LE JOURNAL L J DE JULES RIMET Le récit rare du fondateur de la Coupe du monde d

LE JOURNAL L J DE JULES RIMET Le récit rare du fondateur de la Coupe du monde de football 001-180.indd 1 001-180.indd 1 26/03/2014 16:03 26/03/2014 16:03 001-180.indd 2 001-180.indd 2 26/03/2014 16:03 26/03/2014 16:03 LE JOURNAL L J DE JULES RIMET Le récit rare du fondateur de la Coupe du monde de football Renaud Leblond avec la participation d’Yves Rimet 001-180.indd 3 001-180.indd 3 26/03/2014 16:03 26/03/2014 16:03 © Éditions First, un département d’Édi8, 2014 Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou repro ductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’Auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. ISBN: 978-2-7540-6576-4 Dépôt légal : mai 2014 Direction éditoriale : Marie-Anne Jost-Kotik Édition : Caroline Bollaert-Lepeu Préparation de copie : Christine Cameau Correctrice : Florence Fabre Mise en page : Stéphane Angot Couverture : Jean-Philippe Dubois Photo de couverture : ©DundStock/Thinkstock ; photo de 4e de couverture : © Roger-Viollet Imprimé en France Éditions First, un département d’Édi8, 12, avenue d’Italie 75013 Paris Tél : 01 44 16 09 00 Fax : 01 44 16 09 01 Email : firstinfo@efirst.com Sites Internet : www.editionsfirst.fr 001-180.indd 4 001-180.indd 4 26/03/2014 16:03 26/03/2014 16:03 L’Histoire merveilleuse de la Coupe du monde 17 Montevideo, 1930 Ce n’est pas mon premier voyage en mer, mais c’est ma première traversée de l’océan Atlantique. Je m’en fais une joie, car j’aime la mer et ce long voyage me donne tout le plaisir que j’en attends. Partis de Paris le 20 juin 1930, avec l’équipe de France, nous sommes le lendemain à Ville- franche pour nous embarquer sur le Conte Verde où se trouve déjà l’équipe de Roumanie, montée à Gênes. Je ne tarde pas à apprendre que le roi Carol a composé lui-même, joueur après joueur, l’équipe qui va représenter son pays. Plusieurs des équi- piers qu’il a choisis sont les employés d’une société pétrolière anglaise, et le congé nécessaire pour venir à Montevideo leur a été refusé. « Qu’ils démissionnent, s’ils veulent faire du sport ! » a édicté un administrateur. Le roi a téléphoné personnellement au grand patron et celui-ci s’est 001-180.indd 17 001-180.indd 17 26/03/2014 16:03 26/03/2014 16:03 Le Journal de Jules Rimet 18 incliné devant le désir royal. Le jour suivant, nous arrivons à Barcelone où nous attend l’équipe de Belgique. L’équipe de Yougoslavie est partie quarante-huit heures auparavant, de Marseille, à bord du Florida. Quatre équipes : c’est là tout le contingent européen pour la première Coupe du monde ! Nous emportons avec nous le trophée de la compétition, une statuette de trente centimètres de haut et pesant quatre kilos. Elle représente une Victoire portant, dans ses deux mains élevées au-dessus de sa tête, une vasque octogonale en forme de coupe. Cette statuette, la « Coupe du monde », est l’œuvre d’un sculpteur français, Abel Lafl eur, de qui l’on ne saurait dire que c’est un sportif, mais qui a acquis le sens du sport assez profondément pour l’exprimer avec talent. La Coupe du monde est en or massif. C’est un symbole : la Coupe du monde doit être la première parmi les manifestations sportives, et l’or est le symbole de la primauté. À cette époque, il n’est pas question de voyager par avion. L’aviateur Mermoz a bien entrepris à plusieurs reprises la traversée de l’Atlantique vers l’Amérique du Sud, mais l’une de ces tentatives, 001-180.indd 18 001-180.indd 18 26/03/2014 16:03 26/03/2014 16:03 L’Histoire merveilleuse de la Coupe du monde 19 toute récente, a failli lui être fatale1. Il n’existe encore aucun service régulier. Les distractions ne manquent pas à bord. Outre les jeux, qui sont assez variés pour satisfaire tous les goûts – même ceux des plus turbulents – on peut user de la piscine, de la salle de culture physique, de la bibliothèque. Le soir, après le dîner – qui est par lui-même une distraction – les passagers ont à choisir entre le bal, les petits chevaux, le cinéma et la comédie. À propos de la comédie, il n’en est pas de plus amusante que celle qui nous est donnée, à leur insu, par certains de nos compagnons de voyage. Deux vedettes du théâtre font en même temps que nous la traversée : Marthe Nespoulous, de l’Opéra, et Chaliapine, le chanteur russe dont la renommée est alors universelle. Mme Nespou- lous voyage en compagnie de son mari, comme une bonne et simple bourgeoise. Elle cause volon- tiers avec les passagers. Je fais souvent le tour du pont avec le ménage et nous bavardons gaiement, parlant de la France, de Paris, de l’Opéra, voire du football, que je leur révèle. Mais bien différent est 1. Note de Jules Rimet : En panne d’essence à 600 kilomètres de Dakar, il avait dû amerrir en plein Océan, où il aurait certainement péri s’il n’avait pas eu la chance d’être recueilli par un navire qui se trouvait dans les parages. 