Université Paris XIII (Paris-Nord) U.F.R. des Lettres, des Sciences de l'Homme
Université Paris XIII (Paris-Nord) U.F.R. des Lettres, des Sciences de l'Homme et des sociétés LA LITTÉRARITÉ COMME TRADUCTION: ABDELKÉBIR KHATIBI ET LE PALIMPSESTE DES LANGUES Doctorat Nouveau Régime présenté par Isabelle Larrivée au Centre d'Etudes Littéraires Francophones et Comparées sous la direction de Charles Bonn Mars 1994 Université Paris XIII (Paris-Nord) LA LITTÉRARITÉ COMME TRADUCTION: ABDELKÉBIR KHATIBI OU LE PALIMPSESTE DES LANGUES Doctorat Nouveau Régime présenté par Isabelle Larrivée sous la direction de Charles Bonn Mars 1994 à ma mère, Réjeanne à Saïd, mon compagnon à l'enfant à naître J'aimerais remercier en premier lieu mon directeur de recherche, M. Charles Bonn, pour la confiance et la complicité qu'il m'a témoignées au cours de l'élaboration de ce travail. Mes remerciements vont aussi à ma famille qui n'a jamais cessé de me prodiguer des encouragements, de même qu'aux copines parisiennes, Elizabeth et Isabel en particulier, qui m'ont accueillie à Paris régulièrement toujours avec la même chaleur et la même amitié. Merci à Hicham Rajraji et Marie-Claude De Villechaise, Ghizlane Laghzaoui et Jamal Nawri pour le soutien moral et technique qu'ils m'ont apporté, de même qu'au Centre culturel Espagnol et à mes collègues hispanisants Abdellatif Khalinou et Mme Ruiz. Je ne remercierai enfin jamais assez mes collègues du Maroc qui n'ont de cesse de m'impliquer dans les manifestations intellectuelles et littéraires maghrébines et qui font en sorte de rompre la solitude du travail: Abdallah Mdaghri-Alaoui, Mustafa Bencheikh, Abdelhak Serhane et aussi, bien sûr, Abdelkébir Khatibi, de même que les collègues de la rédaction de la revue Prologues. "L'alchimie qui consiste à convertir la passion pour un corps---un modèle physique et culturel de corps---en une forme vorace de connaissance, capable de transformer l'amant en linguiste, en investigateur, en érudit ou en poète; de le faire passer de l'individuel au collectif et de lui ouvrir les yeux sur l'histoire, ses tragédies et ses injustices; de l'inciter à militer dans les rangs de l'anticolonialisme et à pénétrer dans la langue, la littérature et la pensée que le corps aimé appelle et représente [...] est une baraka ou une grâce qui accompagne celui qui, avec une rigueur et une sincérité à toute épreuve, demeure fidèle à ce qu'il y a de plus secret et de plus précieux en lui." Juan Goytisolo INTRODUCTION Avant d'exposer le contenu de ce travail, il nous est apparu important de signaler ce qu'il ne contient pas afin que son titre ne suscite aucune attente qui resterait en suspend. Car on a beaucoup parlé de traduction. On a aussi beaucoup parlé d'Abdelkébir Khatibi. Mais on a très peu parlé d'Abdelkébir Khatibi et de la traduction et la raison de ce silence est simple: parle-t-on souvent de traduction à propos d'une oeuvre en langue originale? Cette question n'est pourtant pas récente: on oriente de plus en plus les études sur la traduction vers une réflexion sur le langage et sur l'écriture. Il est bien sûr incontournable de prendre en compte les problèmes de l'écriture quand on traite de traduction littéraire. L'écriture est l'activité présidant à toute espèce d'entreprise traduisante en littérature. Mais considére-t-on aussi les problèmes de traduction lorsqu'il est question d'écriture, et a fortioiri, lorsque l'oeuvre dont on se propose de parler est étudiée dans sa langue propre? Il nous faut donc ici nous expliquer d'abord sur ce que nous n'entendons pas par traduction et ensuite, sur ce que nous n'étudierons pas de Khatibi. a) Le sens de "traduction" Selon l'acception de Roman Jakobson1, la traduction est le passage d'une langue source vers une langue cible. Philippe Jacottet est le traducteur de Robert Musil, de Gunter Grass; Jean-Clarence Lambert et Claude Esteban sont des traducteurs d'Octavio Paz, etc. Dans le même sens, tout un volet de la théorie de la traduction traite des problèmes pratiques liés à la traduction et aux difficultés auxquelles elle se heurte selon les types de texte, selon les langues, selon les époques. On peut poser à partir de cette traduction des axes de réflexion extrêmement intéressants à un autre niveau. Richard Jacquemond2 par exemple, a entrepris récemment une étude portant sur la traduction arabe/français dont il tire des conclusions éloquentes. Il évoque le fait que l'inégalité des échanges entre la France et l'Egypte est reflétée dans la production de traductions entre les deux pays. Il remarque dans un premier temps au niveau de la traduction du français vers l'arabe, la spécificité juridique des textes choisis et la faible proportion 1R. Jakobson, "Aspects linguistiques de la traduction" in Essais de linguistique générale, Seuil/Points, 1977. 