xvi MÉTÉORES CARTESIENS ET MÉTÉORES SCOLAST1QUES Les Météores sont un ouvrage q
xvi MÉTÉORES CARTESIENS ET MÉTÉORES SCOLAST1QUES Les Météores sont un ouvrage qui de très bonne heure a préoccupé la pensée de Descartes. 11 en a conçu l'idée dès 1629, à l'occasion du phénomène des parhé'ies, dont Mersenne lui avait parlé, et dont un àfi ses amis lui avait donné la description deux mois plus tôt en lui en demandant l'explication. Gomme Descartes « ii£ trouve jamais rien que par une longue traînée de diverses considérations » et qu'il doit se donner tout à une matière lorsqu'il veut en examiner quelque partie, il a interrompu l'ébauche des Méditations métaphys iques à laquelle il travaillait et a dû « examiner par ordre tous les Météores » avant d'avoir trouvé une explication satisfaisante du phénomène. Descartes y a réussi toutefois et, ajoute-t-il : « Je pense maintenant en pouvoir rendre quelque raison, et suis résolu d'en faire un petit traité qui contiendra la raison des couleurs de l'arc-en-ciel, lesquelles m'ont donné plus de peine que tout le reste, et généralement de tous les phénomènes sublunaires » (à Mersenne, 8 oct. 1629, 1, 22, 9-23, 12). À partir de ce moment Descartes n'a guère cessé de s'en préoccuper jusqu'au moment de la publication de son ouvrage. L'hiver 1629- 1630 a été si chaud en Hollande, qu'on n'y a vu ni glace ni neige et Descartes se plaint de n'avoir pu y faire « aucune remarque » touchant ses Météores. On doit cependant ajouter qu'il a pu observer la neige sexangulaire : « Au reste, si M. Gassendi a quelques autres remarques touchant la neige, que ce que j'ai vu dans Kepler, et remarqué encore cet hiver, de Nive sexangula et Grandine acuminata, je serai bien aise de l'apprendre ; car je yeux expliquer les Météores le plus exactement que je pourrai » (à Mer senne, 4 Mars 1630, I, 127, 6-19). Il est donc curieux des obser vations des autres, et désireux d'en faire lui-même ; tantôt il let Météores Cartésiens et Météores Scolastiques 359 nomme « remarques », tantôt « observations », tantôt même « expé riences », comme c'est le cas pour les deux couronnes qu'il aperçoit autour d'une chandelle en traversant de nuit le Zuyderzee pour aller de Frise à Amsterdam. C'est qu'ici en effet il constate que les couleurs ne se forment pas dans l'air mais dans les humeurs de son œil droit : « et mettant seulement le doigt entre mon œil et la flamme de la chandelle, elles disparaissaient entièrement. De quoi je pense pouvoir assez rendre raison ; et cette expérience m'a tell ement plu que je ne la veux pas oublier en mes Météores » (à Golius, 19 mai 1 635, f, 349, 19-320, 5). C'est pendant l'impression même de la Dioptrique que Descartes conçut le dessein d'ajouter les Météores au Discours de la Méthode. Il s'était employé pendant les deux ou trois premiers mois de l'été 1735 à résoudre plusieurs difficultés qu'il n'avait encore jamais examinées et qu'il prenait plaisir à démêler. Mais il n'avait pu se décider à mettre son traité au net, ni à écrire la préface qu'il voulait y joindre, à partir du moment où il n'espérait plus rien apprendre sur la question [à Huygens, 1er nov. 1635, I, 329, 28-330, H]. En 1636, au contraire, les Météores sont prêts pour l'impression et doivent accompagner, avec la Dioptrique et la Géométrie, le « projet d'une Science universelle qui puisse élever notre nature à son plus haut degré de -perfection » [à Mersenne, mars 1636, I, 339, 16-340, 10]. L'ensemble de ces traités concourt à la même œuvre. Ils ont tous pour but de « préparer le chemin et fonder le gué » au traité de physique que Descartes publiera si le monde le désire, et si d'ail leurs il y trouve « son compte et ses sûretés ». Mais chaque traité se distingue des autres par un caractère particulier. Le premier enseigne une Méthode générale dont les trois traités suivants prouvent la valeur. De ces trois traités l'un a « un sujet mêlé de Philosophie et de Mathématique » (la Dioptrique), le second « un tout pur de Philosophie », et le troisième « un tout pur de Mathé matiques (la Géométrie), [à ***, 27 avril 1637, I, 370, 2-15]. Les Météores sont donc un sujet de Philosophie pure, c'est-à-dire que dans ce traité, et le point est d'importance en ce qui concerne notre étude, les mathématiques n'auront pas à intervenir. Ce traité sans mathématiques, si nouveau par la méthode qu'il employait, ne l'était nullement quant à l'objet qu'il étudiait. Dans les pages substantielles que M. Ch. Adam a consacrées aux Météores [Descartes, Sa vie et ses œuvres, t. XII, p. 197-208], il insiste avec beaucoup de raison