Pharm. Méd. trad. afro 1995, pp ]-18 LA BIODIVERSITE TROPICALE FACE AU DEVELOPP
Pharm. Méd. trad. afro 1995, pp ]-18 LA BIODIVERSITE TROPICALE FACE AU DEVELOPPEMENT DES INDUSTRIES PHARMACEUTIQUES * Par leProfesseur Emérite Edouardt. ADjANOHOUN Universitéde Bordeaux 1 - PROBLEMATIQUE GENERALE Le cadre dans lequel intervient notre analyse est celui des plans d'action élaborés par la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement durable (CNUED 1992). Les mots clés susceptibles d'induire des directives positives exploitables à court, moyen et long termes sont : développement durable et écologiquement rationnel - accroissement des activités économiques -biodiversité et environnement - conservation et protection des ressources de la biosphère - amélioration de la qualité de la vie et de la santé humaine et les six actions, déclarations et conventions de cette conférence mondiale, à savoir: 1·- Action 21 sur la préservation de l'avenir de l'être humain, 2·- Déclaration sur l'environnement et le développement, 3·- Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements, 4·- Convention sur la Diversité biologique (Biodiversité), 5·- Déclaration des principes de gestion, la conservation et l'exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts..., 6·- Création du fonds pour l'environnement mondial... Les préoccupations des états majors des Nations Unies focalisent le débat sur l'exploitation de la Diversité Biologique en tenant sans doute pour acquises les mesures préconisées pour sa protection face aux dégradations en cours et sa conservation qui présente deux aspects complémentaires, un aspect statique de stricte protection et un aspect dynamique de mise en valeur rationnelle qui doit permettre de tirer un meilleur parti des ressources naturelles et des milieux biosphériques. Le milieu tropical est celui dans lequel les règnes végétal et animal connaissent une exubérance et un développement impressionnant et nous sommes en droit de * Conférence inaugurale du Colloque. -4- pressentir que l'avenir de la planète dépendra de sa survie ; survie menacée par des attaques catastrophiques dues aux variations climatiques provoquées ou non et aux interventions humaines contrôlées ou non. Il nous a donc paru plus urgent de présenter ou d'examiner les impacts des industries sur la biodiversité tropicale (l'Afrique étant essentiellement tropicale). L'industrie pharmaceutique parmi tant d'autres est, quant à elle, essentiellement basée sur la recherche, l'expérimentation, la standardisation et la commercialisation des médicaments nécessaires à la santé des hommes et des animaux d'élevage. Sa matière première est fournie prioritairement par les plantes auxquelles s'ajoutent des éléments, plus réduits, animaux et minéraux. Le Règne végétal compte près de 350.000 espèces actuellement identifiées dans le monde : parmi elles, se trouvent les Phanérogames ou plantes à fleurs évaluées à 250.000 espèces auxquelles font suite les Conifères au sens large, avec 700 espèces ; les Ptéridophyres ou fougères comptent 12.000 espèces environ ; les Bryophytes ou mousses comptabilisent 25.000 espèces; viennent enfin les Thallophytes subdivisés en Algues et en Champignons; leur inventaire indique respectivement: 30.000 espèces pour les Algues et 31.000 espèces pour les Champignons, toutes subdivisions taxonomiques confondues. Cet important matériel pharmaceutique existant et connu des Botanistes ne prend pas en compte les microflores, les microfaunes et les planctons dont nous sommes loin d'évaluer les disponibilités réelles; nous pensons fermement que leur nombre est de plusieurs milliards de taxons. Il faut être conscient que 80%, au moins, de cette diversité biologique est réunies et prospère dans les régions tropicales d'Afrique, d'Asie, de Madagascar, d'Océanie et d'Amérique, dans des écosystèmes multiples, terrestres ou aquatiques d'eau douce et marins. Un bref historique montre que les pharmacopées les plus anciennes dénommées "Pent Sao" (Chine -3.000 ans avant nôtre ère), "Vedas" (Inde - 2.000 ans avant notre ère), "Papyrus" (Egypte - 1.500 ans avant notre ère), n'ont pas généré de véritables industries. Les industries pharmaceutiques actuelles et futures ont pris essor et importance au 20è siècle et n'en sont qu'à leur début. Tout a commencé dans les pays développés par l'observation des résultats spectaculaires de la médecine traditionnelle confrontée aux pathologies les plus diversifiées, qui permit la mise en place de tout un processus de recherche pharmacognosiques, phytochimiques, pharmacologiques, phannacotechniques et cliniques. Le médicament élaboré devra affronter différents instruments juridiques conduisant à l'obtention du brevet de commercialisation ou d'exploitation. Mais l'approvisionnement massif du matériel végétal ou animal qui a mis en évidence des principes actifs médicamenteux universellement utilisables, pose quelques problèmes sérieux qu'il va falloir contourner par la recherche des équivalents 5 ' ~ - - synthétiques et des procédures biotechnologiques appropriées qui sont et demeurent fort onéreux et loin de donner toutes les satisfactions espérées. La plantation des plantes médicinales est plus ou moins maîtrisée dans les pays développés, elle l'est beaucoup moins dans les pays tropicaux en voie de développement dont la flore demeure encore très mal exploitée. Les molécules synthétisées entraînent à l'usage, dans bien des cas, des intolérances et des effets