1 LE SEJOUR DE KARL MARX A ALGER, DU 20 FEVRIER AU 02 MAI 1882* Il y a cent vin

1 LE SEJOUR DE KARL MARX A ALGER, DU 20 FEVRIER AU 02 MAI 1882* Il y a cent vingt ans que Marx a quitté Alger, après y avoir séjourné soixante douze jours. Il s’y est rendu sur recommandation de ses médecins et sur l’insistance de son entourage, particulièrement de son ami et compagnon de lutte Engels, pour y soigner une bronchite et une pleurésie. La douceur du climat d’Alger et du sud algérien était recommandée par le corps médical britannique aux patients, pour des cures et des soins afin de guérir les maladies pulmonaires. Marx a contracté cette bronchite au retour de Paris pour Londres, où il vivait avec sa famille depuis les années quarante du 19ème siècle, jusqu’à son décès dans cette même ville le 14 mars1883. Il a effectué le voyage à Paris en compagnie de sa femme Jenny, atteinte d’un cancer déjà à un stade avancé, pour rendre une ultime visite à leur fille Jenny Longuet qui habitait à Argenteuil, dans la banlieue de Paris. L’épouse de Marx, Jenny von Westphalen décède le 2 décembre 1881. Sans aucun doute, la mort de son épouse complique l’état de santé de Marx. Sérieusement malade et alité, il n’a pas pu assister aux obsèques de sa chère épouse. C’est à partir de ce moment que la nécessité de soins plus intensifs commence à être envisagée, aussi bien par Marx lui même, que par son entourage, particulièrement par Engels. Le séjour de Marx à Alger se situe à la fin du parcours d’une vie scientifique et intellectuelle intense, faite de travail acharné et de luttes politiques et organisationnelles multiformes. Les différentes péripéties de ces efforts gigantesques déployés tout le long de la vie de ces deux compagnons que sont Marx et Engels, peuvent être appréciés dans les deux éditions disponibles de leurs œuvres. Une nouvelle édition, la Gesamtausgabe, prévue en 122 volumes, est en cours de publication. Cinquante volumes ont déjà été publiés. C’est dans les Lettres d’Alger et de la Côte d’ Azur, adressées à ses proches et à Engels que Marx décrit ses séjours à Alger et dans le sud de la France. Le mérite de les avoir regroupées et mises à la disposition du lecteur en langue française revient à G. Badia. (1) Tous ceux qui s’intéressent à cette période de l’histoire d’Alger et au passage de Marx dans cette ville ne peuvent que lui être reconnaissants. A son tour, Marlene Vesper, auteur de l’ouvrage paru en langue allemande, intitulé « Marx in Algier » (2), a eu le mérite de nous présenter le travail le plus complet, jusqu’à présent, sur le séjour de Marx à Alger, sur une partie de son entourage immédiat dans cette ville, sur ceux qui l’ont aidé à vaincre sa maladie et ceux qui ont aussi cherché à lui rendre la vie et le séjour agréables. Il faudrait insister sur les mérites et les efforts opiniâtres entrepris par Marlene Vesper, pour « reconstituer les passages », « ressaisir les traces des pas » de Marx dans certaines rues ou quartiers de la capitale. Epreuve difficile, parfois impossible pour 2 « débusquer » le barbier et le photographe, tous deux témoins, chacun à sa manière, de la dernière barbe et de la dernière photographie lors de la dernière année de la vie de Marx. Ironique, n’écrit-il pas à Engels à ce sujet: « à cause du soleil, je me suis débarrassé de ma barbe de prophète et de ma perruque, mais ( comme mes filles me préfèrent avec ) je me suis fait photographier, avant de sacrifier ma chevelure sur l’autel d’un barbier algérois » (3). Sa dernière photo, prise le 28 avril 1882, est donc aussi liée au séjour de Marx dans notre capitale. Un détail trop inconnu ou trop vite oublié. Le lecteur, insuffisamment soucieux de la recherche de la conservation et de l’entretien de la mémoire peut se demander si tous ces détails sont importants. En histoire, dans les recherches historiques, et dans les démarches scientifiques en général, les détails, quand ils ont un sens, apportent toujours des éléments qui ressuscitent, éclairent des tranches de la vie. Pendant soixante douze jours Marx a séjourné dans notre capitale. L’Algérie n’était pas inconnue aux deux penseurs et compagnons que sont Marx et Engels. Avant ce séjour à Alger, beaucoup d’écrits sur les colonies dont, ceux sur l’Algérie, sont déjà consignés dans leur œuvre. Mais le séjour de Marx à Alger au dernier quart du 19ème siècle, va aussi projeter d'autres lumières sur cette ville. N’est-il pas important de chercher à lire, et à saisir comment la plume des grands hommes peut révéler des plis de la vie cachée des pays, des régions, des sociétés ?