2R. Jacquemond, "Traductions croisées Egypte/France: stratégies de traduction et échange culturel inégal" in Egypte/Monde arabe, n° 15-16, 3e et 4e trimestres 1993, p.283-295. des textes littéraires qui sont choisis en fonction d'une adaptabilité aux valeurs égyptiennes, et non pour leurs qualités intrinsèques. Il note aussi le ralentissement significatif qu'a montré le rythme des traductions depuis vingt ans, attribuant à des facteurs conjoncturels ce recul. Mais sur le plan de la qualité, la différence se fait aussi largement sentir car on assiste à une prolifération de traductions qui sont des transpositions plutôt qu'un déchiffrement du sens de l'oeuvre à traduire. Dans l'autre sens, c'est-à-dire dans la traduction de l'arabe vers le français, Jacquemond étudie certains aspects mettant en relief cette inégalité des rapports entre les deux cultures. Il fait état, en français, d'un courant de traductions "orientalisantes", qui est là pour accentuer une distance déjà grande par le recours à un système explicatif de notes et de précisions ethnologiques, de même qu'à l'opposé, l'existence d'une traduction "ethnocentrique" ou "francisante" dans laquelle ne sont sélectionnées que des oeuvres dont les auteurs ont reçu une grande influence des valeurs françaises ou occidentales et qui témoignent de la modernité d'une pensée s'opposant aux valeurs traditionnelles de l'Egypte. Ces traductions ne font que renforcer "à la fois l'altérité de l'autre culture (arriérée, obscurantiste, autoritaire) et l'"universalité" de nos valeurs."1 1R. Jacquemond, op.cit. p.291. Jacquemond utilise donc l'aspect traductionnel pour exprimer concrètement la disproportion des relations entre Occident et Orient et en ce sens, sa démarche constitue un apport important à la réflexion sur la traduction inter- linguistique au plan des contacts inter-culturels. Ce n'est toutefois pas de cette traduction inter-linguistique dont nous allons ici traiter, bien que celle-ci, comme on vient de le voir, comporte des aspects qui touchent de près le corpus auquel nous nous intéressons. b) La place de Khatibi De même, on pourrait légitimement s'attendre à ce que cette thèse porte sur un auteur spécifique, tel que proposé dans le titre. Au moment où nous écrivons ces lignes, des dizaines de travaux simultanés se rédigent sur Khatibi, au Maghreb, en France comme aux Etats-Unis où l'auteur est de plus en plus lu grâce à quelques traductions de ses oeuvres en anglais. Ces travaux, outre ceux existant déjà, sont menés par nombre de chercheurs qui, dans la perspective de la littérature maghrébine francophone, contribuent à mieux faire comprendre une pensée et une oeuvre singulières. En fait, ce n'est pas vraiment cette place que prendra ici Khatibi. Nous devons à son oeuvre d'être le ferment de cette réflexion et c'est en reconnaissance de dette que son nom, et non celui des autres auteurs à l'étude, figure dans le titre de ce travail et qu'autour de lui s'articulent les idées essentielles de cette recherche. Cependant, il semble utile de préciser que nous n'avons pas eu l'intention de faire une recherche exclusivement sur l'oeuvre de Khatibi, mais bien à partir d'elle. C'est-à-dire que ses textes ne seront pas tous mis à contribution et qu'il ne s'agit pas ici de tirer des grandes conclusions sur une oeuvre, mais bien, et c'est pourquoi nous avons commencé par la question de la traduction, sur une problématique littéraire spécifique. En cela, notre travail est davantage une réflexion sur la question de la traduction dans divers textes, dont principalement ceux de Khatibi, qu'une thèse analytique d'un corpus maghrébin francophone dont certains aspects seront certes pris en compte, inévitablement, mais non de façon primordiale. Et là se trouve un second motif à ce partage entre Khatibi et quelques autres auteurs: sortir du carcan imposé par les études maghrébines, et mettre un auteur maghrébin à l'épreuve d'écrivains du monde. c) Quelle traduction? Avant même de vouloir poser le geste de l'appropriation qui caractérise en général la traduction telle que définie par R. Jakobson, toute langue est traduisante. On n'a qu'à reprendre certaines expressions dont la première, "traduire sa pensée", comme le faisait remarquer Michel Deguy1, se trouve en amont de 1M. Deguy, “Traduire, disent-ils”, in L'Ecrit du temps La décision de traduire: l'exemple Freud, n°7, Minuit, 1984, p.91-100. toute réflexion, d'une attitude, même, face à la langue et à son oeuvre. Ce glissement traduit bien à lui seul l'envergure que nous aimerions donner ici à ce travail et au terme de "traduction". Vouloir traduitraduisons pour comprendre ce qui se présente à nous. Nous traduisons pour nous faire comprendre et ce qui se traduit est une sorte de pré-langage flou, mêlé d'affects, d'intuitions, de connaissances acquises et d'idées en pagaille. Nous traduisons, en un sens, notre irrationalité. Nous traduisons uploads/Geographie/ larriv-e.pdf
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- Publié le Sep 08, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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