secondaires qui diminuent leur efficacité ou leur crédibilité. Les utilisateurs potentiels reviennent à la phytothérapie, à l'aromathérapie, à l'homéopathie, aux médecines populaires. La médecine traditionnelle tropicale n'ayant jamais eu les moyens suffisants pour se hisser au niveau de la médecine moderne, est condamnée à l'élaboration des ethnopharmacopées que ne sont autre chose que la compilation des enquêtes ethnobotaniques 1 • La première Pharmacopée africaine stricto sensu a vu le jour en 1985, éditée par l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), mais ses composants ne sont que des extraits des pharmacopées des pays industrialisés. Il ne s'agit en fait que d'une centaine de plantes médicinales africaines déjà étudiées et exploitées par l'industrie pharmaceutique moderne. Le but de cette édition est de donner aux industriels africains un instrument technique condensé leur permettant d'organiser une industrie parallèle répondant à l'offre et à la demande du commerce mondial, compte tenu de l'importance des matières premières brutes disponibles sur place en quantité et en qualité, et des revenus financiers et économiques loin d'être négligeables. II - APPORTS DE lA BIODIVERSITE TROPICALE r Plantes tropicales suffisamment étudiées et industrialisées Parmi les espèces dont les molécules naturelles ont survécu à la compétition de la chimio-synthèse, il existe encore de nos jours quelques centaines de plantes tropicales très célèbres commercialisées ou exportées vers les industries pharmaceutiques des pays développés. 1 _ De 1977 à 1987 l'Agence de la francophonie (ACCT) a financé des enquêtes ethnobotaniques pour 6 pays d'Afrique noire, 1 pays du Maghreb, 1 pays des Caraïbes, 5 pays de l'Océan Indien, le Vietnam et l'ile de Madagascar. - L'OUA vient d'entamer la création d'ethnopharmacopées pour les pays anglophones (Nigéria 1988 ; Ouganda 1993). -6- a - Produits de haute spécialité: 1 - Catharanthus spp. (Apocynaceae) ou pervenches, plantes herbacées afro asiatiques et malgaches dont la pervenche de Madagascar, subspontanée ou cultivée qui fournit la Vincaleucoblastine, alcaloïde utilisé avec succès pour le traitement de certaines leucémies. 2 - Carica papaya (Caricaceae) ou "papayer", arbuste originaire du Mexique, largement cultivé dans toutes les régions tropicales, dont le latex fournit un complexe protéolytique très puissant, "la papaïne" avec deux peptidases stables, utilisée en pharmacie et en médecine dans de nombreuses pathologies. 3 - Cinchona spp. (Rubiaceae) ou "quinquina", arbustes originaires d'Amérique latine, introduits et cultivés dans plusieurs pays tropicaux et dont les écorces de tronc contiennent la quinine, alcaloïde réputé contre la malaria. 4 - Rauvolfia spp. (Apocynaceae), petits arbres afro-asiatiques dont les racines contiennent la "réserpine" et autres dérivés utilisés dans le traitement des hypertensions artérielles. 5 - Centella asiatica (Umbelliferae), herbe rampante originaire d'Asie, devenue pantropicale dans les stations humides. Elle fournit le "madecassol", substance recherchée pour les rétinopathies et la cicatrisation des plaies incurables et la lèpre. 6 - Strophanthus spp. (Apocynaceae) qui sont pour la plupart des buissons et des lianes d'Afrique intertropicale, dont les graines fournissent divers composés parmi lesquels "l'Ouabaïne", réputée pour le traitement des cardiopathies. 7 - Tabernanthe iboga (Apocynaceae), arbrisseau d'Afrique centrale dénommé "Iboga", dont les racines produisent "l'ibogaïne" alcaloïde utilisé comme tonique nerveux et musculaire. 8 - Voacanga spp, (Apocynaceae), ou "arbres afro-malgaches dont les écorces de tronc et les racines sont riches en "voacangine", alcaloïde cardiotonique et dont les graines contiennent la "tabersonine" transformable en Vincamine utilisé pour une meilleure oxygénation du cerveau. 9 - Coffea spp, (Rubiaceae), ou "caféiers", arbustres originaires d'Afrique et d'Arabie, cultivés en Afrique et en Amérique tropicale dont les graines contiennent de la "caféine", alcaloïde largement utilisé en médecine. 10 - Thea spp, (Thaeceae) ou "thés", arbrisseaux ongmaires de la Chine, cultivés sur les montagnes intertropicales et dont les feuilles contiennent également de la "caféine". -7- 11 - Azadirachta indica (Meliaceae), dénommée "Nime", lilas des Indes, margose.petit arbre originaire de l'Inde mais largement introduit et cultivé dans toutes les régions tropicales, pour différentes utilisations, dont les usages médicaux, des multiples substances chimiques extraites de son appareil végétatif (stérols, terpènes, flavonoïdes). 12 - Cassia angustifolia (Caesalpiniaceae), dénommé "séné de l'Inde", arbrisseau afro-asiatique qui fournit les sennosides largement utilisés en pharmacie comme laxatifs. 13 - Cassia alata (Caesalpiniaceae), ou " dartrier", arbrisseau d'origine américaine, largement cultivé dans le monde tropical, il fournit l'acide chrysophanique utilisé en thérapie contre les mycoses et les dermatoses. 14 - Cassia occidentalis (Caesalpiniaceae), ou "faux kinkéliba", arbrisseau originaire du Brésil. Doué d'un grand pouvoir d'expansion, il est devenu pantropical, cultivé ou subspontané et produit des alcaloïdes, des flavonoïdes, des uploads/Geographie/ la-biodiversite-tropicale-face-au-developpement-des-industries-pharmaceutiques 1 .pdf
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- Publié le Fev 01, 2022
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