…. Dans ce cas, des séquences de la vie d’Alger…du moins ce qui nous en est parvenu. Une somme d’appréciations et de jugements sur une capitale colonisée avec ses microcosmes sociaux à la fin de ce 19ème siècle. Il faut espérer que d'autres sources et d'autres lettres de ce penseur seront encore trouvées et publiées. Mais avant de lire Marx dans ses lettres et l’accompagner dans Alger, il serait intéressant de voir pourquoi et comment la décision du départ pour Alger a été prise, autant par Marx lui- même que par son entourage. Ce qui ne s'est pas fait aisément. La correspondance des années 1881 et 1882, après le décès de son épouse et jusqu'à la veille de son départ pour Alger, contiennent des indications intéressantes. MARX, PARTIRA - T - IL ?... OU NE PARTIRA - T - IL PAS POUR ALGER ? La décision du départ de Marx pour Alger n’a été prise ni simplement, ni facilement. C’est le point de vue d’Engels, sur avis des médecins qui ont soigné Marx depuis 1881 jusqu’à 1882 qui a pesé le plus dans la décision finale du départ. Mais cette décision rencontre des résistances de la part de Marx lui même. Trois raisons principales vont la déterminer : 1) l’état de l’évolution de la maladie de Marx, 2) le lieu de cure et de soins pour garantir un prompt rétablissement du malade, 3) les garanties d’une situation politique qui ne doit en aucune manière affecter le malade et sa convalescence. Ce sont les interférences de ces trois raisons qui vont faire mûrir la décision du départ de Marx pour Alger. La chronologie de la correspondance de Marx avec ses filles, avec Engels, avec ses proches camarades, et le climat social que provoque ou suscite sa maladie, prouvent 3 aussi que le départ de Marx pour Alger est déterminé par une nécessaire prudence politique. D’où, recherche fébrile de la part de son entourage familial et politique, investigations sur le lieu du séjour…hésitations…compte tenu des trois contraintes mentionnées. L’idée d’un départ, d’abord pour le sud de l’Europe… et… peut-être pour Alger. Voyons, à la lecture des lettres comment la décision du départ pour Alger s’impose progressivement. Dans une lettre du 13/12/1881 (4) adressée à Danielson*, Marx annonce le décès de son épouse et lui précise, que vu l’état de sa maladie, les médecins veulent l’envoyer au sud de la France et même peut-être à Alger. Puis, deux jours plus tard, dans une lettre à Sorge* du 15/12/1881 (5) il l’informe de son départ la semaine prochaine pour Ventnor à l’île de Wight en Angleterre, lieu où Marx part se soigner habituellement, accompagné de sa fille Eleanor, qu'il surnomme Tussy. Tandis-que dans une autre lettre du 17/12/1881 (6), adressée à sa fille aînée , il y est question d’un séjour à Ventnor et plus tard, d’un départ pour le sud. Sans précision du pays de destination. Il s’agit du sud de l’Angleterre ou de la France. Par contre, dans une lettre à Kautsky* du 18/12/1881 (7) Engels annonce le rétablissement de la santé de Marx et son prochain départ pour le sud de l’Angleterre. La lecture des lettres échangées entre Marx et les membres de son entourage nous donne une idée des intenses consultations qui avaient cours entre eux pour choisir d’urgence le lieu des soins. De l’autre côté, les adversaires politiques de Marx annoncent à grand bruit sa mort. Dans une lettre du 29/12/1881 (8) , adressée à Ferdinand Domela Nieuwenhuis* in Den Haag, en Hollande, Engels réfute cette fausse nouvelle de la presse bourgeoise. Il lui dit que Marx est guéri et qu’il part pour Ventnor, à l’île de Wight pour se reposer. En vérité, dans une lettre de Marx à sa fille, Laura Lafargue du 4/1/ 1882 , il lui fait part du mauvais temps qui règne dans l’île depuis son arrivée à Ventnor ; sa santé ne s’améliorant pas, et plus encore, la lecture de la presse bourgeoise allemande annonce, dit-il – « ma mort ou ma mort proche, ce qui – ajoute-t-il – m’amuse beaucoup ».(9) Enfin, dans une lettre à Bernstein* du 6/1/1882 , Engels laisse espérer bientôt une amélioration de sa santé ; le danger d’une rechute de la maladie étant apparemment presqu’exclu. L’empressement de la presse bourgeoise – ajoute-t-il - à répandre la uploads/Geographie/ le-sejour-de-karl-marx-a-alger 1 .pdf

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