1 Sur la Religion des Pictes et les derniers druides d’Écosse Michel-Gérald Bou
1 Sur la Religion des Pictes et les derniers druides d’Écosse Michel-Gérald Boutet, Drummondville, Québec, mai, 2016 Vouloir décrire la religion des Pictes c’est comme tenter l’impossible. Sur les croyances, us et coutumes des Pictes ou Calédoniens, nous ignorons tout ou presque! Mis à part quelques mentions d’auteurs grecs ou romains, nous n’avons à l’étude que quelques récits médiévaux tardifs semi-légendaires, tel celui de Bede et de son Histoire ecclésiastique d’Angleterre. Ils n’ont pas laissé de traces numismatiques et nous n’en savons pas plus non plus sur leurs dieux ainsi que leurs mythes. Nous n’avons donc rien qui puisse se comparer à la riche matière d’Irlande ou encore à celle de leurs voisins brittoniques insulaires. Par contre, là où les Pictes sont le plus démonstratifs c’est par la richesse de leur sculpture sur pierre. De fait, ils ont donné à la postérité un important mobilier lithique sculpté et gravé qui laisse voir ici et là une iconographie symbolique qualifiée de « laténienne » par les spécialistes du domaine de l’histoire de l’art et qui s’agrémente parfois d’oghams… Le tout peut se lire comme une bande dessinée, mais où le texte, un peu trop lapidaire, demeure désespérément cryptique. Bref, les Pictes ont savamment gravé la pierre comme les Gaëls ont illuminé les pages de leurs manuscrits. Certains y ont vu les précurseurs des francs-maçons d’Écosse. Stèle commémorative picte gravée d’Hilton de Cadboll, Ross et Cromarty (VIIe ou VIIIe siècle de l’è. c.); détail illustrant une dame à cheval avec une scène de chasse. L’image est non sans rappeler l’art gaulois entourant Epona. D’après une photo du Museum of Scotland. 2 Pour les Romains, comme en témoigne Tacite dans sa Biographie d’Agricola, XI, 1, les Calédoniens sont indissociables des Bretons et il ne remarque rien de particulier sauf pour un détail : la couleur de leurs cheveux qu’il comparait à celle des Germains. En latin, le terme germanicus, qui servait à définir les voisins transrhénans des Gaulois, venait du latin germanus, « frère, parent, véridique »; de germen « germe, semence ». Contrairement à ce qu’affirme Tacite, les Calédoniens n’étaient pas d’origine germanique. Cependant, le passage qui suit est important parce qu’il situe la culture des Bretons en continuité avec celle des Gaulois. « Quant aux premiers occupants de l'île, on ne peut savoir avec certitude, comme c’est souvent le cas pour les peuples barbares, s’il s’agit d'autochtones ou s'ils sont venus d'ailleurs. Les Bretons présentent plusieurs types physiques permettant d'étayer autant d'hypothèses. Par exemple, les cheveux roux des Calédoniens, ainsi que leurs membres allongés, attestent d’une origine germanique. Basanés et souvent crépus, les Silures, dont le territoire est opposé à l'Espagne, donnent à penser qu'autrefois des Ibères ont traversé la mer et se sont fixés sur leurs terres. Ceux qui vivent le plus près de la Gaule ressemblent à ses habitants : soit l'origine ethnique reste marquante, soit le climat a conditionné le type humain dans ces régions qui se font face. En examinant la question dans ses grandes lignes, on peut, malgré tout, concevoir que des Gaulois ont occupé l'île du fait de sa proximité : on peut y retrouver les rites et les croyances religieuses propres à la Gaule; la langue n'est pas très différente; aussi téméraires que les Gaulois, les Bretons aiment prendre des risques, mais devant le danger ils paniquent tout autant et fuient. Toutefois, on trouvera plus combatifs les Bretons qu'une pacification de longue date n'a pas encore amadoués. Nous savons que les Gaulois, eux aussi, étaient de brillants guerriers. Par la suite, la paix les rendit nonchalants, car ils avaient perdu leur bravoure avec leur liberté. Il en va de même pour les Bretons vaincus de longue date, alors que tous les autres sont encore comme les Gaulois d'autrefois. » Donc, pour Tacite, les Bretons, originaires du continent, pratiquaient la même langue et avaient les mêmes rites et croyances que leurs voisins gaulois. Cette proximité pouvait non seulement favoriser les échanges entre les deux rives de la Manche, mais aussi, il semblerait, si l’on peut se fier à Jules César, que la Bretagne en profitait le plus. « On croit que leur doctrine a pris naissance dans la Bretagne, et qu'elle fut de là transportée dans la Gaule ; et aujourd'hui ceux qui veulent en avoir une connaissance plus approfondie vont ordinairement dans cette île pour s'y instruire. » (Jules César, De la Guerre des Gaules - Livre VI, Les classes sociales. Les druides, 11.) Plusieurs auteurs avancent que César faisait ici référence aux sites cérémoniaux d’Avebury, incluant Stonehenge, qui continua à être fréquenté jusqu’à la période 3 romaine. Selon l’UNESCO, le complexe d’Avebury et ses environs du Wiltshire est réputé pour être la plus grande concentration de tumuli de Grande-Bretagne. Sur ce territoire on retrouve les sites archéologiques de l’Avenue, ceux des Cursus, de Durrington Walls, de Woodhenge, du tumulus de West Kennet, du Sanctuaire de Silbury Hill, des Avenues de West Kennet et de Beckhampton ainsi que ceux des Palissades de West Kennet entourées elles aussi de nombreux tumuli. Bref, il y avait de quoi impressionner les Gaulois… mais, revenons aux Pictes. Dans son Histoire ecclésiastique d’Angleterre, Bede le Vénérable (né vers 673, mort en 735) raconte ceci : « Que les Bretons vinrent de Gaule est indéniable. Une autre branche de la race celtique, les Goidels ou Gaëls, semble avoir occupé la Bretagne avant eux. Ils se sont installés dans les régions du sud en premier. Lorsqu’ils prirent possession d’une grande part de l’île à partir du sud comme il est rapporté, c’est à ce moment que la nation des Pictes, voguant dans quelques navires de guerre par la mer en provenance de Scythie fut repoussée par les vents au large de la Bretagne sur les côtes du nord d’Irlande où ils débarquèrent. Ils rencontrèrent là la nation des Scots qui les refusèrent malgré leurs insistances à s’y établir. Malgré qu’elle soit plus courte au nord, l’Irlande est la plus grande des îles après la Bretagne et se trouve à l’ouest de celle-ci s’étendant plus au sud loin au-dessus du nord de l’Espagne, les deux terres séparées par une vaste étendue de mer. Les Pictes donc, comme il fut rapporté, arrivent par la mer exigeant qu’on leur concède un territoire afin de s’y installer. Sur ce, les Scots leur répondirent que l’île ne pourrait contenir les deux peuples ensemble. « Cependant, voici un bon conseil », dirent-ils, « afin que vous sachiez quoi faire, nous savons qu’il y a une autre île non loin d’ici à l’est, que l’on peut apercevoir par beau temps. Partez là et vous trouverez des établissements. Et si jamais on s’oppose à vous, nous vous porterons assistance ». C’est ainsi que les Pictes mirent les voiles sur la Bretagne et prirent les territoires du nord alors que les Bretons gardèrent le sud pour eux. Puisque les Pictes étaient sans femmes, ils demandèrent aux Scots qu’on leur en accorde. Ainsi, afin d’aplanir les rivalités, les Scots acceptèrent cette faveur à condition que leurs rois soient choisis dans la lignée maternelle et non dans celle du père comme il était alors en usage. La coutume est bien connue et les Pictes l’honorent jusqu’à ce jour. Avec le temps, mis à part les Bretons et les Pictes, il s’ajouta la nation des Scots qui migra d’Irlande sous la gouverne de Reuda. Et ceci se fit en territoire picte par les moyens de la diplomatie et de la guerre. C’est du nom de leur commandant que le territoire fut dès ce jour appelé Dalreudini puisque dans la langue Scotique, Dal signifie part. » Bede affirme ici que les Pictes venaient de Scythie. Ceci ne doit pas être pris au pied de la lettre puisque ce nom désigne tout territoire continental se trouvant à l’est des îles. Il peut aussi bien s’agir du nord 4 de la Belgique comme La Plaine de Hongrie ou Bohème, la terre de Boïens, plus à l’est. Il ne faudrait pas conclure non plus que les Pictes, par la transmission maternelle de la souveraineté, sont de souche pré- indo-européenne. Ce que Bede décrit dans son Histoire est vraisemblablement un contrat de vassalité par le fosterage des princes calédoniens dans la famille de leur mère. La langue picte Les tribus celtes du nord de l'Écosse, les Caledones ou Caledonii, se faisaient appeler Pictavi par les Romains puis Piktiaid, Ffichtiaid, par les anciens Bretons et Cruitnigh par les Gaëls d’Irlande. La langue picte, une variante dialectale du brittonique, aurait été parlée à Alba ou en Calédonie (Écosse, hautes terres et basses terres) et probablement dans certaines régions orientales d’Ultonia (la future province d’Ulster). En ce qui concerne le picte, comme c’est aussi le cas avec les autres langues celtiques brittoniques contemporaines, on observe une élision ou perte des désinences de déclinaison et de conjugaison. Bien plus qu’une évolution linguistique normale, ceci indique une dégradation de la grammaire classique qui était jusqu’alors maintenue artificiellement par les druides. Peut-on alors parler d’une Académie bardique ? Cela dit, en dépit de la uploads/Geographie/ sur-la-religion-des-pictes-et-les-dernie.pdf
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- Publié le Fev 02, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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