001-180.indd 19 001-180.indd 19 26/03/2014 16:03 26/03/2014 16:03 Le Journal de Jules Rimet 20 le comportement de Chaliapine, grand artiste que les feux de la rampe ont sans doute ébloui. Lui, il voyage avec une « suite », comme un souverain – et comme un souverain insoucieux de l’inco- gnito, craignant au contraire de passer inaperçu. Grand, portant beau, lorsqu’il se promène sur le pont accompagné d’une jeune femme ou de son secrétaire, parfois des deux, son attitude indique visiblement qu’il goûte le plaisir de se croire admiré. En effet, on le regarde beaucoup, mais plutôt avec la curiosité qu’attirent ses manières. D’ailleurs, ceux d’entre nous qui ont eu la joie de l’entendre sont en petit nombre, et les autres, comme on va le voir, seront privés par lui-même de cette faveur. Passage de l’Équateur On sait que le passage de l’Équateur, de la g « Ligne », est traditionnellement célébré, sur tous les navires, par une fête plus ou moins fastueuse. Le comité d’organisation qui prépare ces réjouis- sances a l’idée de solliciter le concours des deux artistes que nous avons avec nous. Marthe Nespou- lous accepte sans se faire prier et même avec son plus gracieux sourire. Pour l’illustre Chaliapine, le commandant est chargé de l’ambassade : comme on connaît ses saints on les honore. Il nous revient avec 001-180.indd 20 001-180.indd 20 26/03/2014 16:03 26/03/2014 16:03 L’Histoire merveilleuse de la Coupe du monde 21 ce refus fortement motivé : « Je n’ai pas coutume de chanter en dehors de mes contrats. Si j’étais cordonnier, me demanderiez-vous de vous faire gratuitement une paire de chaussures sous prétexte que nous allons passer la “Ligne” ? » Chaliapine ne perdrait pas sa voix s’il consentait à chanter pour les passagers du Conte Verde, et il y gagnerait même l’admiration, réelle cette fois, de tous ceux qui n’ont pas encore eu le temps de l’acclamer. Naturelle- ment, Marthe Nespoulous, informée du refus de son glorieux camarade, retire son acceptation et la fête se passe non sans musique mais sans le numéro exceptionnel que nous avions espéré. C’est tout de même une belle fête, et le destin capricieux m’y fait jouer un rôle. Non un rôle de vedette, mais de comparse et, plus exactement, de costumier. Le dîner – dont le menu remplirait une page du Times – doit être suivi d’un bal. Il a s été conseillé aux danseurs d’y venir en travesti, et ma fi lle, qui m’accompagne dans ce premier voyage aux Amériques, désire se conformer à cet aimable mot d’ordre. Quelques passagers et passa- gères, des habitués du parcours sans doute, ont apporté avec eux des déguisements et sortent de leurs malles des costumes classiques de Pierrot, de Colombine ou d’Arlequin. D’autres qui, comme 001-180.indd 21 001-180.indd 21 26/03/2014 16:03 26/03/2014 16:03 Le Journal de Jules Rimet 22 nous, n’ont rien prévu, improvisent. Nécessité, dit-on, rend ingénieux. Tel de nos jeunes compa- gnons, par exemple, estime qu’avec une couverture de lit convenablement drapée et une couronne de papier vert découpé en feuilles de laurier, il représente assez dignement un empereur romain le jour du triomphe. Dans un conseil de famille limité à nous deux, nous décidons, ma fi lle et moi, d’imaginer quelque chose d’original, inspiré de l’endroit où nous nous trouvons. Notre délibéra- tion aboutit à un projet de costume de danseuse – il n’est pas question de me travestir – que l’on pourra prendre pour un symbole de notre bateau. Il reste à le confectionner. Avec de la tarlatane achetée au magasin du bord, ma fi lle se fait un corsage et une jupe qui répondent à notre plan. À défaut de broderies d’or ou d’argent, les ornements consistent en ces étiquettes variées de couleur et de forme dont l’emploi normal est d’être collées sur les bagages des passagers. Plaquées sur l’étoffe et disposées sans symétrie, comme les étoiles dans le ciel, elles donnent un heureux effet de fantaisie. Les danseuses, d’habitude, ne uploads/Geographie/ le-journal-de-jules-rimet.pdf

  • 13
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager