H LA NUIT VENUE à Konna, près de Mopti, au centre du Mali, des dizaines d’hommes vêtus d’un gilet jaune et d’un pantalon multipoche se retrouvent devant la maison des jeunes. Ils se répartissent en groupes de huit ou neuf, s’arment d’un bâton, d’un coupe-coupe, se distribuent des talkies-walkies, puis se séparent pour patrouiller à moto dans les rues ensablées de la ville jusqu’à l’aube. Près de cinq cents volontaires, jeunes pour la plupart, forment la «brigade». Le groupe s’est mis en tête de sécuriser la ville, que les gendarmes ont abandonnée il y a neuf mois et que l’armée, stationnée à cinquante kilomètres, ne visite qu’en de rares occasions. Sa crainte : une attaque de bandits armés qui grouillent dans la région. La brigade est née de la frustration des habitants, impuissants devant la recrudescence des vols et des assas- sinats et irrités par l’inaction des forces de l’ordre, bien avant que la gendarmerie ne soit désertée. «Le 23 mars 2016, un marabout a été tué en plein centre-ville. Le lendemain, c’est un commerçant qui a été assassiné dans sa boutique, explique M. Yaya Traoré, l’un des dirigeants de la brigade, également premier adjoint au maire de la commune. Les gendarmes n’ont rien fait. C’est à ce moment-là qu’on a décidé de prendre les choses en main.» M. Traoré assure que l’initiative porte ses fruits : «Quand ils attrapent un voleur, nos hommes l’amènent à notre quartier général de la maison des jeunes, et, le lendemain, on l’envoie à la justice, où on lui dit de ne plus revenir.» «Les voleurs ont compris le message, pense-t-il. Ils se font plus rares.» Les combattants islamistes aussi. «Ils ont peur de nous, donc ils ne viennent pas», assure-t-il. Selon lui, c’est grâce à la brigade que les trois écoles de Konna accueillent toujours les enfants. Ce que l’on ne peut pas dire des villages voisins, où les établissements ont été fermés les uns après les autres sous la pression des djihadistes. Depuis la bataille de Konna (du 10 au 17 janvier 2013), qui marqua le début de l’intervention française au Mali (opération «Serval»), cette cité de quinze mille habitants située sur l’axe reliant Bamako à Gao devait être un symbole du renouveau de l’État malien. Elle ne fait qu’illustrer sa faillite. Les voitures calcinées jonchent toujours ses rues. Les bâtiments détruits par les bombes françaises sont restés en l’état. Après la reconquête du Nord, menée par la France, les forces armées maliennes et une coalition d’armées africaines, les habitants pensaient en avoir fini avec les groupes djihadistes. ( L i r e l a s u i t e p a g e s 6 e t7 . ) 5,40 € - Mensuel - 28 pages N° 772 - 65e année. Juillet 2018 M I S È R E D U F O O T B A L L A F R I C A I N – pages 4 et 5 UNE DISCRÈTE MULTINATIONALE DE L’ÉSOTÉRISME PAR JEAN-BAPTISTE MALET. Pages 16 et 17. le Conseil d’État, ceux-ci «sont délicats à qualifier juridi- quement, à plus forte raison lorsque le juge saisi doit statuer à très brefs délais». Enfin, le dispositif imaginé par M. Macron renforce démesurément le «devoir de coopération» avec les autorités publiques des fournisseurs d’accès à Internet et des hébergeurs, puisqu’il étend à toute «fausse information» une contrainte qui au départ visait à prévenir... «l’apologie des crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine ainsi que la pornographie enfantine». La détention des médias par des milliardaires amis du président de la République, l’intoxication publicitaire, l’étouf- fement financier des chaînes de télévision publiques ne font pas, eux, l’objet d’une proposition de loi. Et puis, pourquoi réserver un attirail judiciaire aux seules périodes électorales? Pour s’en tenir aux dernières décennies, presque chaque guerre – celles du Golfe, du Kosovo, d’Irak, de Libye – a vu proliférer les mensonges et les manipulations de l’information. Non pas à cause de Moscou, de Facebook ou d’autres réseaux sociaux, mais parce que des maîtres de la démocratie et du journalisme en étaient les auteurs : les plus grands quotidiens occidentaux, le New York Times en tête, la Maison Blanche, les grandes capitales européennes. Sans oublier le gouvernement ukrainien le mois dernier, qui annonça la fausse mort d’un journaliste russe. Si un juge devait un jour mettre la main au collet des criminels qui ont propagé toutes ces fausses nouvelles, au moins connaîtrait-il déjà leur adresse... H S O M M A I R E C O M P L E T E N P A G E 2 8 T r a v e r s a n tl a M é d i t e r r a n é e a u p é r i ld e l e u r v i e ,l e s m i g r a n t s a f r i c a i n s d é f i e n tl ’ U n i o n e u r o p é e n n e d a n s s e s v a l e u r s p r o c l a m é e s . I l s f u i e n tl a m i s è r e ,m a i s a u s s il ’ i n s é c u r i t é q u ig a g n e l ’ e n s e m b l e d u S a h e le n d é p i td e l ’ é m e r g e n c e d e c o o p é r a t i o n sm i l i t a i r e s r é g i o n a l e s .A u M a l i ,o ù s e p r o f i l e l ’ é l e c t i o n p r é s i d e n t i e l l e f i n j u i l l e t ,l ’ e f f o n d r e m e n td e l ’ É t a tf a i tl e j e u d e s g r o u p e s d j i h a d i s t e s . P E R S I S T A N C E D U P É R I L D J I H A D I S T E Au Mali, la guerre n’a rien réglé PAR NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL RÉMI CARAYOL * Le caprice du prince PAR SERGE HALIMI A PRÈS AVOIR ÉTÉ confortablement élu à la présidence de la République avec le concours de la quasi-totalité des médias français, M. Emmanuel Macron exige que sa majorité parlementaire lui concocte une loi contre la diffusion de «fausses informations» en période électorale. Peut-être prépare-t-il déjà sa prochaine campagne. Le texte qui devrait être bientôt voté trahit à la fois la cécité des gouvernants quant aux contestations qu’ils affrontent et – en même temps – leur inclination à imaginer sans cesse des dispositifs coercitifs pour y remédier. Il faut en effet avoir la vue basse pour croire encore que la victoire des candidats, des partis ou des causes «antisystème» (M. Donald Trump, le Brexit, le référendum catalan, le Mouvement 5 étoiles en Italie...) serait due, même marginalement, à la dissémination de fausses nouvelles par des régimes autoritaires. Depuis plus d’un an, la presse américaine s’acharne à démontrer, sans éléments probants, que le président des États-Unis doit son élection aux fake news fabriquées par M. Vladimir Poutine ; M. Macron paraît habité par le même type d’obsession. Au point d’espérer la conjurer par un dispositif inutile autant que dangereux. Inutile : consulté sur le sujet, le Conseil d’État a rappelé le 19 avril dernier que «le droit français contient déjà plusieurs dispositions visant, en substance, à lutter contre la diffusion de fausses informations». En particulier la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui permet de réprimer la diffusion de fausses nouvelles et les propos diffamatoires ou injurieux. Dangereux : la proposition parlementaire deman- derait à un juge d’agir dans les quarante-huit heures pour «faire cesser la diffusion artificielle et massive (...) de faits constituant des fausses informations». Pourtant, relève encore Afrique CFA: 2 400 F CFA, Algérie: 250 DA, Allemagne: 5,50 €, Antilles-Guyane: 5,50 €, Autriche: 5,50 €, Belgique: 5,40 €, Canada: 7,50 $C, Espagne: 5,50 €, États-Unis: 7,50 $US, Grande-Bretagne: 4,50 £, Grèce: 5,50 €, Hongrie: 1835 HUF, uploads/Geographie/ le-monde-diplomatique-2018-07.pdf
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- Publié le Aoû 25, 2022
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