Stephan Dugast La pince et le soufflet : deux techniques de forge : traditionne

Stephan Dugast La pince et le soufflet : deux techniques de forge : traditionnelles au Nord-Togo In: Journal des africanistes. 1986, tome 56 fascicule 2. pp. 29-53. Citer ce document / Cite this document : Dugast Stephan. La pince et le soufflet : deux techniques de forge : traditionnelles au Nord-Togo. In: Journal des africanistes. 1986, tome 56 fascicule 2. pp. 29-53. doi : 10.3406/jafr.1986.2142 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1986_num_56_2_2142 Résumé Cette investigation sur les forgerons de l'agglomération de Bassar au Nord-Togo a permis de mettre en évidence l'existence de deux groupes distincts de forgerons, s'avérant complémentaires : relativement spécialisés d'une part dans la production d'objets déterminés, ils sont également complémentaires dans le traitement du fer (l'un transformant préalablement le métal pour l'autre). Pour rendre compte de cette complémentarité, une comparaison détaillée des outillages, des formes d'organisation du travail et des techniques a été établie (imposant de compléter par la même occasion les descriptions connues de la technologie de l'un des groupes, celui des forgerons bassar). Les différences ainsi relevées ont permis de souligner la pertinence de l'intérêt accordé aux caractéristiques technologiques, puisque c'est à travers elles qu'il devient possible d'expliquer la différence affirmée quant à la qualité des objets forgés et, du même coup, d'élucider certains comportements en matière d'échanges portant sur le fer. Ce travail soulève la question de la possibilité d'identifier, dans d'autres régions d'Afrique, des phénomènes similaires qui pourraient n'y être présents que sous une forme latente. Abstract This investigation on the blacksmiths of the Bassar agglomeration in Northern Togo has shown up the existence of two distinct groups of blacksmiths which prouved to be complementary : relatively specialized, on the one hand, in the production of specific objects, they are also complementary in the treatment of iron (one group transforming the metal before hand for the other). In order to show this complementary, a detailed comparison of tools, of the kinds of work organization and of techniques was established (leading us to complete, at the same time, the existing descriptions of the technology of one of the groups, the one of the Bassar blacksmiths). The differences thus shown up emphasize the interest given to technological characteristics as it is through them it becomes possible to explain the obvious difference as to the forged objects and, at the same time, clarify the way in which some iron exchanges are carried out. This study raises the question as to the possibility of identifying in other African regions, similar phenomena which might only exist in a latent form. STEPHAN DUGAST La pince et le soufflet : deux techniques de forge' traditionnelles au Nord-Togo Le cas du pays bassar présente plusieurs intérêts pour l'étude des metall urgies africaines, entre autres celui d'offrir l'exemple d'une forte division du travail entre plusieurs groupes spécialisés dans différentes phases de la product ion métallurgique et qui sont, par conséquent, liés les uns aux autres par des relations de complémentarité; Mais la particularité du pays bassar dans ce domaine ne s'arrête pas là. La production de fer de cette région était suffisamment import ante pour intéresser les populations voisines; de sorte qu'on observe l'existence simultanée de plusieurs techniques de forge au sein du même ensemble sidérur gique. Les comparaisons que cette coexistence autorise sont d'autant plus ins tructives qu'elles peuvent être enrichies par la prise en compte de la place parti culière qu'occupe chaque groupe, avec ses techniques propres, au sein de cet ensemble. C'est par une telle comparaison que le présent article voudrait con tribuer à une meilleure compréhension des phénomènes liés à l'industrie du fer dans cette partie de l'Afrique. La métallurgie bassar traditionnelle a suscité de longue date l'intérêt des observateurs les plus divers, mais il faut attendre la décennie 1980 pour qu'elle fasse l'objet de recherches systématiques. B: Martinelli s'est attaché à comprend re le rôle des groupes de métallurgistes dans la constitution puis le développe ment de la formation sociale bassar (1982)! Il a par ailleurs abordé le thème des relations entre métallurgistes et agriculteurs sous l'angle des rapports entre tech niques de fabrication et techniques d'acquisition agricole (1984): A partir d'une approche pluridisciplinaire, Candice Goucher (1983 à 1984) a porté son atten tion sur les aspects plus spécifiquement techniques. Recherchant les paramètres déterminants des changements technologiques de l'industrie du fer, elle propose un modèle écologique qui accorde un rôle essentiel ' au problème de l'approvi sionnement en charbon de bois. Enfin, Ph. de Barros (1983, 1985 et 1986) apporte, après ses longues recherches archéologiques; des résultats impressionnants sur