sur ce fait que Descartes recommence avec ce traité l'étude d'un sujet qui était traditionnel dans la philosophie scolastique. La seule lecture du sommaire des Météores d'Eustache de Saint-Paul — un chapitre assez court de sa Summa philosophica — et des matières que le Cours d'Abra de Raconis faisait rentrer sous cette rubrique, suffit à suggérer l'impression très nette que Des cartes, en écrivant son ouvrage, voulait démontrer par un exemple concret la supériorité écrasante de la nouvelle philosophie sur l'ancienne [Voir ces sommaires dans C. Adam, op. cit., pp. 204-205]. C'est d'ailleurs pourquoi, lorsqu'on lui reprochera la faiblesse de ses explications, nous le verrons demander que l'on compare ses Météores à ceux de la scolastique et que l'on cherche de quel côté les principes sont les plus féconds. [« Sed si velit enumerare problemata, quse in solo tractatu de Meteoris explicui, et conferre cum iis quse ab aliis de eadem materia... hactenus tradita fuere, confîdo ipsum non adeo magnam occasionem reperturum pinguius- culam et mechanicam philosophiam meam contemnendi » (à Plem- pius, 3 oct. 1637, I, 430, 9-15). « Si on compare ce que j'ai déduit de mes suppositions, touchant la vision, le sel, les vents, les nues, la neige» le tonnerre, l'arc-en-ciel, et autres choses semblables, avec ce que les autres ont tiré des leurs, touchant les mêmes matières, j'espère que cela suffira pour persuader à ceux qui ne sont point trop préoccupés, que 'les effets que j'explique n'ont point d'autres causes que celles dont je les déduis » [à Regius, janvier 1642, III, 504, 28-505, 2; à Morin, 13 juillet 1638, II, 200, 13-21]. D'ailleurs la simple publication de cet Essai devait nécessairement apparaître comme une sorte de d^fi lancé aux philosophes de l'Ecole. Il fallait désormais prendre parti pour ou contre la philosophie nouvelle. A moins de feindre d'ignorer l'ouvrage, on ne pouvait plus désormais enseigner dans les collèges les Météores d'Aristote sans t avoir d'abord démontré la fausseté de ceux de Descartes ; il fallait le réfuter ou U? suivre. C'est ce que Descartes écrivait au P. Noël en octobre 1637 : « Au reste, il n'y a personne qui me semble avoir plus d'intérêt à examiner ce livre que ceux de votre compagnie ; car je vois déjà que tant de personnes se portent à croire ce qu'il contient que (particulièrement pour les Météores) je ne sais pas de quelle façon ils pourront dorénavant les enseigner comme ils font tous les ans en la plupart de vos collèges, s'ils ne réfutent ce que j'en ai écrit ou s'ils ne le suivent », [au P. Noël, octobre 1637, I, 455, 18-26]. Et c'est aussi parce qu'il comptait sur les Mététfres pour introduire sa philosophie dans les Collèges des Jésuites [V. sur ce point, E. Gilson, La liberté chez Descartes et la théologie, pp. 319-332] qu'il pardonnera difficilement au P. Bourdin d'avoir publiquement attaqué les Météores. Le seul jugement précipité*de Météores Cartésiens et Météores Scolastiques 361 • * ce Père a suffi pour détourner de lire les Météores tous les profes seurs qui, chaque année, enseignent cette matière dans les collèges de la Compagnie de Jésus. [« Jamque mihi videor ejus rei fecisse experimentum circa Tractatum quem edidi de Meteoris ; cum enim partem Philosophiae contineat quae, nisi admodum fallor, accura- tius et verius in ipso explicatur, quam in ullis scriptis aliorum, nullam puto esse causam cur Philosophi, qui Meteora singulis annis in unoquoque ex vestris Collegiis docent,illum praetermittant, quam quia forte de me'R. P. (scil. Bourdin) judiciis credentes, nunquam legerunt ». VII, 573]. Il ne serait donc peut-être pas sans intérêt de comparer de près les Météores de Descartes avec l'un des traités scolastiques dont il s'était servi au cours de ses études à la Flèche et de chercher si la préoccupation de s'opposer à la philo sophie de ses anciens maîtres n'a pas laissé dans son ouvrage des traces qu'il soit intéressant de relever. Nous prendrons comme base de comparaison l'un des rares manuels scolastiques dont nous soyons sûrs que Descartes l'ait connu, celui des Coïmbrois [« je ne me souviens plus que des Conimbres, Toletus et Rubius... » à Mersenne, 30 sept. 1640, III, 185, 11-12. Il leur ajoute un peu plus loin l'abrégé du Feuillant (E. de Saint-Paul) dont il a d'ailleurs oublié le nom], le uploads/Geographie/ gilson-1920-meteores-cartesiens-et-meteores-scolastiques1.pdf
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- Publié le Oct 25, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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