ISLAM D’HIER ET MUSULMANS D’AUJOURD’HUI NOUREDDINE BOUKROUH ARTICLES PUBLIES PA
ISLAM D’HIER ET MUSULMANS D’AUJOURD’HUI NOUREDDINE BOUKROUH ARTICLES PUBLIES PAR M.BOUKROUH AU JOURNAL LESOIR D’ALGERIE FEVRIER-AVRIL 2012 LE TITRE EST CHOISI PAR OPINIONSDZ 1 I- AVANT ET AUJOURD’HUI ________________________ 4 II- LES PEUPLES QUE LE BENDIR RASSEMBLE ET QUE LE GOURDIN DISPERSE ______________________________ 18 III- L’ISLAM QU’ON AIME ET L’ISLAMISME QU’ON HAIT 32 IV- LES VALEURS ET LES NATIONS _________________ 47 V- LA FOI ET LES MONTAGNES _____________________ 61 VI- KAN YA MAKAN ____________________________ 75 VII- TEL HOMME, TEL DIEU ? _____________________ 88 VIII- QU’ARRIVE-T-IL AUX MUSULMANS ? ___________ 101 IX- HISTOIRES D’ANES _________________________ 115 X- CULTURE THEOCRATIQUE ET BOMBE ATOMIQUE __ 131 2 DU MÊME AUTEUR : - Vivre l'Algérie" (1989), - L'Algérie entre le mauvais et le pire" (1997), - L'islam sans l'islamisme" (2006), - Réformer peuple et pouvoir" (2012), - Que faire de l'islam? (2013), - La nécessaire rénovation de l'islam" ED SAMAR (2016). - Islam, la dernière chance : pourquoi, comment et que réformer dans l'islam ? Ed. Entrelacs, 2018. 3 4 I. Avant et aujourd’hui 5 Dans une de mes dernières contributions parues dans ces mêmes colonnes (23-26 janvier), je disais que l’islamisme arrivé au pouvoir par l’alchimie des révolutions arabes, et qui laisse entendre qu’il va réussir chez lui comme l’AKP en Turquie, a en fait peu de chances de rééditer cette réussite car il n’a pas été, comme lui, soumis depuis sa naissance et des décennies durant à deux limites entre lesquelles il était obligé d’évoluer sans possibilité de les transgresser : la laïcité inscrite dans la Constitution, et les prérequis nécessités par la perspective d’intégrer l’Union européenne. Ces deux contraintes qui, à la longue, ont façonné sa nature et lui ont servi de garde-fou, se sont avérées fructueuses et salutaires puisqu’elles lui ont permis de gouverner sans interruption pendant douze ans. Il manque à l’islamisme arabe un autre atout : l’ancienneté et l’expérience de l’AKP qui n’a gouverné seul qu’après quarante ans de cohabitation au parlement et au gouvernement avec d’autres forces, et après avoir dirigé de grandes agglomérations comme Ankara et Istanbul dont l’actuel Premier ministre a été le maire pendant des années. C’est dans ces fonctions électives que les cadres de l’AKP ont fait leur apprentissage de la gestion de l’Etat. En opérant un recul dans l’histoire, on remarque que ces deux contraintes étaient présentes dans l’Algérie coloniale. Au sein du Mouvement national qui s’était formé pour combattre le colonialisme, il y avait une composante islamique, l’Association des oulémas algériens. Invoquant le principe de la séparation du culte et de l’Etat, elle a revendiqué pendant des décennies son application au culte musulman afin d’en prendre la charge, et réussit à quadriller 6 le pays avec un réseau de plusieurs centaines d’établissements d’enseignement libre. Vivant sous le régime de la laïcité qu’ils voulaient tourner à leur avantage, les oulémas accomplissaient leur mission sociale et éducative tout en réfléchissant à l’avenir, au jour où l’Algérie recouvrerait sa souveraineté. Comme s’il avait deviné l’usage qui pourrait être fait de la religion dans le domaine politique, Ben Badis avait donné pour devise à son journal ( AlMountaqid) : «La vérité au-dessus de tous, la patrie avant tout». C’était en 1924. Quel journal islamiste de par le monde afficherait une telle devise aujourd’hui ? Et comme s’il s’était représenté ce qu’allait être cet avenir — celui que vit l’Algérie depuis que l’islamisme charlatanesque s’est abattu sur elle —, il avait écrit dans le Manifeste doctrinal de l’Association des oulémasen 1937 : « L’islam honore et glorifie la raison et recommande de baser tous les actes de la vie sur l’usage de la réflexion… Il propage sa doctrine par l’argumentation rationnelle et la persuasion, non par la ruse et la contrainte… Son régime est essentiellement démocratique et n’admet point d’absolutisme, même au profit de l’homme le plus juste.» Dans les madrassas ouvertes par l’Association, on enseignait les mêmes matières que celles dispensées dans les écoles françaises en dehors de l’arabe et des cours religieux. J’ai été élève pendant plusieurs années dans l’une d’elles à El- Biar dans les années cinquante. Elle portait le nom de Madrassat at-Tahdib et était dirigée par un personnage à l’allure martiale dont j’ai oublié le prénom mais gardé le nom : M. Foudhala. La mixité était quelque chose de naturel puisque j’y allais avec mes sœurs. 