l'accroissement de la production du fer et le développement de son commerce: ainsi que ses conséquences sur la démographie. Toutes ces recherches ont contribué à faire connaître l'importance de la production métallurgique du pays bassar ainsi que ses effets sur les sociétés voi sines. Elles ont aussi permis de faire progresser les connaissances sur certains aspects des techniques traditionnelles. Les progrès qu'elles ont amorcés dans ces deux directions peuvent néanmoins être poursuivis à condition de dépasser le seul cadre du pays bassar pour intégrer dans une perspective plus large l'ensem- 30 LA PINCE ET LE SOUFFLET ble des groupes concernés par la production du fer de cette région. La présente contribution propose certains résultats rendus possibles par cette démarche, qui ouvre, nous semble-t-ii; de nouvelles perspectives. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MÉTALLURGIE BASSAR TRADITIONNELLE La métallurgie bassar s'est développée dans une zone propice à cette acti vité puisqu'elle renferme d'importants gisements de minerai de fer relativement riche, ce qui la distingue déjà de beaucoup des metallurgies africaines qui exploi tent en général du fer latéritique à défaut de véritables minerais (Barros 1985 : 22' 129-33). La production du fer dans cette région peut être considérée comme ancienne, dans la mesure où de récentes recherches archéologiques établissent qu'elle était déjà bien implantée dès le début du XIVe siècle avec un commence ment probable dès la fin du premier millénaire (Barros 1985 : 212, 218-9 et 447-8 ; 1986 : 158). Progressivement cette production s'est intensifiée, dépassant le niveau nécessaire à la satisfaction des besoins locaux, pour atteindre dès le XIVe siècle une échelle régionale, puis, à partir de la fin du XVIe siècle ou du début du XVIIe siècle, une échelle suprarégionale (1985 : 214; 448 ; 1986 : 160). Les estimations quantitatives fournies par, Barros suggèrent que la métallurgie bassar est à pla cer parmi les plus importantes du continent africain (1985 : 312-14; 1986 : 168-70). Cette intensification de la production s'est vraisemblablement accompagnée d'une spécialisation croissante de plusieurs communautés dans les différentes phases de lia production métallurgique, probablement autour de la fin du XVIe siècle (1985 : 218): C'est ainsi qu'à la veille de la colonisation, on distingue les grou pes de fondeurs qui se chargeaient des activités d'extraction et de réduction du minerai de fer mais ne forgeaient pas, et les groupes de forgerons qui traitaient le fer brut obtenu auprès des fondeurs et qui le travaillaient pour en fabriquer essentiellement des outils agricoles et des armes de chasse et de guerre: D'autre part, le niveau atteint par la production était tel qu'il avait entraîné un déboise ment important autour des sites de fonte, contraignant les femmes de fondeurs . à aller chercher de plus en plus loin le bois nécessaire au : fonctionnement des hauts fourneaux (Goucher 1984: 52-75). Dès lors, la collecte du bois et la fabri cation i du charbon est » devenue une nouvelle activité spécialisée du village de Dimori, au sud-ouest du pays bassar, dans laquelle seules des femmes étaient engagées, à la différence des autres phases de la production métallurgique.. •Des relations de complémentarité se sont ainsi établies entre ces grou pes, chacun n'intervenant qu'à > une partie de la chaîne opératoire , complète, et laissant aux autres groupes le soin de se charger, des opérations techniques adjacentes. FORGERONS BASSAR ЕЪ FORGERONS KOTOKOLI , Jusqu'ici, les chercheurs qui se sont penchés sur la métallurgie bassar traditionnelle se sont concentrés sur l'étude des conditions ; de , la production STEPHAN DUGAST 31 à l'intérieur du pays bassar et sur les relations d'échange centrées sur le fer, avec les groupes voisins, ne s'intéressant qu'à peine aux différentes utilisations que ces groupes extérieurs pouvaient faire du fer qu'ils se procuraient en pays bassar. L'idée de prêter une plus grande attention à ces derniers phénomènes nous est venue de l'observation, dans l'agglomération de Bassar, de forgerons très différents - des •: forgerons bassar et établis dans un autre quartier de : la ville1. Il s'agit d'un groupe originaire du pays kotokoli voisin (à l'est du pays bassar) dont? la forge; constitue- depuis des temps; anciens la principale activité2. Son installation dans < le quartier Nangbani de l'agglomération de Bassar serait contemporaine -de l'arrivée des Allemands et, par conséquent, bien postérieure à l'installation du groupe des forgerons bassar, établi. dans* le quartier de Binaparba -longtemps avant la colonisation. Cette origine exté rieure, jointe à cette installation tardive, pourrait faire penser qu'il est artifi cier de vouloir rapprocher ces deux groupes de forgerons qui auraient été en quelque sorte mis accidentellement en uploads/Geographie/ la-pince-et-le-soufflet-deux-techniques-de-forge-traditionnelles-au-nord-togo-article-jafr-0399-0346-1986-num-56-2-2142.pdf

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