plus seulement en distance métrique, mais aussi en temps d'accès et donc en vitesse de parcours. Il ne s'apprécie plus exclusivement à partir des objets qu'il recèle, mais aussi en fonction de la perception que l'on en a, des usages qu'on lui réserve, des stratégies qui lui sont appliquées. La simulation sur les machine-écrans (téléviseurs et autres ordinateurs) et les capacités de calcul informatique suggèrent des modifications sans précédent dans le rapport à l'espace, à sa compréhension et à son usage. Que de mutations de l'épistémè en gestation afin d'adapter la pensée humaine à l'évolution du monde et de la société. La civilisation technicienne, dans tous ses aspects, multiplie à l'extrême les combinaisons spatiales, les dynamiques territoriales, les enchevêtrements de flux, les réseaux de toute sorte. L'homme-habitant, animal-territorial depuis les débuts de Pr AKONO ATANGANE Eustache, Enseignant à l’Université Yaoundé II‐Soa 39 COURS de GÉOSTRATÉGIE – Licence 2 – Science politique l'Humanité, est ainsi amené à repenser inlassablement le monde dans lequel il vit. Il doit veiller en permanence à ne pas pérenniser des théories, des méthodes, des stratégies, des modèles, de fait caduques, sous le prétexte tragique que tous se seraient avérés séduisants et efficaces dans le passé car cela ne fonde jamais pour autant leur valeur universelle. L'histoire est pleine de décalages de la sorte qui scellent autant de défaites pour cause d'arriération. C'est peut-être là, l'origine de l'expression triviale être en retard d'une guerre, autrement dit d'un savoir-penser- l'espace périmé. Avec cette suggestion d'une nouvelle appréciation des dimensions du globe, des différents systèmes qui s'y appliquent et de l'impact d'un certain nombre de situations actuelles, la nécessité s'impose d'envisager la possibilité d'un progrès décisif en créant les conditions d'une réflexion davantage performante sur les logiques spatiales identifiables dans le monde. Peut-être faut-il pour cela abandonner les découpages disciplinaires habituels afin d'en promouvoir d'autres, ou bien plus simplement, distinguer dans chacune des disciplines existantes, les méthodes, raisonnements et autres démarches intellectuelles remarquables, susceptibles d'être regroupés, associés, juxtaposés, mis en synergie, au service d'une investigation perfectionnée. Jamais, l'organisation spatiale sur la planète n'a été aussi complexe. Pour autant, la culture sur la réalité multivariée des territoires et la manière de les gérer intellectuellement, demeure trop souvent superficielle, faite de stéréotypes tenaces, de trop grandes ignorances et de connaissances parfois très disparates, à partir desquels il est bien difficile de respecter la rigueur scientifique requise. Ainsi, au terme de ce constat, s'esquisse le projet d'une "géoculture", laquelle, construite différemment, au prix peut-être de ruptures épistémologiques importantes concernant la uploads/Geographie/ geostrategie-3.pdf

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