7 Les maîtres s’habillaient selon leurs moyens, le directeur était toujours impeccablement mis, avec costume cravate, et il n’y avait ni qamis, ni calotte blanche ou rouge, ni barbe, bien ou mal taillée, ni claquettes aux pieds. On n’avait jamais vu ou entendu parler de hidjab ou de niqab, et encore moins de tenue afghane. Il faut dire que Kaboul n’avait pas encore ravi sa place à Paris dans le « chic féminin ». Dehors, les femmes mettaient le haïk, mais pas les jeunes filles. A l’intérieur du pays, on ne savait pratiquement pas ce que c’était. Les Algériens vivaient à l’écart des Européens, entre eux, selon leurs coutumes locales et leurs traditions religieuses. Dans cette société pauvre, indifférenciée socialement mais solidaire et fraternelle, les oulémas, les imams et les hadjis occupaient une place prestigieuse. Ils étaient regardés comme les guides moraux du peuple sans qu’ils cherchent à lui imposer une quelconque tutelle ou à s’ériger en directeurs de conscience. Ils ne se posaient pas en guides, c’est la considération morale dont ils étaient entourés qui les faisait passer pour tels parce qu’ils étaient ouverts d’esprit et donnaient le bon exemple. Il existait dans les villes des lieux mal famés, dans la haute et basse Casbah notamment, il y avait des débits de boissons alcoolisées, le kif se vendait à la sauvette, et si ces marchés existaient et florissaient, c’est parce que les consommateurs et les habitués des lieux étaient musulmans, les Européens ayant leur propre monde. Les imams et les sages du quartier leur faisaient la morale quelquefois, à l’approche du Ramadan et des fêtes religieuses, ou alors ils étaient flétris par quelque juron lancé à leur face quand ils se livraient à un affront en public. Tout le monde, au fond, s’apitoyait sur eux plus qu’il 8 ne les blâmait. On ne connaissait pas la promptitude à excommunier, les vociférations et les anathèmes, même envers les ivrognes, les personnes de mauvaise vie, ou ceux et celles qui s’étaient complètement « francisés ». Il régnait une tolérance naturelle, généreuse et bonhomme, sans tendre à la connivence ou verser dans la permissivité. Au contraire, la société secourait les déviants au lieu de les juger et de les condamner. Toute seule, sans avoir un Etat ou l’argent du pétrole. Chacun menait son existence, droite ou zigzagante, selon son bon vouloir mais dans le respect des codes sociaux. En lisant Lebbeïk de Bennabi ou Ce que le jour doit à la nuitde Khadra, on retrouve un peu de cette ambiance. Il y avait beaucoup d’âme, de philosophie et de miséricorde dans les rapports humains. Que l’on fut pieux ou dévergondé, il fallait juste respecter les usages, les formes et les convenances. Il ne pouvait pas venir à l’esprit de quelqu’un d’accoster un autre pour l’inciter à aller à la mosquée, l’interroger sur sa tenue, celle de sa femme ou de sa sœur, ou pour lui demander s’il jeûnait ou non. Personne ne surveillait personne alors qu’on était en pleine guerre et que la délation était redoutée. Cette ambiance de tolérance s’étendait aux Européens et aux juifs. Dans les grandes villes, il existait entre les trois communautés un climat d’émulation, et les plus défavorisés économiquement et politiquement — les Algériens — étaient ceux qui avaient le plus à cœur d’être à la hauteur, peut-être parce qu’on tenait à les faire rentrer de force dans les clichés de « fanatiques » et d’ « arriérés». Malgré la modestie des moyens, ils avaient leur tenue du dimanche et ciraient leurs chaussures pour sortir se promener ce jour-là ou aller faire une partie de dominos ou de ronda. 9 Qui met un costume le vendredi, aujourd’hui ? Combien sont ceux qui possèdent chez eux une brosse et du cirage ? On s’est débarrassé de ce souci avant même l’apparition du qamis et des claquettes. Le 5 août 1934, des affrontements d’une grande violence éclatent entre Algériens et juifs à Constantine où un Israélite éméché avait uriné contre le mur d’une mosquée, avant de s’étendre à d’autres villes. Ils se solderont par une vingtaine de morts de part et d’autre. Les oulémas, Ben Badis en tête, ont déployé pendant ces évènements toute leur énergie pour les faire cesser. Bennabi, qui se trouvait à Tébessa, apporte dans ses Mémoires ce témoignage : « Nous nous opposâmes à Tébessa à ce que la minorité juive subisse le moindre dommage. La nuit, nous faisions même une garde sous le balcon d’un certain Moraly que nous pensions être le plus susceptible d’attirer une vendetta. L’imam de la ville fut sublime, rassurant jusqu’à sa porte un malheureux juif attaqué par un voyou… Le cheikh Ben Badis fut durant ces pénibles évènements d’un grand courage et d’une parfaire uploads/Geographie/ islam-d-x27-hier-et-musulmans-d-x27-aujourd-x27-hui-noureddine-boukrouh.pdf
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- Publié le Apv 09, 2021
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